Comment Cuba s'accomode des combats de coq

Coq en bronze à l'entrée de la ville cubaine de Ciego de Avila
Les combats de coq, interdits dans une grande partie du monde, y compris aux États-Unis, restent un passe-temps populaire dans la Caraïbe (en Martinique notamment). Et à Cuba, dans certaines parties de l’île, le phénomène prend de l’ampleur.
L'année dernière, la ville cubaine de Ciego de Avila a ouvert sa première arène officielle de combats coqs, le plus grand au pays, pouvant accueillir 1000 personnes, à la consternation des militants des droits des animaux qui y voient une régression.
 
Dans le passé, après la révolution de 1959, les combats de coq avaient été interdits à Cuba. C’était dans le cadre d'une prohibition globale des jeux de hasard. Mais les Cubains ont toujours contourné cette interdiction. Les combats de coq se déroulaient alors dans la clandestinité de "pitts" improvisés à la campagne. Au fil des ans, l'interdiction s'est atténuée. Les arènes officielles ont réapparues à partir des années 1980, tandis que les autorités ont commencé à tolérer les gallodromes clandestins à condition qu’ils ne soient pas source de désordre publique. 
 

 

"Les poules me font gagner de l'argent, les femmes s'en emparent"

Aujourd’hui le débat reste vif. Les aficionados argumentent que les combats de coqs émanent d’une tradition séculaire. Les critiques dénoncent ce qu’ils qualifient d’acte de cruauté et expliquent leur popularité par le manque de divertissement dans le pays, et l’appât du gain. À Ciego de Avila, il existe toujours des gallodromes illicites pour tous ces combats quotidiens. Certains sont soigneusement cachés dans des champs de la canne à sucre accessibles via des chemins de terre anonymes. 

Les bâtiments sont rustiques, faits de bois et de feuilles de palmier, mais l’ensemble fonctionne selon le principe des petites fêtes foraines. La musique traditionnelle Ranchera s’échappe des haut-parleurs, les vendeurs proposent du porc rôti et du rhum, et certains font passer le temps devant des jeux de cartes ou de dés. Les jeux de hasard ont beau être officiellement interdits à Cuba, les paris sont courants dans la plupart des gallodromes. Les amateurs portent des casquettes de baseball sur lesquels on peut lire: "Les poules me font gagner de l'argent, les femmes s'en emparent". Comme partout ailleurs dans la Caraïbe, ces combats de coq donnent lieu aux mêmes scènes : ici une pesée d'éperons en écaille de tortue, là bas des propriétaires qui veillent jalousement sur leurs coqs en s'assurant que personne ne tente quoique ce soit pour les empoisonner avant le combat.
 

Un vrai passe temps

Quand, au cours du combat, un coq est abattu, blessé ou mort, le juge déclare l'autre vainqueur, et c’est celui qui effectue le combat le plus rapide tout au long de la journée qui est déclaré vainqueur général. "C'est un passe-temps, et je le pense non pas parce que je suis un joueur, mais parce que j'aime les combats de coq pour eux-mêmes", affirme un passionné de combat de coq.
 
Les éleveurs se rassemblent souvent dans des clubs où ils conservent des dizaines de coqs dans des cages individuelles, et se relayent pour les nourrir, les nettoyer et les entraîner avec une grande technicité. Et pour certains c'est un véritable business que le tourisme alimente désormais.
 

60 dollars la place

Dans l'arène officielle de Ciego de Avila fraîchement inauguré, les places pour les touristes étrangers peuvent atteindre jusqu'à 60 dollars US. Et dans les arènes clandestines, les places valent de 2 à 8 dollars, toujours une somme importante dans un pays où le salaire mensuel moyen n’est que de 25 dollars. Autre source de revenu : il faut savoir que l'Etat cubain exporte aussi les jeunes coqs et les éleveurs. Les experts disent qu’un bon spécimen qui a fait ses preuves au combat pourrait se négocier jusqu'à 1000 dollars US. Ce qui là bas représente une fortune.