Dirigée par l’Université McGill de Montréal, l’équipe de chercheurs a prélevé des échantillons de peau de six espèces comprenant des baleines, des dauphins et des orques vivant dans les eaux autour de Saint-Pierre-et-Miquelon et au sud de Terre-Neuve entre 2015 et 2022. Analysés, les prélèvements indiquent des niveaux importants de contamination aux polluants organiques persistants (POP).
Des risques sur le système reproductif
Les résultats ont été dévoilés dans une étude publiée dans la revue “Science of the Total Environment" le 6 octobre 2024. Si pour les baleines et les dauphins, les taux de contamination ne sont pas alarmants, pour les orques en revanche le niveau des POP “demeure au-dessus des seuils de toxicité pour les mammifères marins”. Au point d'engendrer des risques sur leur système immunitaire et reproductif, soulignent les auteurs de l’étude.
Parmi les POP incriminés, on retrouve notamment les polychlorobiphényles (PCB), classés cancérigènes probables pour l'être humain. Connue sous diverses appellations comme pyralène, arochor ou askarel, cette molécule synthétique a été massivement utilisée entre 1930 et 1970. Ses propriétés ininflammables ont fait d'elle une excellente huile pour transformateurs électriques et un lubrifiant pour turbines. Elle entrait aussi dans la composition de certains adhésifs et peintures.
Autres POP retrouvés chez les orques, les pesticides organochlorés utilisés dans l’agriculture. Comme les PCB, ils ont été interdits à la vente en France et au Canada entre les années 1970 et 1980. Malgré cela, leur présence persiste dans l’environnement et leur dégradation est lente. Ces POP peuvent se répandre et se déplacer sur les sols et dans les milieux aquatiques, et leurs effets sont nocifs sur la biodiversité.
Une contamination globale encore floue
Si les taux de contamination des prélèvements sur les orques sont inquiétants, les résultats de l’étude américano-canadienne ne nous permettent pas de déterminer le niveau de pollution globale des eaux qui nous entourent.
Le taux de contamination des animaux dit peu de chose quant au niveau de contamination de leur écosystème, car il est très difficile de remonter la chaine [alimentaire].
Guy Claireaux, délégué pour Saint-Pierre-et-Miquelon à l’Ifremer
Les POP ont tendance à s’accumuler chez les grands mammifères dotés de tissus riches en graisse. À titre de comparaison, les baleines, qui se nourrissent de zooplancton et de phytoplancton situés en bas de la chaîne alimentaire, sont bien moins affectées par les POP. "La contamination augmente au fur et à mesure que l’on monte dans les chaînes alimentaires, avec des maximums observés chez les tops prédateurs marins. On retrouve ici les grands carnivores des océans” poursuit Guy Claireaux, notant les limites de l'étude. Les orques se nourrissent notamment de phoques, mais ces derniers ne figurent pas parmi les espèces étudiées, tout comme le plancton.
D’autre part, l'accumulation des POP chez les orques pourrait s'expliquer par leur longue espérance de vie. En se nourrissant pendant 30 à 40 ans, ils emmagasinent à la longue plus de contaminants que des animaux à cycle de vie plus court tels que les maquereaux vivant 3 à 5 ans.
À lire aussi : Observation des orques : les conseils d'un spécialiste
Si de plus amples recherches restent à faire, les auteurs de l’étude constatent une bonne nouvelle : la baisse des POP depuis les années 1980 et 1990. Ils relèvent cependant “la nécessité de renforcer les actions pour réduire les sources de contamination”. De son côté, Guy Claireaux souligne que les autorités sont très vigilantes concernant la mise en vente des produits de la mer, et que certaines espèces commercialisées plus exposées aux contaminations sont particulièrement surveillées, telles que le thon.