Féminicide à Saint-Joseph : Lise-May avait signalé les violences, le CEVIF parle de "dysfonctionnements"

Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, à Saint-Joseph, Lise-May, une mère de famille de 55 ans est décédée après avoir reçu plusieurs coups de couteau.
Le drame aurait-il pu être évité ? La famille de Lise-May dénonce "l'inaction des autorités", le CEVIF parle de "dysfonctionnements". Samedi dernier, à Saint-Joseph, Lise-May, 55 ans, a été tuée de plusieurs coups de couteau dont l'auteur présumé est son ex-conjoint.

"Il appartiendra à l'enquête de le déterminer, mais on peut parler de dysfonctionnements, déplore, ce lundi 8 novembre, Frédéric Rousset, psychologue et président du CEVIF, le Collectif pour l'Elimination des Violences Intrafamiliales. Lise-May avait donné l'alerte, ce n'étaient pas des signaux faibles. Elle se sentait en danger, et avait déposé plainte".

35 ans de violences quotidiennes

Malgré tout, le drame s'est produit samedi dernier, dans le quartier de Jean Petit, à Saint-Joseph. Mère de trois enfants, Lise-May Morel, 55 ans, a été tuée de plusieurs coups de couteau à son domicile. L'auteur présumé de l'agression est son ancien compagnon, avec qui elle a passé 35 ans de vie commune, marquée par des violences quotidiennes, selon ses proches.

"La séparation, la fenêtre de tous les dangers"

Il y a deux mois, Lise-May décide de mettre fin à la relation. Pour Frédéric Rousset, psychologue et président du CEVIF, "ce scénario est malheureusement trop fréquent dans les féminicides". "La femme met fin à 35 ans de vie commune, elle signifie qu’elle ne veut plus faire couple et l'homme qui s’y refuse, explique Frédéric Rousset.

C'est la fenêtre de tous les dangers car chez ces hommes, qui montrent une forme d'immaturité affective, la séparation donne lieu à un sentiment d'effondrement et ils passent à l'acte.

Frédéric Rousset

 

Regardez son interview sur Réunion La 1ère :

Féminicide : Frédéric Rousset, président du CEVIF, invité du Journal

 

"Un couteau dans son sac"

Depuis qu'elle s'était séparée de son ex-conjoint, Lise-May vivait dans la peur. Elle avait changé les serrures et mis un cadenas à l'entrée de sa maison. La belle-fille de Lise-May raconte qu'elle "n'osait pas sortir". "Elle mettait des sweat à capuche pour pas qu'il la reconnaisse, raconte la jeune femme. Depuis trois jours, elle sortait avec un couteau dans son sac".

Des plaintes déposées

Selon sa famille, Lise-May avait déjà porté plainte à plusieurs reprises. Une situation que dénonce Frédéric Rousset, psychologue et président du CEVIF. "Une victime qui dépose plainte doit être prise au sérieux, martèle-t-il. Ces histoires sont porteuses de mort. J’ai le sentiment qu’on est jugé dans le commissariat ou la gendarmerie, alors que ce n'est pas le lieu".

La famille de Lise-May dénonce "l'inaction des autorités". Samedi dernier, la mère de famille a été victime de plusieurs coups de couteau mortels sous les yeux de son fils, Cédric, témoin du drame. "En arrivant devant la porte de la chambre, je voyais le visage de ma mère couvert de sang", raconte Cédric, traumatisé. Quand il m'a vu, il a continué à la poignarder. J'ai vu son regard, c'était comme s'il était fier. Quand je me suis approché, il a retourné le couteau contre lui au niveau de sa gorge".

Regardez son témoignage sur Réunion La 1ère :

A Saint-Joseph, Lise-May Morel est décédée de plusieurs coups de couteau, samedi. L'agresseur présumé est son ex-compagnon. Le fils de la victime, Cédric, a vu sa mère mourir et estime que ce drame aurait pu être évité

 

"Si elle lui échappe, il l'a détruit"

Pour Frédéric Rousset, psychologue et président du CEVIF, il y a "la volonté d'abîmer le corps". "L'homme ne considère pas la femme comme un sujet, mais comme un objet, explique le psychologue. Elle est sous son contrôle, et si elle lui échappe, il l'a détruit". Frédéric Rousset remarque aussi que bien souvent "l'homme retourne l'arme contre lui". Ce qu'a fait l'ancien compagnon de Lise-May en tentant de mettre fin à ses jours. Il a été hospitalisé. Son pronostic vital est engagé.

Développer le bracelet anti-rapprochement

En septembre 2019, le gouvernement lançait les travaux du Grenelle des violences conjugales. Pour Frédéric Rousset, psychologue et président du CEVIF, "il faut du temps pour que les dispositifs existants portent leurs fruits, car le problème est ancré dans la société, génération après génération".

Selon lui, le bracelet anti-rapprochement est l'une des mesures du Grenelle qui est à développer dans le Département. "Il y a la possibilité que le bracelet anti rapprochement soit posé avant le jugement, à partir du moment où la situation de grand danger est identifiée", explique Frédéric Rousset.

Pour l'heure, sept bracelets anti-rapprochement ont été délivrés à La Réunion. "Ça me parait très mince et le cas de Lise-May le démontre", conclût le président du CEVIF.

Selon les chiffres des autorités judiciaires, La Réunion est le troisième département de France le plus violent envers les femmes. En 2020, sept plaintes ont été déposées chaque jour pour violences conjugales dans le Département. En 14 ans, 51 femmes ont été victimes de féminicide sur l’île. 38 % d’entre elles avaient signalé leur agresseur à la justice.