Ce samedi 28 mai avait lieu la dictée du premier salon du livre de Saint-Pierre et Miquelon. Découvrez le texte en intégralité.
Le texte, issu de L'oeuvre des mers de l'écrivain saint-pierrais Eugène Nicole, était divisé en deux parties pour les plus jeunes et les adultes.
À Langlade, l’herbe ne s’interrompt que devant la Dune. Le passé n’habite que le plein air. Il ne trouverait pas refuge dans les villas. Elles sont ouvertes ou fermées, simplement, selon la saison. Au-delà des buttereaux, perle au tapis des plaines l’exquise rougeur des fraises sauvages. Sur les sables du Goulet, résonnent à longueur de jour des cris plaintifs et lents : « Maman! Maman! » C’est le troupeau de phoques qui plonge et s’ébat dans les eaux froides. En cet endroit, la pêche est interdite. Mais l’air aussi vacille, ne sachant à quelle mer se vouer. Incapable de décider à une franche saute de vent, il hésite entre les points cardinaux. Des deux côtés, la mer l’appelle. Au plus étroit, l’île n’a pas cent mètres. Des flots d’humeurs contraires s’affrontent. Baves blanches, éclaboussures de la lutte en rouleau, grand spectacle nautique où l’espérance des naufrages avait soulevé la baronne. On a l’impression qu’une radicale bipartition de la planète s’opère de part et d’autre de l’étroit isthme de sable jonché de débris.
À Langlade, l’herbe ne s’interrompt que devant la Dune. Le passé n’habite que le plein air. Il ne trouverait pas refuge dans les villas. Elles sont ouvertes ou fermées, simplement, selon la saison. Au-delà des buttereaux, perle au tapis des plaines l’exquise rougeur des fraises sauvages. Sur les sables du Goulet, résonnent à longueur de jour des cris plaintifs et lents : « Maman! Maman! » C’est le troupeau de phoques qui plonge et s’ébat dans les eaux froides. En cet endroit, la pêche est interdite. Mais l’air aussi vacille, ne sachant à quelle mer se vouer. Incapable de décider à une franche saute de vent, il hésite entre les points cardinaux. Des deux côtés, la mer l’appelle. Au plus étroit, l’île n’a pas cent mètres. Des flots d’humeurs contraires s’affrontent. Baves blanches, éclaboussures de la lutte en rouleau, grand spectacle nautique où l’espérance des naufrages avait soulevé la baronne. On a l’impression qu’une radicale bipartition de la planète s’opère de part et d’autre de l’étroit isthme de sable jonché de débris.
Fin de la dictée pour les plus jeunes
Au début du XIXe siècle, une série de tempêtes recassa l’île en deux. Le ministère de la France d’outre-mer conserve une carte de cette époque où la coupure existait. Quand les moignons se rejoignirent, un second train de naufrages commença. Cela explique les nombreux mâts dont la pointe dépasse encore à la surface. Croyant pouvoir couper par ce détroit, pourtant dangereux, bricks, goélettes et trois-mâts s’enfoncèrent dans les sables – d’aucuns disent attirés par les feux mouvants que les fermiers accrochaient aux cornes de leurs boeufs. Il s’ensuit qu’en ces parages, la côte se marie au cimetière des épaves, épouses aux flancs violés, tombes receleuses de coffres à doublons, qu’on ne peut visiter mais dont on a les plans. L’enchevêtrement sans faille de ces épaves soigneusement reportées a frangé la carte d’un cortège de noms, double col de dentelle comme en arboraient aux processions de la Fête-Dieu, sur leurs manteaux bleus, les dames des Enfants de Marie.