Municipales 2020 : Saint-Paul dan tan lontan a zordi

Le front de mer de Saint-Paul.
Située sur la côte Ouest de l'île, Saint-Paul a vu sa population doubler en moins d'un demi-siècle. De ses hauts attractifs à ses bas commerçants, son célèbre marché et son front de mer très fréquenté, la ville de Saint-Paul s'est transformée, subissant de plein fouet la crise requin. Reportage.
"Il y avait le chemin de fer et le train passait juste ici", indique Jean en pointant du doigt le front de mer de Boucan-Canot, à Saint-Paul. Il y avait aussi "le car courant d'air", un ancien car sans porte qui nous emmenait à l'école". Dans le temps lontan, cocotiers et filaos ombragent Boucan-Canot. "Il y avait des petites cases créoles, peu de familles, mais beaucoup de solidarité et de convivialité dans les années 70", raconte Jean, 59 ans.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 
 

Des champs de cannes et des jardins créoles

Né au Cap Homard dans la maison familiale, Jean tente de préserver sa case et son jardin potager. Autour, les immeubles ont poussé. Des cases comme celles de Jean, il en reste moins d'une dizaine sur ce front de mer de la commune de Saint-Paul. "Il y a du kaloupilé, un pied de mangue, de longani, un citronnier, décrit Jean en faisant visiter son jardin. La canne longeait ici, il y avait une balance sur le parking de Cap Homard, on y pesait les cannes venues de Villèle et Saint-Gilles-les-Hauts avant qu'elles ne partent pour l'usine de Savannah". Le père de Jean travaille sur la balance. Sa famille peut s'installer sur le terrain à proximité. Jean, ses trois frères et ses quatre sœurs vont y grandir.
 
Jean habite l'une des dernières cases créoles de Boucan Canot, à Saint-Paul.
 

La fin des cases et la construction d'immeubles

"A l'époque, on vivait de la terre et de la mer, j'allais à la pêche au maccabi, il n'y avait pas de réserve marine. Les requins étaient rares, j'en croisais, mais il n'y avait pas d'attaque", remarque-t-il. Jean y vit toujours dans la maison familiale avec sa mère et son frère. Il est serveur dans un restaurant de Boucan-Canot. Témoin privilégié de l'évolution du front de mer, il l'a vu se transformer au fil du temps. "Il y a eu les voitures, la route nationale, les cases ont été détruites, les terrains vendus et les immeubles construits pour loger toujours plus de monde", regrette-t-il. En 1968, Saint-Paul compte 43 129 habitants contre 104 519 en 2017, selon les chiffres de l'Insee. D'une superficie de 240 km², c'est le plus vaste territoire communal du département. 
 
Le poste de secours de Boucan Canot à Saint-Paul.
 

Une carte postale ternie par la crise requin

A quelques mètres de chez Jean, le poste de secours de la plage de Boucan-Canot installé depuis une quarantaine d'années et devenu propriété communal en 1991. Les tee-shirts jaunes des maîtres-nageurs sauveteurs tranchent avec le bleu de la mer et du poste de secours. A l'entrée, le sourire accueillant de Gérard en plein exercice. A 44 ans, il s'échauffe en scrutant l'horizon. Maître-nageur sauveteur, il se souvient du "Boucan d'avant". "Une plage où tout le monde se retrouvait, toutes catégories sociales, même s'il faisait gris", raconte Gérard, surfeur. Les drames liés aux attaques de requins ont terni l'image carte postale de cette plage mythique de La Réunion. "Dès qu'il y a interdiction et prévention, il y a privation de liberté, la plage a perdu de son charme", avoue-t-il.

Pourtant, "prendre une déferlante de 2m50 ici c'était énorme", se souvient le surfeur. Son collègue, Vincent, 47 ans, acquiesce. "A l'époque, on ne regardait jamais la mer avant d'y entrer, sauf conditions exceptionnelles, on pratiquait le surf tous les jours, il y avait plein de spots, raconte Vincent, nostalgique. On vivait avec la mer". Aujourd'hui, nager à Boucan se résume à un carré de baignade protégée par filets, bouée, drones et maîtres-nageurs sauveteurs (MNS). "Nous sommes plus surveillants de baignade que MNS", remarque Vincent qui se console de voir que cette "frustration n'est pas partagée par la nouvelle génération". "Elle a grandi dans la crise requin, sans connaître l'ancienne époque, elle n'a donc pas ce manque".
 
