Correspondant de Réunion La 1ère (RFO-Réunion) à Maurice de 1998 à 2003, Jean-Luc Mootoosamy revient sur l’accueil que Sir Anerood Jugnauth, accordait à notre antenne. Les funérailles de l’ancien Premier ministre et Président de la République de Maurice, ont lieu ce samedi
Il ne disait jamais non à RFO-Réunion. Toujours disponible.
Ma première rencontre comme journaliste avec Sir Anerood Jugnauth, je la dois au micro de RFO-Réunion, en février 1998. A l’époque – bien avant la libéralisation des ondes à Maurice – une seule radio-télévision locale, celle de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) couvrait les conférences de presse et événements locaux. RFO apportait une forme de diversité dans le paysage audiovisuel.
Début 1998, l’ancien premier ministre mauricien vivait sa « traversée du désert » politique après une lourde défaite aux législatives de 1995. Il s’exprime cependant sur des sujets d’actualité lors de conférences de presse. Et il faut dire qu’il n’y avait pas foule dans la salle. J’y allais régulièrement avec mon co-équipier : l’enregistreur à cassettes que Jean-Michel Fontaine, rédacteur en chef de la radio m’avait confié. Sir Anerood Jugnauth acceptait de venir répondre à nos questions, après chaque conférence de presse. Contrairement à beaucoup d’autres hommes politiques mauriciens, il n’a jamais demandé sur quoi il allait être interrogé. Sir Anerood Jugnauth répondait en français, pour le public réunionnais et aussi celui des départements et régions d’outremer français.
J’ai fini par oser l’appeler « Sir Anerood ». Une confiance s’était installée. Avec le recul, je pense que cela a pesé plus tard.
En avril 1998, Sir Anerood tente un retour politique, comme candidat à une élection partielle à Flacq/Bon-Accueil, circonscription de l’est de l’île. Il est battu par le candidat du parti travailliste. Dans une petite salle, coiffé de son béret, son écharpe au cou, il s’apprête à concéder la défaite. Dehors les partisans travaillistes hurlent leur victoire et bloquent la porte d’entrée. Très peu de personnes sont admises dans la salle. Son entourage permet au micro de RFO d’être là.
Encouragements
Février 1999. Des émeutes éclatent dans la périphérie de Port-Louis, la capitale, après la mort du chanteur Kaya en cellule policière. Membres de l’opposition et alliés, Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger, rencontrent la presse à la résidence des Jugnauth à La Caverne, Vacoas. Avec Frédérique Tissandier, venue en renfort de la rédaction de Saint-Denis de La Réunion, nous l’interrogeons. Avant de partir, l’ancien Premier ministre nous encourage à continuer d’informer les Mauriciens qui suivaient RFO-Réunion pendant ces émeutes.
L’accession au pouvoir n’a pas altéré cette bienveillance à l’égard de RFO-Réunion. En septembre 2000, au soir de sa victoire, avant sa conférence de presse attendue par la population, Sir Anerood accorde son premier entretien de futur Premier ministre à Stéphane Bijoux, aux commandes du journal de Télé Réunion. Quelques jours plus tard, nous sommes parmi les quelques journalistes et photographes admis dans le bureau de Premier ministre qu’il retrouve après 5 ans. Il accepte de raconter aux auditeurs réunionnais ce retour à l’hôtel du gouvernement.
Un des artisans de la libéralisation des ondes, il sera présent lors de l’inauguration officielle de Radio One, première antenne privée lancée en 2002 et dirigée par mon ancien rédacteur en chef de Radio Réunion, le Réunionnais Jean-Michel Fontaine. Assis sur une des chaises à roulettes du studio, Sir Anerood suivra le journal de 18h00 en direct avec son épouse Lady Sarojini Jugnauth. Il passera ensuite du temps en rédaction pour voir le travail de l’équipe. Il écoutera au casque l’entretien qu’il a accordé quelques minutes auparavant. Avec Jean-Michel Fontaine, il parlera de l’amitié Maurice-Réunion.
Dernier souvenir professionnel avec sir Anerood : son accession à la présidence de la République en septembre 2003. Télé Réunion accède à l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour suivre sa dernière allocution comme Premier ministre avant sa démission et son arrivée à la présidence. Quelques heures après son investiture, il nous reçoit dans les salons de la State House. Sir Anerood accorde son premier entretien comme Président de la République à Télé Réunion. Avec Isabelle Allane, nous l’interrogeons sur l’aboutissement de sa carrière politique. Un moment de grande simplicité diffusée lors d’une soirée spéciale Maurice sur Télé Réunion.
Sir Anerood Jugnauth reviendra plus tard à la politique active pour un mandat comme Premier ministre en 2014 après avoir quitté la présidence.
Accéder de manière régulière à sir Anerood Jugnauth n’était pas gagné d’avance pour un média étranger qui n’était pas capté par une bonne partie de la population. Et pourtant Sir Anerood Jugnauth jouait le jeu. Aucun autre Premier ministre mauricien ne s’est montré aussi disponible que Sir Anerood Jugnauth vis-à-vis de RFO-Réunion pendant mes années de correspondances, de 1997 à fin 2003. Il a grandement facilité le travail que je faisais en toute indépendance pour les Réunionnais. C’était très précieux. Je souhaitais partager cela avec vous, ce 5 juin 2021, jour de ses funérailles, jour où la population mauricienne dira salam, au revoir, Sir Anerood.