Le décalage ne peut qu'interpeller. Plus d'une semaine après le passage du cyclone Chido à Mayotte, les premières images de secours mobilisés au plus près de la population, et en l'occurrence des habitants des bidonvilles, nous parviennent enfin.
Ce lundi 23 décembre, des sapeurs-pompiers sont en effet allés au contact de la population, ont indiqué le préfet François-Xavier Bieuville et l'inspecteur général Eric Faure, en charge des opérations de secours, lors du conférence de presse.
Lors de ce point, le représentant de l'Etat à Mayotte s'est montré relativement confiant sur l'avancée des diverses opérations en cours, tout en reconnaissant néanmoins qu'il restait encore beaucoup de travail à réaliser.
Revoir la conférence de presse du préfet de Mayotte aux côtés des différents services mobilisés :
Les charniers, une "fake news" ?
"On a traité 152 personnes aujourd'hui à l'hôpital, a-t-il précisé. À cette heure, nous avons porté secours pour des blessures, notamment des coupures". Une précision qui pourrait presque prêter à sourire si la situation n'était pas si dramatique, alors que, comme il l'a lui-même rappelé, le bilan officiel de 35 morts est probablement fortement sous-évalué.
François-Xavier Bieuville a encore indiqué que les missions de recherches de corps se poursuivaient dans les bidonvilles. "Nous avons eu des informations pour aller constater des lieux de sépultures, mais nous en avons très peu au final", a-t-il assuré.
Quid des "charniers à ciel ouvert' évoqués notamment par la députée mahoraise Estelle Youssouffa ? Une "fake news", a-t-il assuré. "Des fausses informations (...). Nous n'avons aucun charnier", a-t-il martelé tout en ajoutant que des survols de drones avaient aussi été réalisés. "Pour l'instant, le constat que nous faisons est que le bilan est extrêmement difficile à dresser".
"Une chaîne logistique qui fonctionne"
La gestion de la crise en est toujours à sa phase de l'urgence, mais celle de la stabilisation est déjà dans la ligne de mire pour les semaines à venir. "Le temps de la stabilisation, c'est la livraison régulière de marchandises, le rétablissement de l'électricité, de l'eau et des réseaux de télécommunication", a-t-il lancé. "Depuis jeudi, nous ne subissons plus".
Entre La Réunion et Petite-Terre et entre Petite-Terre et Grande-Terre, "la chaîne logistique fonctionne aujourd’hui", a salué François-Xavier Bieuville. "On a la capacité de faire arriver, dans chaque village et dans chaque commune, à la fois des denrées et de l'eau".
Durant les quinze prochains jours, les autorités poursuivront la distribution de 100 000 litres d'eau en moyenne par jour, "sur des sites déterminés en relation avec les élus, pour les rassurer et permettre à leurs services d'accompagner ces distributions".
390 000 litres d'eau embouteillées distribuées
Quelques chiffres transmis ce lundi après-midi, 390 000 litres d'eau en bouteille ont été distribués depuis mardi. Des distributions déployées dans les 17 communes.
"Une chaîne logistique, c'est arriver avec une marchandise à l'aéroport, et ensuite à partir de l'aéroport d'avoir des camions qu'on peut emporter sur la barge, souvenez-vous que samedi soir on n'en avait pas, et c'est enfin d'amener de la barge à Grande-Terre et d'essaimer sur le territoire".
65 tonnes de marchandises distribuées
S'agissant de l'alimentaire, 65 tonnes de marchandises ont été distribuées depuis mardi. "À Acoua, il y avait de la farine, du lait, du sucre, de l'eau et des produits de première nécessité permettant d'alimenter les familles et nous allons continuer à distribuer cette eau et cette marchandise", a encore indiqué le préfet.
S'agissant du rétablissement du réseau d'eau, Françoise Fournial, la directrice de la SMAE, a indiqué que quelques secteurs, comme Acoua justement, n'étaient pas encore reliés. "C'est en cours de rétablissement, Toutes les eaux de secteur sont revenues dans une logique de tours d'eau adaptée à la capacité de production qu'on a, a-t-elle rappelé. On est actuellement en capacité de production de 23 000 litres d'eau (contre 40 0000 en temps normal)".
20 000 foyers mahorais réalimentés en électricité
Raphaël Ruat, le directeur général d'EDM, a quant à lui indiqué que l'électricité avait été rétablie pour 37% des clients ce lundi soir, soit 20 000 foyers mahorais réalimentés. Reste la problématique des lignes électriques aériennes dans le Nord Ouest et le Centre. Des groupes électrogènes y seront disposés, durant le temps des travaux de réparation.
