Pour ce chef irlandais passé par des restaurants étoilés, "la cuisine est un monde à part qui n'a pas besoin d'autant d'égo"

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Arrivé à Saint-Pierre et Miquelon il y a près d’un an et demi, le cuisinier irlandais Oisin Mac Cuirc est actuellement derrière les fourneaux de l’Essentiel Création Effet Mer aux côtés de Nathalie Goupillère. Entre son parcours atypique et son amour de la cuisine, il s’est confié sur sa vision de son métier.

Le tourne-disque en fond, le soleil qui frappe dans le salon et la bonne odeur des muffins qui s’échappent de la cuisine. Lundi matin ou pas, quand Oisin Mac Cuirc reçoit, il ne le fait pas à moitié. "C’est comme ça chez moi", explique-t-il. Lors de ses jours de repos, le plus souvent en début de semaine, l’Irlandais prend le temps. Le temps de pratiquer du sport ou de jouer aux échecs. Bref le temps de vivre. Une aubaine pour le cuisinier. "Je suis content par exemple de pouvoir manger le midi avec ma femme."

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Il faut dire que depuis qu’il a emménagé à Saint-Pierre il y a près d’un an et demi, Oisin découvre une vie différente. Être cuisinier est un mode de vie à part entière. De Cork, sa ville de naissance, à Budapest, de Lyon à Bordeaux, l’homme de 32 ans connaît l’exigence du métier. Son rythme effréné, ses horaires décalés, mais aussi la pression de travailler dans de grandes maisons.

Aux côtés de Seamus O’Connell, célèbre chef sulfureux Irlandais, star d’un télécrochet local, il a appris la cuisine française et asiatique. À Lyon, il a appris l’excellence auprès de David Delsart en stage, lors de ses cours avec Gabriel Biscay et Christian Vabret meilleurs ouvriers de France mais aussi à "sublimer des produits dans des bouchons lyonnais ou des brasseries." Dans le sud-ouest de la France, il a côtoyé Philippe Etchebest peu avant la pandémie du Covid 19. Autant de bons souvenirs qui ont façonné Oisin en tant que cuisinier, mais aussi en tant qu’homme. "La cuisine, c’est un monde à part entière. Il faut être prêt à encaisser. Par exemple, je ne me suis jamais autant fait insulter sans pouvoir répondre. Je ne le dis pas avec amertume du tout, ça m’a façonné."

"L’autosuffisance me parle beaucoup"

Pourtant, avant toutes ses expériences professionnelles, Oisin n’était qu’un enfant amoureux de la cuisine de sa grand-mère. "Une safe place", explique-t-il en anglais. Un endroit où l’Irlandais se sent bien auprès des siens. "Chez moi, tout le monde cuisine. Ma sœur est cuisinière à Londres par exemple. Je pense que c’est un peu familial."

Lui, c’est à Saint-Pierre et Miquelon qu’il a élu domicile. Il y travaille auprès de Nathalie Goupillère à L’Essentiel Création Effet-Mer. Entre services, ateliers ou soirées à thèmes, cette approche de son métier lui plaît. Même s’il l’avoue, être cuisinier dans l’archipel est un challenge à part entière. "Ici les produits de la mer sont excellents", sourit-il. "Mais on est soumis à des problèmes d’approvisionnement. Et les produits s’avèrent très chers. Donc il faut essayer de se réinventer."

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Mais être à Saint-Pierre et Miquelon, c’est aussi avoir une approche différente sur la consommation. La chasse, la pêche, le jardinage, autant d’aspects qui touchent le cuisinier de 32 ans mais qui contrastent avec le contexte nord-américain de l’archipel. "Ici les gens chassent, pêchent, récoltent. Ils sont autosuffisants et cette autosuffisance me parle beaucoup. A contrario, dans les magasins on va avoir du mal à trouver certains produits, car ils n’en demandent pas. Je pense aux artichauts par xemple. Les gens aiment aussi consommer ce qui va vite."

"La cuisine française est une cuisine complète"

Quand on parle avec Oisin, son visage traduit l’affection qu’il a pour son métier. Ses paroles témoignent, elles aussi, de son amour pour la cuisine. "Se nourrir, c’est quelque chose que l’on retrouve dans la journée une, deux ou trois fois selon les gens. C’est donc inévitablement quelque chose d’important dans nos vies. Mais pour être cuisinier, il faut être plus que passionné." Sublimer des produits, en tirer le meilleur pour les rendre savoureux, voilà ce qui anime l’Irlandais. Et la gastronomie française réunit tout ce qu’il affectionne dans son métier : "Il y a beaucoup de technique dedans. Beaucoup de technique, mais aussi des identités multiples. Chaque région a son identité, mais aussi son savoir-faire. La cuisine française est une cuisine complète."

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Mais l'Irlandais ne s'arrête pas là. S'il aime son métier, il aime aussi beaucoup en parler. Avec un professeur, Oisin intervient régulièrement dans un podcast dédié à la nourriture. Son rôle sur le fonctionnement cognitif, éducatif et physique de l'Homme, les effets secondaires "d'une alimentation irresponsable", telles sont les thématiques abordées au fil des différents épisodes. 

Toutefois, bien qu'amoureux de son travail, l'homme de 32 ans regrette les à-côtés du métier. "On n'a pas besoin de tout cet ego. Il se passe beaucoup de choses derrière les portes fermées en cuisine." Des expériences qui ont fasciné le professionnel. À la recherche d'un apprenti pour l'assister chez l’Essentiel Création Effet Mer, il aimerait enseigner son métier à son image. De l'exigence, de la patience, et de la bienveillance. 

"Si quelqu'un est vraiment motivé, je suis ouvert pour en discuter. Une chose est sûre, il apprendra le métier avec moi."

Oisin Mac Cuirc