Désenclavement de Saint-Pierre et Miquelon : le décryptage de la DSP aérienne

Atterrissage de l'ATR d'Air Saint-Pierre sur la piste de l'aéroport Saint-Pierre Pointe-Blanche
Lancé au mois de mai dernier, l’avis de marché pour la desserte aérienne de Saint-Pierre et Miquelon s’est achevé ce 22 juillet. L’occasion de faire le point sur le désenclavement de l’archipel. Notre dossier est consacré aux financement, fonctionnement et obligations de la délégation de service public aérienne. Éclairage…

Nous sommes en 2018. Le premier vol en provenance de Paris se pose à l’aéroport Saint-Pierre Pointe-Blanche. Les passagers sont conquis. Plus rapide et plus confortable, cet itinéraire améliore la traversée, de façon significative. À ce moment-là, l’État affirme alors sa volonté d’œuvrer plus efficacement pour la continuité territoriale.

Pour ces territoires, cela fait vraiment partie de la continuité territoriale qu’on leur doit.

Élisabeth Borne, ministre chargée des transports en 2018

Beaucoup moins de vols que prévus

C’est désormais acté. Les vols directs sont inscrits dans la DSP et ne font plus partie d’un avenant. Ils sont donc assurés pour les cinq prochaines années.

Mais, au final, quatre ans plus tard, les vols prévus ne sont pas au rendez-vous. Depuis la crise sanitaire, ils sont moins réguliers. 94 vers Montréal, 106 vers Halifax et 105 pour Saint-Jean. Soit, une centaine de vols de moins qu’en 2019.

Pour ce qui est des voyages associatifs, ils sont rendus compliqués par la suppression du vol du vendredi vers Saint-Jean et celui du dimanche vers Halifax.

Pourtant, toujours en 2018, l’État évoquait l’importance de ces vols régionaux.

C’est un point qui tient à cœur au président de la République. C’est à la fois le lien avec la métropole et aussi l’ancrage régional qui est aussi un facteur de développement qui fait que nos territoires et départements d’Outre-mer sont vraiment la projection de la France dans ses bassins régionaux.

Élisabeth Borne, ministre chargée des transports en 2018.

Un budget serré gonflé par l’État

La question du retour de ces vols régionaux dans les mois à venir se pose. Le calendrier et les tarifs seront discutés dans un second temps, après le choix d’un candidat. Pour le moment, seul le montant de 16 millions d’euros est garanti pour les cinq années à venir.

Il faut que chacun sache que l’argent que met l’État sur la table, pour la totalité de la DSP, c’est plus de 16 millions d’euros. Soit, un peu plus de trois millions par an, pour compenser, effectivement, le coût d’un service qui, sans cela, ne serait pas rentable, ne serait même pas équilibré.

Christian Pouget, Préfet de Saint-Pierre et Miquelon

Concrètement, avec 3,2 millions d’euros par an, le candidat devra donc proposer, au minimum tout ce qui est déjà assuré aujourd’hui. À savoir, les vols réguliers vers le Canada, 12 directs avec Paris ainsi que de services continus de transports de fret avec Halifax.

Une compagnie déficitaire

3,2 millions d’euros, c’est d’ailleurs, en moyenne, le déficit annuel de la compagnie. Ses charges avoisinent les 9 millions d’euros quand ses revenus, provenant de la vente de billets, par exemple, sont de 6 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle existe la DSP, la délégation de service public. Une gestion au centime près est en effet nécessaire, explique la compagnie aérienne locale, titulaire de cette actuelle DSP. Néanmoins, l’État invite aux économies.

Pour inciter le transporteur à améliorer sa productivité et à réduire le déficit d’exploitation, il reçoit une rémunération 50 000 euros auxquels s’ajoutent une part variable si le déficit n’atteint pas les plafonds prévus.

Rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, décembre 2016

Le transporteur reçoit une rémunération de 50 000 euros auxquels s’ajoutent une part variable, si le déficit n’atteint pas les plafonds prévus. Effet pervers : plus l’avion vole, plus le déficit est important ; plus ce déficit est grand, moins la prime est intéressante.

Cette prime est évoquée dans l’avis de marché du 20 mai 2022. Avec cette enveloppe de 16 millions d’euros, le délégataire devra aussi faire face aux imprévus comme la hausse des prix des carburants.

Des coûts de production élevés

Cependant, bien avant cette flambée des prix, le rapport de 2016 du Conseil général de l’environnement et du développement durable pointait déjà du doigt les charges élevées de l’entreprise.

La compagnie aérienne a effectivement des coûts de production élevés aux regard des comparaisons internationales, même après prise en compte des spécificités de son réseau.

Rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, décembre 2016

Il proposait de passer en revue les aspects techniques et commerciaux mais aussi l’ensemble des contrats avec les fournisseurs. Impossible pour la petite compagnie Air Saint-Pierre de faire le poids face aux grosses compagnies aériennes internationales. 

Le dossier de Flavie Bry, Jérôme Anger et Andréa Goris (stagiaire).