Il est des nouvelles qui sont dures à digérer. Cela a été le cas pour l’autoproclamé "Caritologue D.P.L.T. (Diplômé Par La Tradition)", André Béton.
Le 24 juin dernier, il reçoit par courrier recommandé une “mise en demeure de cesser l’utilisation de la marque Le Caritologue” de la part de Pascal Hoareau, le propriétaire du restaurant “Le Caritologue”, situé rue Marius et Ary Leblond, à Saint-Pierre. Depuis, le torchon brûle entre les deux chefs.
La définition de "Caritologue"
Ce terme, André Béton l’a mijoté de nombreux mois avant de le médiatiser le 8 décembre 2020. Au coin du feu, il se présente ainsi, au détour d’une discussion en direct sur Réunion La 1ère.
Je suis "Caritologue", celui qui est utile au cari. Et je suis aussi carithérapeute, car les gens viennent ici pour chercher un soin.
André Béton
"Les gens arrivent, zot i découvre un manger qui est comme un rêve, car c’est un manger qu’ils ont connu et ne connaissent plus", poursuit-il.
Regardez cet extrait sur Réunion La 1ère :
Par la voix de son avocat Me Stéphane Bigot, il conteste la mise en demeure envoyée par Pascal Hoareau. Le Conseil écrit notamment que “Monsieur André Béton a souhaité sensibiliser les Réunionnais sur l’importance de la place de la cuisine créole dans la Culture et l’Identité Créole”. D'où la création du néologisme “Caritologue”.
"Diplômé Par La Tradition"
Depuis ce jour-là, André Béton aime à se définir ainsi. Petites lunettes cerclées de blanc, chemise fleurie et nœud papillon, il est devenu la star des caris. Dans sa maison-atelier d’artiste peintre et culinaire de Bourg-Murat à la Plaine des Cafres, il n’accueille pas plus de 12 convives à la fois.
Sur le mur d’entrée de son terrain, une plaque comme celle des médecins ou des infirmiers ne laisse pas de doute : "André Béton - Caritologue - D.P.L.T.".
Pour lui, être caritologue, est une philosophie de vie. Celle de perpétuer les pratiques culinaires des familles créoles, chacune avec ses particularités. Raison pour laquelle, selon sa définition, tout le monde peut se proclamer "Caritologue", tant que la tradition est respectée.
Quand le "Caritologue" devient un restaurant
Au début de l’année 2021 Pascal Hoareau sollicite André Béton. Le restaurateur compte ouvrir un restaurant à Saint-Pierre. Il souhaite l’appeler le "Caritologue". André Béton est enthousiaste. Mieux, il lui propose de l’aider pour la décoration et l’approche culinaire du nouvel établissement. Une fois l’établissement ouvert, les deux chefs travaillent ensemble à la valorisation du cari.
Une médiatisation mal vécue ?
André Béton est un habitué des medias. Artiste-peintre depuis la fin des années 80, il décèle les talents, comme Charly Lesquelin. Tous les deux proposaient aux visiteurs de Florilèges ou de Miel Vert de croquer leur portrait. Homme affable, il est à l’aise avec les gens.
Mais c’est surtout depuis qu’il s’est lancé dans la restauration traditionnelle familiale qu’il se fait connaître. Réunion 1ère, mais aussi France 2, France 5, Arte et plus récemment Canal + lui consacre des sujets, des reportages et même une émission.
Cette médiatisation serait mal vécue par Pascal Hoareau.
La création d’une chaîne de restauration en vue
Car lorsqu’on parle du caritologue, c’est à André que le public pense, moins à l’établissement culinaire de la rue Marius et Ary Leblond.
Lorsque Pascal Hoareau compte ouvrir une chaîne de restauration en reprenant le terme "Caritologue", il compte bien embarquer André Béton dans son aventure et en faire son associé.
Son projet ? Monter une cuisine centrale au feu de bois pour alimenter divers lieux, dont l’atelier d’André Béton. Ce dernier ne se reconnaît pas dans ce projet à dimension industrielle.
Une marque déposée à l’Institut National de la Propriété Industrielle
Lorsque Pascal Hoareau a créé son restaurant le 29 septembre 2021, il a pris soin de déposer le mot “Caritologue” à l’INPI, l’Institut National de la Propriété Intellectuelle, l’organisme qui protège notamment les noms de domaine.
Dans son courrier adressé à André Béton, il rappelle que “toute utilisation non autorisée de cette marque constitue une violation de nos droits de propriété intellectuelle, conformément aux dispositions des articles L713-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle”.
Vers une action en justice ?
Le restaurateur Saint-Pierrois poursuit son courrier et persiste :
Je vous mets en demeure de cesser immédiatement toute utilisation de la marque le Caritologue dans vos communications, publicités, et tout autre support où elle apparaît.
Pascal Hoareau
Face à cette menace, André Béton décide de faire valoir ses droits. Il se rapproche de son avocat.
Le 8 juillet 2024, un recommandé est envoyé au restaurateur de Saint-Pierre pour contester cette mise en demeure. Dans ce courrier, le conseil indique à Pascal Hoareau que “vous ne pouvez pas vous approprier ce néologisme “Caritologue” dont vous n’êtes pas l’auteur, et qui n’a pas vocation à une appropriation exclusive à votre profit”.
Il va même plus loin en l’enjoignant “de procéder à la renonciation totale de votre marque sous un délai de 15 jours à compter de la réception” du courrier".
Depuis le 8 juillet, un mois s’est écoulé. Pascal Hoareau n’a pas donné suite. André Béton a décidé en accord avec son avocat de défendre son titre de "Caritologue, Diplômé par la Tradition".
Des caritologues de plus en plus nombreux
En soutien à André Béton, deux autres restaurants de la cuisine traditionnelle créole ont décidé le 4 juillet dernier de reprendre le terme de “Caritologue”.
Il s'agit de L’Entracte, à la Petite-Ile et de l'Atelier Palmiste Rouge, au Tremblet, à Saint-Philippe. Le propiétaire Patrice Hoareau, et le chef en second de l'Entracte, Emmanuel Dijoux, ainsi que le chef cilaosien, Ulrich Payet ont eux aussi reçu une mise en demeure par Pascal Hoareau de ne plus utiliser le terme de "Caritologue".