Difficile de ne pas remarquer tous ces chantiers sur la commune du Tampon. Elle a beau s’étendre sur 165km2 - ce qui en fait d’ailleurs la troisième plus grande commune de l’Île en superficie – les quarante grues qui la surplombent en ce moment lui donnent un air encombré.
« Depuis quelques années oui, beaucoup d’immeubles », observe un ancien habitant du Tampon quand on lui demande s’il constate qu’il y a beaucoup de constructions. « Quand on pense à comment c’était avant, ça n’a plus rien à voir », ajoute-t-il.
« Les gens ont besoin d’appartements, il faut bien construire »
Une habitante du Tampon à propos des nouvelles constructions
Une métamorphose est à l’œuvre. Pourtant, jusqu’à maintenant, la commune n’avait jamais trop attiré les regards ou l’intérêt. Lovée entre le volcan et Saint-Pierre, à peine mentionnée dans le Routard, le célèbre guide touristique, le Tampon a toujours été considérée comme une « ville dortoir » pour les réunionnais. Mais les choses changent : grâce une nouvelle politique du logement et une défiscalisation avantageuse, la ville est en pleine mutation.
« Les gens ont besoin d’appartements, il faut bien construire », confie une habitante du Tampon, rencontrée en centre-ville. Celle-ci d’ajouter : « Bah oui, c’est normal, il y a des gens qui n’ont pas de logements ! ». Et elle dresse le bon constat car la pression des logements est très forte : beaucoup de demandes mais peu d’offres. Le Tampon, à l’instar de huit autres communes de l’île (Le Port, La Possession, Saint-Paul, L’Entre-Deux, Saint-Louis, Saint-Pierre, Sainte-Marie et Saint-Denis) est classé en zone dite « tendue ». Ce qui a poussé la municipalité à revoir sa copie et à changer radicalement sa politique d’urbanisation. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la vie des administrés.
Un nouveau plan local d'urbanisme
Katia, habite le Tampon depuis 1993. Depuis sa maison proche du centre-ville, elle assiste impuissante à l’essor urbain de sa commune. « Le Tampon, c’était beaucoup plus paisible. Maintenant ça a tendance à devenir, je vais pas dire une « grosse » ville mais une ville urbaine », explique-t-elle. Et à propos des constructions elle observe que « ça a été progressif mais ces dernières années, j’ai l’impression que ça a été exponentiel ». Et pour cause, depuis 2019, les règles de construction ont changé au Tampon. Le nouveau plan local d’urbanisme prévoit de nouvelles dispositions. Désormais, on peut y construire des immeubles allant jusqu’à six étages.
« La maison en face de chez moi, elle a été vendue et il va y avoir un immeuble de quatre étages qui va être construit à la place »
Katia, habitante du Tampon depuis 1993
« La maison en face de chez moi, elle a été vendue et il va y avoir un immeuble de quatre étages qui va être construit à la place », raconte Katia, désabusée. « Ça va amener des nuisances : des nuisances sonores, un trafic beaucoup plus important », s’inquiète-t-elle. « Avec un immeuble de quatre étages à côté, ma maison va perdre au moins 25% de sa valeur. Je comprends qu’il faille loger les gens, mais bon l’urbanisation à outrance … »
Une commune qui attire les professionnels de l'immobilier
Une politique du logement et une défiscalisation avantageuse grâce à la loi Pinel qui ont attiré de nombreux investisseurs, comme Scharif Issop. Il est le promoteur qui va construire l’immeuble à côté de la maison de Katia. Pour lui, l’attractivité du Tampon n’est plus à prouver : « Bah déjà au niveau de la température. On a quand même une belle différence de trois ou quatre degrés entre le littoral et le Tampon. On a énormément d’infrastructures, le Tampon s’est hyper développé ces dernières années », explique-t-il. Autant de raisons qui, selon lui, ont attiré des investisseurs qui pourtant, ne connaissaient pas le Tampon et son potentiel.
Avec aujourd’hui une clinique, une université et des nombreux établissements scolaires, la ville attire. Comptant actuellement près de 85 000 habitants, elle est en passe de devenir la ville la plus peuplée du Sud, devant Saint-Pierre.
"lI faut savoir que presque 60% des logements en construction sont déjà vendus ou réservés"
Scharif Issop, promoteur immobilier
« Vous prenez n’importe quel site d’annonce pour chercher un logement sur le Tampon, vous ne trouverez rien », assure Scharif Issop. « Lorsqu’un promoteur lance la construction de son immeuble, il faut savoir que presque 60% de ses logements sont déjà vendus ou réservés », confie-t-il.
Une pression très forte sur le logement
Et il n’y a pas que les promoteurs immobiliers qui se sont saisis de la question du logement au Tampon. De nombreux bailleurs sociaux ont lancé d’importants chantiers d’immeubles en concertation avec la municipalité.
« Il faut savoir qu’au Tampon on a 4500 demandes de logements sociaux en attente (...) On n’a pas le choix. Les cases à terre comme on faisait auparavant c’était bien mais on peut plus faire ça"
Daniel Maunier, élu au logement et à l'urbanisme à la mairie du Tampon
« Il faut savoir qu’au Tampon on a 4500 demandes de logements sociaux en attente », explique Daniel Maunier, élu au logement et a l’urbanisme à la mairie du Tampon. « On n’a pas le choix. Les cases à terre comme on faisait auparavant c’était bien mais on peut plus faire ça. Vu la rareté des terrains et les prix… Les gens n’ont pas les moyens », répond-il quand on l’interroge sur la nouvelle politique d’urbanisation de la commune.
Cette politique urbaine est intense et assumée. En plus d’autoriser les immeubles de six étages, le nouveau PLU lève également l’obligation de limiter les constructions à 40% d’une parcelle.
« Ça c’est la révolution au Tampon ! », s’exclame Daniel Maunier. L’élu d’ajouter : « les gens l’ont bien compris et les terrains sont désormais à prix d’or au Tampon ». Il nous prévient également : « Le Tampon a changé, ce n’est plus la ville dortoir. C’est fini ça ».
La municipalité prévoit 5000 logements en plus d’ici la fin du mandat en 2026. Mais le défi de taille que risque de poser cette augmentation de la population, c’est le trafic routier déjà bien engorgé. La mairie dit avoir lancé des études pour améliorer la circulation en centre-ville et revoir le circuit urbain des bus. Et pour inciter ses administres à lâcher la voiture, d’ici la fin de l’année, les bus verts de la Casud seront complètement gratuits.
Ecouter le reportage de Réunion la 1ère :