Tu voudras faire quoi quand tu seras plus grand ? Pilote d’avion !
C’est le premier métier que Rayane envisageait lorsqu’il n’était encore qu’un enfant. “Cette envie, elle vient de loin. Quand j’étais petit déjà j’avais pris l’habitude de lever la tête vers le ciel pour voir les avions passer”.
Pour faire de ce rêve une réalité, il a décidé d’intégrer cette année une classe préparatoire aux grandes écoles en mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur à Caen en Normandie. Son plan de vol devrait ensuite l’entraîner d’ici deux ans à passer les concours des deux seules formations gratuites du pays que sont le programme des cadets d’Air France et l'École nationale de l’aviation civile (ENAC).
“Sinon, pour intégrer les autres écoles privées, il faudrait compter entre 90.000 et 100.000 euros d’investissement”, explique-t-il, déjà bien conscient des enjeux et des efforts à fournir pour y parvenir.
Mettre les gaz avant de trouver son rythme de croisière
Pour sa première année de vol en autonomie loin des siens, Rayane doit d’abord affronter une charge de travail intense dans un univers concurrentiel. “On a beau le savoir à l’avance, c’est chaud la prépa, ce n’est pas du tout le même rythme qu’au lycée et on n’y est pas préparé”, avoue-t-il en décortiquant son programme composé de 35 heures de cours par semaine du lundi au samedi midi dont 12 de mathématiques et 10 de physique, auquel il faut ajouter de nombreuses heures de révision quotidiennes “pour ne pas se laisser distancer”.
Si l’an dernier en terminale, il lui arrivait de se retrouver dans des classes de seulement huit élèves, il doit cette fois-ci partager les bancs de ses cours avec une cinquantaine de camarades plus ou moins prêts à s’entraider. “C’est vrai que certains sont dans la compétition. À chaque notation, on nous donne d’ailleurs le classement des élèves pour nous préparer à l’esprit concours. Mais les professeurs insistent sur l’importance de travailler ensemble car on va devoir à terme concourir au niveau de la France entière et pas qu’entre nous”, confie Rayane.
Dans son établissement, les salles de classe restent d’ailleurs ouvertes le soir jusqu’à 23h pour permettre aux élèves d’approfondir leurs connaissances. Mais lui, préfère toujours quitter les lieux vers 19h pour continuer à travailler chez lui.
La découverte de l’autonomie
Chez lui, c’est aujourd’hui un appartement de 35m2 situé au centre-ville de Caen à seulement 15 minutes à pied de ses salles de cours. Comme d’autres jeunes de l’archipel, il a pu compter dans un premier temps sur l’aide de sa famille venue sur place avant la rentrée pour l’aider à s’installer.
“Quand tout le monde est parti, je me suis retrouvé seul face à moi-même et j’ai beaucoup réfléchi”, se souvient-il. “Je me suis dit ça y est, c’est enfin vrai, je suis aux études, je suis adulte à 5.000km de là où je suis né. Et là, j’ai vraiment réalisé que je devais tout gérer”.
Rayane a vite découvert que sa tâche n’allait pas être de tout repos pour assurer le ménage, les lessives, la cuisine ou encore la vaisselle à l’issue de ses journées de cours très chargées. “Cela demande de l’organisation car avec notre rythme de travail c’est très important de ne pas négliger ni le sommeil ni l’alimentation, tout en pensant à maintenir une activité sportive. On dit bien un esprit sain dans un corps sain non ?”, s’amuse-t-il en nous avouant qu’il n’a pas encore commencé à profiter des infrastructures de son établissement qui lui permettent de pratiquer librement escalade, badminton, basket ou musculation.
Des loisirs limités pour le moment
Si Rayane a déjà pu se faire quelques amis en classe préparatoire, il ne s'octroie pour le moment qu’une seule sortie de temps en temps le samedi. Il a toutefois la chance de pouvoir compter dans sa ville au moins deux bonnes connaissances de l’archipel qui, comme lui, sont arrivées cette année en Normandie.
Si Thao Maréchal a intégré une filière en sciences et techniques des activités physiques et sportives à l’université de Caen, Marion Dubarry-Thomas a elle choisi la communication et la publicité. Deux univers différents qui leur font parfois dire que Rayane évolue “sur une autre planète”.
“J’habite sur le port de plaisance et de ma fenêtre je vois les gens qui s’amusent dans les bars. Chaque jeudi, c’est rempli et moi je dois travailler. On me voit comme un fou”, ironise Rayane, en étant toujours convaincu de la voie qu’il a choisi et des sacrifices nécessaires pour y arriver.
L’archipel loin des yeux, proche du coeur
S’il appréhendait déjà l’éloignement de son île natale avant d’arriver en Normandie, le jeune homme apprécie désormais la nouvelle liberté que lui offre ce déracinement. “Le contexte est différent dans une ville où il y a tout le temps de l’activité avec la possibilité de voyager plus facilement, même si on est bien loin de la forêt boréale, des oiseaux qu'on entend et de la mer qui nous entoure”, admet-il un brin nostalgique.
C’est un peu comme s’il avait dû quitter Saint-Pierre pour réaliser la richesse de son territoire avec qui il garde le contact au travers de ses parents, ses amis et des réseaux sociaux. “C’est vraiment en voyant la vie de l’archipel depuis l’extérieur qu’on réalise que ce sont vraiment des îles d’exception”, plaisante-t-il en évoquant ce qui lui manque avant tout : “la famille et le fait d’être sur une île au bord de la mer dans un endroit où tu te sens bien, où tu te sens comme chez toi.”
Il se retrouvera d’ailleurs chez lui pour les prochaines vacances de Noël en attendant d’envisager un avenir à plus long terme “qui dépendra des opportunités” sur un marché de l’aérien en pleine mutation. S’il rêve d’intégrer la compagnie Air France, il n’exclut pas de piloter plus tard un avion d’Air Saint-Pierre pour voler un jour, qui sait, au-dessus du Grand Colombier.