Économie : un premier trimestre au beau fixe

Dans cet hôtel, comme d'autres, le taux de remplissage est très bon. Les prestataires de service profitent aussi de cet afflux.
L'institut de la statistique de Polynésie française a publié son bilan trimestriel. L'économie polynésienne continue de croître entre janvier et mars, grâce au retour des touristes, et à la résilience des Polynésiens face à une inflation qui s'essouffle. Elle est de 6,1 % contre 8, 1% en décembre 2022.

Au cours du premier trimestre 2023, l’activité économique de la Polynésie française continue de bénéficier du retour dynamique des touristes et d’un essoufflement de l’inflation. Profitant d’une demande extérieure soutenue et d’une demande intérieure résiliente, le marché de l’emploi continue de progresser en termes de salariés en équivalent temps plein et de masse salariale. La consommation des ménages atteint un niveau record en valeur et un niveau constant en volume. La croissance de l’indice des prix à la consommation ralentit, sauf dans la construction où les prix augmentent et pénalisent les investissements.

Le chiffre d'affaires des entreprises progresse

Au premier trimestre 2023, le chiffre d’affaires des entreprises polynésiennes progresse de 10 % sur un an et de 17 % par rapport à 2019, pour s’établir à 192 milliards de F.CFP.

Si le rebond de fréquentation touristique sur ce trimestre (+ 80 %) alimente la croissance des entreprises caractéristiques du tourisme (+ 33 %) et justifie pour 4 points la croissance annuelle, c’est la hausse d’activités dans les entreprises non touristiques (+ 7 %) qui contribue pour la plus grande partie au résultat trimestriel. La forte hausse du chiffre d’affaires dans les activités touristiques s’explique par la croissance du chiffre d’affaires dans le secteur des transports aériens (+ 28 % sur un an) et dans l’hébergement (+ 53 % sur un an). Ils contribuent chacun pour 13 points à la hausse globale dans le secteur du tourisme.

En progression de 7 % ce trimestre par rapport à 2022, le chiffre d’affaires des entreprises non touristiques est 20 % plus élevé qu’avant la crise. Le chiffre d’affaires progresse dans la majorité des secteurs d’activité polynésiens, notamment celui du commerce qui contribue pour 5 points au résultat. La croissance du chiffre d’affaires est faible dans le commerce automobile (+ 2 %), alors qu’elle dépasse les 10 % dans le commerce de gros et de détail. Ce résultat traduit une consommation des ménages robuste, mais illustre aussi la place de l’inflation dans la hausse du chiffre d’affaires de l’économie polynésienne, avec des prix à la consommation en hausse moyenne de 6,1 points ce trimestre sur un an.

Si l’inflation concerne la quasi-totalité des biens et services consommés en Polynésie française, c’est la hausse des prix dans l’alimentaire (+ 11 %) et dans les carburants (+ 23 %) qui impacte le quotidien des ménages, ces produits n’étant pas substituables et leurs achats non reportables.

Le rythme d’inflation ralentit de 8 % à 6 %

En moyenne trimestrielle, le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation s’élève au premier trimestre 2023 à 6,1 %, après 8,1 % au quatrième trimestre 2022. L’inflation se situe ainsi depuis le deuxième trimestre 2022 au-dessus de 6 %. Depuis janvier 2021, l’indice des prix a progressé globalement de 11 %, avec des évolutions contrastées selon les différents postes de consommation : les prix de l’énergie ont progressé de 41 % entre janvier 2021 et mars 2023, ceux de l’alimentaire de 18 %, ceux des produits manufacturés de 10 % et enfin ceux des services de 7 %.

C’est au départ l’énergie qui a tiré l’inflation dès le deuxième semestre 2021, avant que l’alimentaire ne prenne progressivement le relais au cours de l’année 2022. En mars 2023, l’alimentaire contribue ainsi à hauteur de 45 % à l’inflation, alors qu’elle représente 20 % du panier moyen de consommation.

