"Il est temps pour nous de baisser le rideau le 2 Décembre prochain, après 12 195 jours (soit 33 ans 4 mois et 18 jours) de bons et loyaux services ! ", peut-on lire sur le réseau social de la propriétaire du Snack Bar-à-choix à Miquelon. Cette dernière a décidé de laisser les marmites et de partir à la retraite. C'est donc tout un menu qui se referme. Une annonce qui attriste un bon nombre de fidèles car l'établissement est bien plus qu'un simple restaurant. C’est un lieu de vie incontournable, au cœur du village, où les habitants et clients occasionnels partageaient un moment de convivialité autour d'une bonne assiette.
La fin d'une ère
Au fil des années, la notoriété du Bar-à-choix a largement dépassé les frontières de Miquelon et contribué à sa manière à l'attractivité du village. Le restaurant attirait du monde avec un personnel disponible et attentionné, engagé et soucieux du sens du service. Véritable image de marque pour le territoire, l'établissement a contribué à créer un lien social fort entre les villageois.
La fermeture du restaurant représente donc une grande perte pour Miquelon car, à ce jour, aucun successeur n'a été trouvé, et ce malgré les nombreux appels de la gérante, pour reprendre le flambeau et continuer à faire vivre ce lieu au rôle crucial.
Mais avant d'éteindre définitivement les fourneaux et de rendre le tablier, l'équipe du Snack accueillera le public et proposera encore durant quelques semaines de bons petits plats pour le plus grand plaisir des gourmets.
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Autre institution à tourner la page : la société François Detcheverry & fils. Après plus de 27 ans de service dévoué, Jean-Pierre et Francesca Detcheverry, les patrons du commerce miquelonnais, partent à la retraite à la fin de l'année. Spécialisée dans la quincaillerie, la papeterie ou encore l'électroménager, l'enseigne locale est toujours à la recherche d'un repreneur. Les quatre salariés de l'entreprise sont aussi dans l'attente quant à l'avenir de leur emploi et outil de travail. "Les négociations sont en cours" indique Jean-Pierre Detcheverry qui espère des nouvelles positives avant le 31 décembre 2025. "Le magasin fait vivre de nombreuses familles. Ce serait donc une catastrophe" s'il ferme définitivement estime le gérant.
Pour l'instant, il y a quelques pistes, mais rien de concret.
Jean-Pierre Detcheverry, gérant société Francois Detcheverry & Fils
L'entreprise a "bien fonctionné" malgré l'essor du commerce en ligne, et les changements dans les habitudes de consommation. Ces dernières années les commerces de proximité rencontrent de grandes difficultés et ne cessent de perdre du terrain confie Jean-Pierre Detcheverry. "Aujourd’hui ceux qui ont de l'argent vont le dépenser à Terre-Neuve et ceux qui n’en ont pas, dépensent dans l'archipel" regrette l'homme de 65 ans. "On m'a appelé à plusieurs reprises, seulement, pour venir réparer ou compléter les pièces manquantes d'un produit acheté ailleurs. Cela donne le sentiment d'être un service après-vente".
Aujourd'hui, nous croulons sous les charges, les règlementations. C'est tellement compliqué de suivre. C'est décourageant à la fin.
Jean-Pierre Detcheverry, gérant société François Detcheverry & Fils
Dans le secteur agricole, Thierry Gautier préfère rester optimiste. Le propriétaire de la ferme de l'Ouest ne compte pas partir de sitôt mais souhaite préparer la relève. L’enfant du pays a l'agriculture dans les tripes. Un métier qu'il a appris à aimer avec passion et qu'il souhaite transmettre après bientôt 30 ans d'activité.
Aujourd'hui, les affaires se portent bien. "Nous sommes partis de zéro" se souvient Thierry Gautier. "Tout était à construire, il n'y avait pas de dispositif d'accompagnement à l'époque. Il y a eu des moments très difficiles et nous avons réussi à sortir la tête de l'eau ces dix dernières années" se réjouit-il.
L'entreprise est performante, en très bonne santé. Il reste des choses à faire. Il y a du potentiel.
Thierry Gautier, gérant de la Ferme de l'Ouest
Depuis six ans, le producteur cherche un repreneur où un associé pour un accompagnement avant une transmission d'entreprise.
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La cession d'une exploitation est un enjeu majeur pour la survie de l'activité. "Ça se prépare et ça prend du temps" indique l'éleveur car une transmission réussie et une transmission anticipée. L'exploitant a eu des contacts très récemment sans obtenir satisfaction.
Le souci c'est qu'il y a moins de jeunes et ils se dirigent tous vers l'administration pour la sécurité de l'emploi.
Thierry Gautier, gérant de la Ferme de l'Ouest
Les voyants sont au rouge à Miquelon
Pourquoi le village de Miquelon se vide-t-il ? Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette situation.
Le facteur démographique tout d'abord. La population est vieillissante et de nombreux entrepreneurs sont de la même génération. Des anciens, sexagénaires, qui ont fait les beaux jours du territoire durant de longues années et souhaitent désormais profiter de leur retraite.
Le village est en train de mourir. Ca va être un club de vacances.
Commerçant de Miquelon
Aussi, les potentiels repreneurs se heurtent tous à l'obstacle du financement en raison notamment de la montée des eaux qui menace Miquelon. Aujourd'hui une grande partie du village est classée en zone rouge dans le plan de prévention des risques littoraux (PPRL). De quoi s'inquiéter pour l'avenir. Beaucoup craignent la fuite des forces vives encore présentes.
Le problème à Miquelon maintenant c'est qu'on risque de racheter une entreprise située en zone rouge dans le PPRL. Et avec le projet de déplacement du village, les assurances et les banques ne veulent plus suivre. Le village va mourir. C'est triste. Sans bar, boulangerie, restaurants les jeunes vont partir.
Commerçant de Miquelon
Mais avec le projet de déplacement du village dont les premiers coups de pioches ont été donnés en 2024, les 500 habitants de l'actuel Miquelon espèrent une clarification de la situation pour pouvoir se projeter à long terme et continuer, ainsi, à faire battre le cœur d'un territoire désormais en soins intensifs.