La quinzaine de renforts d'EDF Réunion est rentrée ce lundi matin, et dans le même temps, 45 techniciens de réseaux d'ENEDIS sont arrivés à Mayotte. "Des techniciens pour lesquels, on est en train de finir de construire une base logistique à Longoni".
Une situation sanitaire maîtrisée pour l'instant
En matière de santé, là aussi les autorités se montrent confiantes. "Le système de santé a été très fortement impacté, mais aujourd'hui, le CHM a la capacité de pouvoir mener ses actions à hauteur de 60%", a assuré Sergio Albarello, le directeur de l'ARS Mayotte.
"Notre objectif est de réinstaurer le système de santé le plus performant possible. On a fait venir des renforts nationaux et l'hôpital de campagne permettra de soulager le CHU et les CMR", a-t-il encore précisé.
"Pas de remontée inquiétante s'agissant du risque épidémiologique"
Par ailleurs, une base vie sera installée juste à côté de l'hôpital pour "soulager les soignants qui ont perdu leur domicile et qui continuent de travailler au CHM".
Et puis, le responsable de l'ARS indique enfin en s'appuyant sur le travail de Santé Public France, qu'il n'y a "pas de remontée inquiétante s'agissant du risque épidémiologique". Il assure néanmoins rester "très vigilant sur ce point".
Une aide humanitaire "sans distinction de nationalité"
Le préfet Françoix-Xavier Bieuville a par ailleurs insisté sur le fait que les opérations en cours bénéficiaient aussi bien à la population mahoraise qu'aux populations clandestines des bidonvilles.
"L'honneur de la france c'est d'aider à tout le monde, sans aucun distinction, sur le principe d'une vie est une vie, un principe absolu à appliquer parce que si nous ne l'appliquons pas, nous prendrions des risques ou nous aurions des maux qui seraient pires que le mal initial"
François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte
"Entre 12 000 et 15 000 personnes" dans les 120 centres d'hébergement
Dans les 120 centres d'hébergement, 10 000 personnes étaient accueillies vendredi soir. Principalement des femmes et des enfants, puisque les hommes, comme l'a expliqué le préfet, redoutent d'être appréhendés par les forces de l'ordre. "Ce que j'ai dit qu'il ne se passerait pas, a-t-il assuré en promettant à nouveau "un hébergement inconditionnel".
"Je ne regarde pas la couleur de peau, ni la nationalité. J'héberge tout le monde pour des raisons de sécurité et de protection, l'Etat doit se faire protecteur de tout le monde". Samedi soir, le nombre de personnes hébergées oscillait "entre 12 000 et 15 000".
La problématique des bidonvilles reconstruits, "pas une priorité dans l'immédiat"
Sur la problématique des bidonvilles, "que fait-on si on empêche leur reconstruction ?", a demandé le préfet. "Vous voulez voir des gens à l'extérieur, être en situation de danger pour eux-mêmes ou se montrer violents parce qu'ils sont en situation de précarité encore plus grande que celle des bangas ?"
"On avait entre 80 000 et 100 000 personnes dans les bangas, ces personnes ne doivent pas être invisibilisées, a insisté Françoix-Xavier Bieuville. Il faudra prendre en compte cette difficulté mais dans l'immédiat, la priorité de l'Etat, c'est protéger et secourir nos concitoyens, donner de l'eau et de la nourriture et rétablir les fonctions vitales que sont l'eau, l'électricité et la téléphonie".
"Pas un motif de satisfaction mais un motif d'urgence"
"Nous avons déployé 800 policiers, 1200 gendarmes et 900 pompiers et militaires, entre 12 et 15 avions se posant tous les jours avec du matériel, des marchandises, des hommes et des conteneurs, bref un véritable pont aérien qui fonctionne avec plus de 100 tonnes de matériels qui arrivent par jour. Ce n'est pas un motif de satisfaction mais un motif d'urgence"
S'agissant des déchets ménagers, il a été demandé aux municipalités de déterminer chacune un site de stockage de manière à n'avoir qu'un seul point de collecte. Les déchets lourds, comme les congélateurs hors d'usage, les carcasses de voiture ou encore les batteries, il a été demandé à la DEAL de réfléchir à une solution d'évacuation et de traitement. Reste enfin le traitement des déchets hospitaliers à gérer.
Concernant la rentrée scolaire, le préfet a demandé au recteur de travailler à des solutions.