Les touristes n’ont jamais été aussi nombreux sur un premier trimestre

Dans ce contexte post-covid, la fréquentation touristique au cours du premier trimestre reste très dynamique avec une fréquentation supérieure de 20 % par rapport à 2019. Comparé à 2022, le nombre de touristes ayant séjourné en Polynésie française est quasiment multiplié par deux pour s’établir à 55 000 touristes sur le premier trimestre. Les flux originaires d’Amérique du Nord sont un quart plus nombreux qu’en 2019 et représentent 3 touristes sur 5 accueillis au cours de ce trimestre. Deuxième contingent touristique avec 20 % des effectifs, le marché hexagonal progresse de 40 % sur un an. La clientèle européenne et celle du Pacifique ont retrouvé respectivement 87 % et 96 % de leur flux d’avant-covid, soit 9 % et 7 % des arrivées du trimestre.

La forte présence nord-américaine impacte l’hébergement terrestre marchand qui enregistre une hausse de fréquentation de 75 % sur un an, soit 20 % de plus qu’en 2019. Seuls les effectifs en hébergement flottant sont en retrait par rapport à 2019 (- 12 %) ; les touristes non marchands progressent de 2 %. De fait, les indicateurs de gestion de l’hôtellerie internationale performent avec un coefficient moyen de rem plissage de 65 % et un chiffre d’affaires en hausse de 53 % sur un an.

Le prix de la perle au plus haut niveau depuis 15 ans

La valeur des exportations des biens locaux augmente de 76 % par rapport au premier trimestre 2022 pour s’établir à 3,4 milliards de F.CFP. Responsable de 70 % des recettes à l’exportation de biens au cours du premier trimestre 2023, les exportations de produits perliers n’ont jamais été aussi élevées sur un trimestre depuis 2009. L’évolution du prix unitaire des exportations de perles retrouve un niveau qui n’a pas été observé depuis 15 ans, à 800 F.CFP le gramme. Les exportations de produits locaux sont en retrait en valeur de 10 % et en volume de 9 % sur un an.

Le nombre de salariés progresse moins vite que la masse salariale

Sur le premier trimestre 2023, le marché du travail reste bien orienté avec une poursuite de la croissance de l’emploi salarié en ETP (+ 5 % en moyenne trimestrielle annuelle) et de la masse salariale (+ 8 %). Cette hausse des emplois salariés est continue depuis 24 mois et a permis de retrouver le niveau d’emploi d’avant-covid dès avril 2022.
Comme depuis quelques mois, ce sont les employeurs de l’hébergement-restauration et de la branche transport qui contribuent pour moitié à cette reprise. Ils ont ainsi recruté 16 % de salariés en ETP de plus qu’au premier trimestre 2022 et 9 % de plus qu’en 2019. Les emplois en ETP dans les secteurs moins touristiques progressent aussi ce trimestre (+ 3 %), portés par le commerce (+ 3,5 %), les services aux entreprises (+ 6 %) et l’administration (+ 2 %). Au global, la masse salariale progresse de 28 % dans les secteurs liés au tourisme et de 5 % pour les autres secteurs, pour une contribution équivalente à la hausse de masse salariale. Les revalorisations du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et du point d’indice des fonctionnaires aux deuxième et troisième trimestres 2022 contribuent également au gain de la masse salariale sur un an. Si le nombre de salariés à temps partiel (33 % des effectifs) recule de 8 % sur un an au profit des temps complets (+ 7 %) pour répondre au regain d’activité, la croissance forte du nombre de salariés avec des heures supplémentaires (+ 17 %) peut indiquer des craintes sur la durabilité de la reprise à la fin du premier trimestre.