La plage de Boucan Canot à Saint-Paul. (Illustration)

 

Commerces et marché du centre-ville

Sur le front de mer de Saint-Paul, Marie-Renée, 73 ans, contemple la mer assise sur un banc avec une amie. Marie-Renée habite Plateau-Caillou depuis 40 ans. Chaque jour, elle prend le bus pour se rendre en ville. "De la haut je contemple la mer, d'en bas je la respire", sourit la gramoune ravie de profiter de sa carte de bus gratuite pour se déplacer. "C'est pratique, adapté, bien aménagé, je fais aussi mes courses au supermarché. Saint-Paul est une belle ville".

La commune affiche un taux de chômage est de 23,40 %, contre 29 % à l'échelle de l'île. Fruits, épices et artisanat : le marché de Saint-Paul anime le front de mer chaque vendredi. Attirant touristes et locaux, il est un des marchés les plus réputés de La Réunion. Mais pour y venir, c'est souvent "le parcours du combattant", estiment les bazardiers. Comme son père avant lui, Noël, fabrique des kayambs en bois. Depuis 22 ans, il vit dans les hauts de Saint-Paul et travaille dans les bas. "Jour de marché, il n'y a pas de place pour se garer, pas de parking, ce n'est pas pratique", déplore-t-il. Dans le centre-ville, Jean-Paul, 65 ans, s'agace : "tous les parkings sont payants, on ne peut plus se garer sans prendre une "bringel!". Mais pour ce chauffeur de bus en retraite, le "vrai problème de Saint-Paul est juste là : la médiathèque".

Le bâtiment a coûté 18 millions d'euros à la commune. Décidée par l'ancienne maire de la ville Huguette Bello (PLR), la médiathèque a été abandonnée par le maire actuel Joseph Sinimalé (LR) qui l'a revendue à la région. "C'est jeter l'argent par les fenêtres", s'énerve Jean-Paul critique envers les précédents maires, "toutes couleurs politiques confondues". "Je reconnais que Saint-Paul est une grande commune à gérer, tempère-t-il. Ce n'est pas facile d'être maire, je ne voudrais pas leur place". 
 
La ville de Saint-Paul et ses plages de l'Ouest.
 

Le développement des Hauts

Pour ce retraité, le centre-ville historique de Saint-Paul "se meure", et c'est la faute aux "grandes surfaces arrivées à l'Eperon, au Guillaume, et partout dans les Hauts". En quelques années seulement, des "villes se sont créées dans la ville de Saint-Paul". A l'Eperon, Aliette, 46 ans, ne voudrait sûrement pas revenir en arrière. "Nous avons aujourd'hui des immeubles, des commerces, l'EPAHD pour les personnes âgées", explique cette habitante qui s'est installée il y a huit ans. "Avant, il y avait beaucoup de roches et de bois, puis ça a construit. Il y a des gens qui n'aiment pas, moi j'apprécie. Il manque juste un bureau de Poste !" lance-t-elle à destination de son futur maire. Comme l'Eperon, le Guillaume, ou encore Bois de Nèfles ont modifié le visage de cette commune qui se décrit dans sa devise comme le "berceau du peuplement et la baie du meilleur ancrage".

 
Contexte politique

Depuis 2014, Joseph Sinimalé (LR) est le maire de la ville. Il a succédé à Huguette Bello (PLR) qui a été à la tête de la commune à deux reprises. Voici la liste des maires de Saint-Paul.

1945 – 1959 : Evenor Lucas (PCR)
1959 – 1965 : Roger Serveau (Droite)
1965 – 1987 : Paul Bénard (RPR)
1987 – 1994 : Cassam Moussa (RPR)
1994 – 1999 : Joseph Sinimalé (RPR)
199 – 2008 : Alain Bénard (UMP)
2008 – 2009 : Huguette Bello (PCR)
2009 – 2014 : Huguette Bello (PLR)
2014 – 2020 : Joseph Sinimalé (LR)