C'est un cas qui pourrait faire bondir au regard de la crise du logement qui sévit actuellement à La Réunion. A La Rivière Saint-Louis, depuis une quinzaine d'années, une résidence entière de plusieurs bâtiments comportant au total 75 appartements neufs, reste désespérement vide. Personne n'a jamais pu y élire domicile.
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Bien que laissés à l'abandon, ces logements avaient bel et bien été équipés : fenêtres, baies vitrées, portes, prises électriques, interrupteurs, carrelage, douches, plan de travail dans la cuisine... tout y est, en tout cas dans nombre de ces appartements. Mais alors pourquoi un tel gâchis ?
Un permis de construire hors délai
Tout commence au début des années 2000, lorsque la parcelle de 8 000m2 en friche est achetée par un promoteur immobilier, la SCI Les Mûriers. Une parcelle qui devait à l'origine accueillir un complexe sportif.
Si un permis de construire a bien été obtenu en 2007, il ne concerne alors que 39 logements. Le second permis de construire, en 2010, porte sur 36 autres logements. Certes, il a bien été accordé... mais hors délai, après les deux mois réglementaires.
Pas d'évacuation des eaux usées
S'en sont suivis plusieurs contentieux avec le voisinage. L'évacuation des eaux usées notamment, achèvera d'enterrer le projet : des travaux sont requis pour faire passer les tuyaux sous la parcelle d'une voisine, qui ne veut pas en entendre parler.
Sans solution pour se débarrasser de ces eaux usées, impossible de rendre ces logements habitables.
Les travaux sont alors interrompus, pour une longue période.
Pas conforme selon le PLU de 2014
Entre temps, en 2014, la mairie change de main. Juliana M'Doihoma succède à Claude Hoarau. La municipalité actuelle souligne que "les permis obtenus sous la mandature de Claude Hoarau ne sont plus valables", au regard de l'interruption des travaux pendant plus d'un an.
En outre, le projet avait été validé dans le cadre d'un Plan d'occupation des sols (POS), mais n'est plus conforme avec le Plan local d'urbanisme (PLU) de Saint-Louis en vigueur depuis 2014.
S'y ajoute une ultime contrainte avec le Plan de prévention des risques (PPR) en 2016. La parcelle sur laquelle se trouvent ces logements est classée en zone B2, soit "exposée à un aléa moyen" d'inondation ou de mouvement de terrain. Les constructions n'y sont pas impossibles, mais nécessitent des aménagements particuliers.
Un chantier qui n'a jamais redémarré
Autant de raisons qui expliquent que ce chantier, depuis de nombreuses années, n'ait jamais repris. A l'heure actuelle, le terrain appartient toujours au même promoteur immobilier. Contacté, il n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
Pour sa part, la mairie de Saint-Louis estime qu'il s'agit là d'un "exemple significatif des erreurs à ne pas commettre en matière d’aménagement du territoire, avec une opération qui s’avère perdante-perdante pour tous".
"En pleine crise du logement, on ne peut que regretter ce gâchis"
Mairie de Saint-Louis
Du jamais vu, selon un passionné d'urbex
L'opération est effectivement perdante, sauf peut-être pour David et les autres passionnés d'exploration urbaine, ou "urbex". Pourtant rompu à la visite de lieux abandonnés depuis six ans, il confie ne jamais être tombé sur pareil cas sur l'île.
"Quand on est arrivés, on ne s'attendait pas à tomber sur un bâtiment neuf. C'est extrêmement rare", constate l'explorateur de la page "Escale Hantée", qui a pu pénétrer cet ensemble de bâtiments il y a quelques semaines.
"On n'est pas sur un urbex habituel, sur des bâtiments généralement détruits avec des infiltrations d'eau, des toitures totalement mortes. Là on est sur un bâtiment totalement neuf, où les travaux n'ont même pas été terminés".
David, pratiquant d'urbex - L'Escale Hantée
Malheureusement, après tant d'années à l'abandon, ces logements sont victimes de vandalisme et de squat, comme le laissent deviner les graffitis qui ornent désormais les murs. Finalement la seule et unique trace de vie humaine que ces bâtiments aient jamais connu.