Pas besoin de parcourir 6000 km pour se rendre en France lorsqu'on réside à Halifax, capitale de la province de la Nouvelle-Ecosse au Canada. Une heure trente de vol sépare l'aéroport de Stanfield Halifax à Saint-Pierre-et-Miquelon, un saut de puce de l'Amérique du Nord à la France dont profitent chaque année de nombreux touristes. Depuis plusieurs années, l'archipel mise sur cette proximité pour attirer plus de touristes dont les Français expatriés. Parmi les résidents de la province de Nouvelle-Ecosse, on compte 375 Français inscrits au « Registre des Français établis hors de France ». Pourtant, ces derniers ne semblent pas avoir encore franchi le pas d'un séjour sur l'archipel français.
Un séjour qui semble complexe
Lisa Bouraly est l'une de ces Françaises. Elle vit à Halifax depuis sept ans et n’a jamais mis un pied à Saint-Pierre-et-Miquelon ni à Terre-Neuve. “J’ai toujours eu envie de prendre le traversier avec un van et de faire un road trip au Canada et à Saint-Pierre et Miquelon”, confie la jeune trentenaire. À trente-trois ans, Lisa travaille dans une Chaire de recherches à l’Université d'Halifax. Malgré l'envie de découvrir le caillou, l'universitaire admet ne pas avoir beaucoup d'informations pratiques sur les modalités de voyage à Saint-Pierre et Miquelon.
Ça semble assez complexe dans la pratique. Il faudrait une voiture, et ça semble très saisonnier comme destination.
Lisa BouralyFrançaise expatriée à Halifax
Un témoignage qui rejoint celui de Lucie Forge. À 39 ans, la Française s’est installée à Halifax en décembre 2023 pour reprendre des études d'acupuncture : “Je connais Saint-Pierre-et-Miquelon de nom depuis huit ans que je vis au Canada et j’adorerais en tant que Française pouvoir aller en France en Amérique du Nord”.
Toute jeune maman, Lisa pointe Saint-Pierre-et-Miquelon comme nouvelle destination phare pour faire découvrir son pays à son enfant. Un voyage auquel elle réfléchit depuis plusieurs mois mais qu'elle repousse. "J’ai de la famille qui vit à la Réunion depuis quarante ans et contrairement à cette île où depuis quelques années il y a eu une grande propagande envers les Français pour s’installer, à Saint-Pierre et Miquelon il n’y a jamais eu de boom j’ai l’impression ", raconte Lucie.
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Difficile de comparer l'attractivité de l'île de La Réunion dans l'Océan Indien et ses 885 700 habitants à un archipel de 6000 habitants en Amérique du Nord. Cependant, le manque d'attractivité du territoire se joue aussi dans la communication. Au volant pendant notre appel, la jeune femme en reconversion note qu'elle n'entend jamais parler de Saint-Pierre et Miquelon sur la radio francophone d'Halifax : “La seule fois que j’ai vu une publicité à propos de Saint pierre et Miquelon c'était à l'aéroport d'Halifax. En voyant l’avion Air Saint-Pierre, j'ai compris que ça existait vraiment."
Saint-Pierre et Miquelon ne semble pas être au cœur des destinations touristiques abordées entre amis. " J'en entends peu parler, sauf dans le cadre de mon travail parfois. Dans nos cours, je ne pense pas qu'on aborde Saint-Pierre-et-Miquelon malheureusement", explique Carole Blin, instructrice de français à l'Alliance Française d'Halifax, où elle vit depuis cinq ans.
Une promotion touristique en expansion ces dernières années
Localement, la Collectivité Territioriale s'est saisie du sujet de l'attractivité touristique à destination de la Nouvelle-Ecosse depuis 2022 à travers des campagnes de promotion de l'archipel et des participations à de nombreux salons. " En septembre 2024 nous avons mené une campagne publicitaire télévisée en Nouvelle Ecosse en partenariat avec Corus"Entertainment, afin de promouvoir le vol direct entre Halifax et Saint-Pierre", explique Mathieu Delamaire, responsable de la promotion du territoire auprès de la CT.
Des vols directs entre le Canada et l'archipel français proposés par la compagnie Air Saint-Pierre, dont l'aller simple coûte 257 euros pour les billets non remboursables, 301 euros pour être remboursé en cas d'imprévu. Un coût que certains pointent du doigt.
On peut aller dans le sud de la France pour le même prix.
Audreyexpatriée à Halifax
Installée à Halifax depuis vingt-deux ans, Audrey n'a jamais visité l'archipel. Une réalité financière que relate également Lisa : "Pour 500 euros on peut rentrer en métropole, donc le choix est vite fait ". Freins financiers, manque d'informations touristiques ou d'attractivité, tous les Français concernés confirment tout de même éprouver l'envie de fouler ces terres françaises.
D'après Robert-Yves Mazerolles, consul honoraire de France à Halifax, les Français seraient plus de 500 mais ce dernier confie qu'il est " difficile d’avoir des chiffres exacts car tous ne s’inscrivent pas sur les registres.” En trente-cinq ans de vie dans la capitale de la province canadienne de Nouvelle-Ecosse, le consul admet avoir vu plus de publicités à l’époque sur l’archipel que ces dernières décennies.
Alors pour créer des liens plus forts entre les deux régions, des comités de bénévoles de Saint-Pierre et Miquelon et d’Halifax travaillent à la création d'un tout nouveau festival pour promouvoir les cultures celtiques. Un rendez-vous pensé annuellement, organisé à tour de rôle sur Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax. Un projet en construction pour peut-être balayer les dernières appréhensions des touristes hésitants à découvrir ce bout de France au milieu de l'océan Atlantique.