Vidéo. L’histoire du créole guyanais enrichi par les migrations : focus sur Saint-Laurent-du-Maroni

Conversation animée en créole sur les terrasses de Saint-Laurent-du-Maroni, où chaque échange fait vivre la langue et la culture guyanaises.
Le créole parlé à Saint-Laurent-du-Maroni se distingue par des influences antillaises et saint-luciennes. Rémi Aubert, doctorant en histoire, retrace comment migrations, ruée vers l’or et éruption de la Montagne Pelée ont façonné ce créole unique, symbole d’un métissage culturel en Guyane.

Le créole de Saint-Laurent-du-Maroni, ville emblématique de l’ouest guyanais, est le reflet d’une histoire migratoire complexe, marquée par des influences multiples. Rémy Aubert, doctorant en histoire, explique que ce créole, bien qu’il puise ses racines dans le créole guyanais, porte l’empreinte des créoles antillais, martiniquais et guadeloupéens, ainsi que du créole de Sainte-Lucie.

À Saint-Laurent, cette singularité linguistique prend ses racines dans l’arrivée de populations martiniquaises, guadeloupéennes et saint-luciennes, venues en Guyane pour diverses raisons, notamment la ruée vers l’or au XIXe siècle et les mouvements migratoires provoqués par des événements historiques majeurs. Parmi eux, l’éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902 a forcé de nombreux Martiniquais à quitter leur île pour s’installer dans des territoires voisins, dont Saint-Laurent-du-Maroni.

Ce brassage de populations a donné naissance à un créole unique. Par exemple, les habitants de Saint-Laurent utilisent le pronom personnel « mwen » (employé en Martinique) pour dire « moi », contrairement au créole guyanais qui privilégie le terme « mo ». Cet usage du « mwen » témoigne de l’influence martiniquaise durable. D’autres nuances se retrouvent dans les constructions de phrases, où se mêlent les structures linguistiques des créoles antillais et guyanais.

Cette fusion linguistique se retrouve également dans la ville de Mana, autre pôle d’attraction migratoire, où l’usage de « ou » pour dire « vous » marque un respect pour l’interlocuteur, en écho aux traditions de politesse propres au créole antillais. Rémy Aubert précise que, dans cette région, le créole local a parfois été perçu comme une variante du créole antillais, bien que distinct.

Par ailleurs, la présence des Bushinengués, descendants d’esclaves marron venus du Suriname, a également influencé le créole de Saint-Laurent-du-Maroni, apportant des expressions et des termes spécifiques, enrichissant encore cette langue en perpétuelle évolution.

L’histoire linguistique de Saint-Laurent-du-Maroni est ainsi celle d’un créole façonné par les migrations, les échanges et les rencontres culturelles, qui fait la richesse de l’identité guyanaise. Pour Rémy Aubert, cette spécificité est une source de fierté et un rappel de la diversité des parcours et des récits qui composent la Guyane d’aujourd’hui.