La consommation des ménages résiste encore à l’inflation, mais les anticipations sont importantes

À l’image des importations de produits alimentaires (+ 4 % en volume) et de biens de consommation (+ 7 % en volume), la consommation des ménages résiste ce trimestre grâce au rebond de la masse salariale de 8 % qui a soutenu le pouvoir d’achat global des salariés (35 % des individus âgés de plus 15 ans et 60 % des revenus totaux) pénalisés par la hausse des prix.
La possible mobilisation de l’épargne accumulée ces dernières années et de possibles modifications dans leurs comportements de consommation, (les importations de carburants se contractent de 8 % en volume dans le sillage de la hausse des prix à la pompe) peuvent aussi contribuer à ce résultat. Les importations de voitures semblent subir les arbitrages des consommateurs, contraints de faire des choix de court terme, avec des importations en recul de 11 %, en valeur comme en volume.
Si l’ampleur des évolutions de prix de ces douze derniers mois (consommation ou importation) n’a plus été observée depuis les années 80 et rend donc la prévision incertaine, quelques indicateurs suggèrent un ralentissement voire une baisse des prix de certains produits manufacturés au cours des prochains mois. Cette inflexion s’observe, par exemple, sur le prix des importations des biens de consommation qui se contracte de 1,6 % ce trimestre après avoir augmenté de 19,4 % en 2022. Les prix devraient aussi baisser pour les produits énergétiques avec le ralentissement mondial qui se profile dans les pays développés et retrouver son niveau d’avant-crise, alors que les produits des indus tries agricoles et alimentaires importés continuent de progresser (+ 12,7 % ce trimestre).
Au global, les importations à l’attention des ménages (hors énergie) restent stables en volume (+ 1 %) pour une hausse en valeur de 21 %.

Les crédits à l’équipement sont en forte hausse, mais la construction stagne avec des prix toujours élevés

Pour la première fois depuis le second trimestre 2020, le coût moyen du crédit immobilier pour les particuliers dépasse le seuil des 2 % pour s’établir à 2,14 %. Pour les entreprises, la hausse est encore plus importante avec un taux moyen qui s’établit à 2,56 %, contre 1,81 % il y a un an. Il faut remonter au second semestre 2017 pour observer un taux similaire. Par anticipation de la hausse des taux d’intérêt qui réduira le volume des investissements, les montants des crédits immobiliers octroyés aux ménages (10,3 milliards de F.CFP) et aux entreprises (2,7 milliards de F.CFP) au cours du premier trimestre sont supérieurs respectivement d’un quart et de moitié par rapport à l’année précédente. Pour les crédits à l’équipement aux entreprises, le montant est multiplié par 3 et s’établit à 13,1 milliards de F.CFP. À l’inverse, les investissements du Pays sont plus que divisés par 2 au mois de mars 2023 par rapport à mars 2022. Cette forte hausse des crédits en valeur ne se retrouvera pas nécessairement dans les volumes investissements, car l’inflation touche aussi les produits de ces secteurs (industries, biens d’équipement, construction). Ainsi, au cours du premier tri mestre, les importations des biens d’équipement sont en retrait de 2 % en volume et de 3 % en valeur. Si les investissements des entreprises sont majoritairement des machines, ceux des ménages et des administrations sont principalement en bâtiment et travaux publics (BTP). Avec un chiffre d’affaires en hausse de 8 % sur le premier trimestre et des emplois salariés en ETP qui progressent de 2 %, l’activité dans le secteur de la construction résiste à la forte hausse des prix (+ 13 %) qui l’impacte depuis un an. Cette forte hausse des prix freine le développement en volume du secteur, mais les prévisions d’activité sont relativement bonnes comme en témoigne la hausse en volume des biens intermédiaires (+ 13 %) sur ce premier trimestre malgré le prix des intrants importés qui continue de progresser. Ainsi, le prix unitaire du ciment importé augmente de 30 % par rapport à 2022 et de 50 % par rapport à 2019. Autres intrants de la construction, le prix des barres de fer ou en acier progresse de 5 %, alors que celui du bois se contracte de 3 % par rapport au premier trimestre 2022. Au global, les volumes importés des biens intermédiaires s’accroissent de 13 % en lien avec l’activité dynamique du premier trimestre.