Pour Wilfrid Bertile, l’accord sur Tromelin ne règle rien. Un accord de complaisance déséquilibré et dangereux

Wilfrid Bertile a été député de La Réunion. Au Conseil régional où il était vice-président, il était membre de la commission de la politique régionale.
Il a été secrétaire général de la Commission de l’océan indien.

Il réagit à l’accord sur Tromelin qui sera présenté à l’Assemblée nationale le 18 janvier prochain.
Pour lui cet accord ne règle rien car le gouvernement mauricien maintien sa revendication de souveraineté sur cet ilot. 
Le gouvernement mauricien pourra donner des autorisations de pêche dans les eaux territoriales françaises.
L’accord ouvre la boite à pandore car le gouvernement malgache pourrait exiger le même accord pour les autres ilots français de l’océan Indien.

Voici l'intégralité de son communiqué :

Tromelin n’est qu’un îlot désert placé sur la route des cyclones. Il vaut surtout par les possibilités de pêche de sa zone économique exclusive et par son intérêt archéologique suite au séjour forcé d’esclaves malgaches en 1760.
Se fondant sur la version anglaise du traité de Paris de 1814, moins précise que la version française, Maurice revendique Tromelin depuis 1976, alors que l’Angleterre n’a jamais pris position sur le sujet.

Afin d’apaiser les gouvernants mauriciens, la France leur propose de « cogérer » Tromelin. Cette idée, avancée par François Mitterrand en 1990,  est reprise par Jacques Chirac en 1999 et concrétisée par Nicolas Sarkozy en 2010, après 3 séances de travail de « hauts fonctionnaires » français et mauriciens.   
Le 18 janvier prochain, l’Assemblée Nationale est appelée à ratifier cet accord de cogestion. Avec raison, des voix s’élèvent en France pour dénoncer un accord de complaisance, déséquilibré et dangereux

En droit international, la position de Maurice est très faible. Mais pour des raisons diplomatiques pas toujours pertinentes, une fois de plus, la France cède aux demandes de nos voisins.   

Maurice est le grand bénéficiaire de cet accord. C’est ce qui ressort de l’intervention du ministre des affaires étrangères mauricien, Arvin Boolell, lors que sa signature en 2010 : « Les autorités mauriciennes délivreront les autorisations de pêche aux navires battant pavillon mauricien tandis que celles destinées aux navires battant pavillon français seront accordées par les autorités françaises. Quant aux autorisations de pêche pour les navires battant pavillon étranger, elles devront être délivrées par les autorités mauriciennes et françaises». Alors que les eaux de Tromelin relèvent de la souveraineté française.
  
Avec le nouvel accord, si les pêcheurs français y sont peu actifs, on peut compter sur Maurice pour exploiter à fond ces espaces de pêche ainsi qu’elle le fait avec ses îlots comme Saint-Brandon.

Non seulement cet accord de complaisance est déséquilibré, mais il est dangereux. En effet, d’une part, il ne règle rien. Maurice maintient sa revendication sur Tromelin. Dans son discours en 2010 en présence du ministre français Alain Joyandet, Arvin Boolell insistait : « le gouvernement mauricien attache beaucoup d’importance à la question de souveraineté sur Tromelin et souhaite qu’elle soit résolue dans un proche avenir ». D’autre part, l’accord ouvre la boite à Pandore en incitant  Madagascar à réclamer la même chose pour les îles du canal de Mozambique et les Comores pour les Glorieuses.

Et La Réunion dans tout cela ? Tenus à l’écart, les Réunionnais sont spectateurs. C’est pourtant Bourbon (La Réunion) qui a été à l’origine de la présence de la France dans cette partie du monde. La mise en valeur durable des TAAF et des îles éparses peut constituer une « nouvelle frontière » pour le développement de notre île. Et si, outre avec les Mauriciens ou les Malgaches,  notre pays acceptait de cogérer, avec nous aussi, les « terres françaises de l’océan Indien ? »
Wilfrid Bertile