Un an après le documentaire "Voyage en eaux troubles", rien n'a changé dans la gestion des eaux usées à Saint-Pierre

Depuis la diffusion du magazine "Voyage en eaux troubles", rien n'a changé semble t-il concernant les réseaux d'assainissement de Saint-Pierre et Miquelon. Il y a un an, l'enquête menée par deux journalistes de la rédaction de SPM la 1ère pointait du doigt la pollution engendrée par les eaux usées.

Le 15 octobre 2020, la rédaction de SPM la 1ère diffusait un documentaire dans l'émission À la Une intulé "Voyage en eaux troubles". L'enquête signée Mathias Raynaud, Jérôme Anger était consacrée aux réseaux d’assainissement de Saint-Pierre et Miquelon.

À l'époque, le constat est sans appel. Malgré les dizaines de millions d’euros dépensés sur le territoire pour les eaux usées, elles se déversent dans le port et dans la nature. Le préfet de l'époque, Thierry Devimeux déclarait alors dans le documentaire “on ne peut pas continuer comme ça, on est pas un pays sous-développé. On ne peut pas être une ville port et avoir son port comme égout, ce n’est pas possible, ce n’est même pas imaginable. Cette situation doit cesser”. 

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Lors de son intervention dans le journal télévisé du 15 octobre 2021 présenté par Delphine Jeanneau, Mathias Raynaud apportait des éclaircissements sur la situation un an après. Voici la retranscription de son décryptage.

  •  Mathias Raynaud, qu’est-ce qui a changé depuis le 15 octobre 2020 ?

Rien, pas de changement majeur. Pour nuancer, je peux dire que la mairie de Miquelon où la situation est largement moins problématique a raccordé de nouveaux foyers et installé de nouvelles pompes. À Saint-Pierre,  la mairie a continué de passer le plus de monde possible en réseau séparatif, la DTAM a continué à changer des pompes défectueuses et dans le quartier des Graves une nouvelle station de relevage, la SR 18, va voir le jour mais pas de quoi limiter vraiment les rejets dans le milieu naturel. En fait, le problème est si profond qu’il nécessite une évaluation globale de tout le réseau, un véritable diagnostic qui, lui, n’a toujours pas commencé.

  • C'était le souhait des 3 collectivités et de l'État, ont-ils réussi à s’entendre ?  

Oui et c’est la bonne nouvelle même s’il a fallu attendre, après un premier échec, un appel d’offre relancé. Depuis le 30 septembre dernier, un marché a enfin été signé avec une société métropolitaine. Elle sera chargée d’élaborer le schéma directeur c’est-à-dire de proposer les grandes orientations pour les 15 à 20 prochaines années. Le coût de cette étude est estimée à près de 445.000 euros. Certains diront : encore une étude, eh bien oui mais cette fois c’est vraiment nécessaire et puis l’argent est déjà là. C’était dans le contrat de développement entre l’État et la collectivité. Les conclusions sont attendues pour octobre 2023.

  • Il va falloir attendre au moins deux ans avant de voir les choses changer ?

Pour ne rien vous cacher, c’est toujours difficile d’obtenir des informations. À la collectivité, on nous dit “suivre de très près le dossier” et "on aimerait que ça aille plus vite". À la mairie de Saint-Pierre on a fini par nous dire qu’une mission spécifique allait concerner la SR4 et la SR5, les deux stations de refoulement sur le littoral qui lui appartiennent et qui ne fonctionnent pas. Dès le mois prochain, des techniciens seront là pour estimer et programmer des travaux pour le printemps 2022. Dans tous les cas, cela va prendre beaucoup de temps avant de stopper les pollutions du milieu naturel et de se mettre dans les clous de la légalité.

  • Aujourd'hui, ce n’est pas le cas ? 

Non. Le code des collectivités locales, le code de l’environnement,... il existe de nombreux textes de loi et une enquête est même en cours depuis cet été. Le procureur l'a confiée à l’Office français de la biodiversité. Elle concerne l'étang Boulot à Saint-Pierre, les odeurs dans le secteur vous ont peut-être dérangé ces derniers temps, enquête pour déversement de substances entraînant des effets nuisibles sur la santé, des dommages sur la flore ou la faune. Des délits punis par une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende allant jusqu’à 75.000 euros. L’urgence environnementale est déjà là, mais le principal écueil encore une fois dans ce dossier pour tous les acteurs ce sera de s'entendre. Passés les enquêtes, les études, les travaux, il faudra décider qui gère, qui paie et qui entretient ce nouveau réseau qui va encore coûter des millions et des millions d'euros.  

Pour revoir ce décryptage signé Mathias Raynaud, voici l'extrait du journal télévisé du 15 octobre 2021.

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