Faux ice, vrais arnaqueurs

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Le tribunal correctionnel a examiné, aujourd’hui, une affaire d’ice qui a mal tourné. Huit personnes ont comparu dans ce dossier de stupéfiants, de vols, d’enlèvement et de séquestration. La principale victime, une jeune femme de 20 ans, avait été retenue quelques heures dans l’attente de la restitution de 500 000 francs.

Elle venait tout juste d’avoir 20 ans. Elle, c’est Charlotte, une frêle lycéenne en classe de terminale. Le 29 janvier 2022, elle fête son anniversaire avec son copain et des amis. Ils consomment de l’ice pendant la soirée. Et dans la nuit, son petit ami, Tevitau, un «  bad boy », comme l’a qualifié l’avocate de la jeune fille, décide avec un ami, Teihotu, de monter une arnaque. Vendre du « faux ice » pour en acheter du vrai. Il l’a déjà fait.

Teihotu le met en relation avec Tamatea qui recherche de la méthamphétamine. Ce dernier rassemble avec Joachim, Wilfrid et Okalani 600 000 francs pour en acheter. Okalani met 500 000 francs, elle s’est fait arnaquer sur le prix du gramme, 250 000 francs au lieu de 200 000. Tevitau vend à Tamatea un peu moins de trois grammes. Trois grammes mais d’acide citrique, connu pour être un bon produit ménager. C’est en testant le produit un peu plus tard que les acheteurs s’aperçoivent de l’arnaque.

«  Un commando » pour récupérer l’argent

Ils montent alors, ce que le parquet a nommé «  un commando » pour récupérer la somme investie. Un « gros bras », Gilles, champion de boxe thaï est appelé en renfort. Pendant qu’Okalani et sa cousine, Corine, restent dans une voiture, en bas de l’immeuble, les hommes se rendent au domicile de Charlotte, où vit Tevitau, pour récupérer leur mise. Tevitau absent, ils décident de voler des objets de valeur dont l’ordinateur de Charlotte. Un appareil précieux qu’elle considère comme sa planche de salut pour une vie meilleure, après des débuts chaotiques.

Pendant que les acheteurs arnaqués montaient leur expédition, Teihotu et Charlotte sont partis acheter de l’ice, du vrai. Et en revenant à leur domicile, ils sont avertis par un ami que des personnes les cherchent. C’est Charlotte seule qui monte à son appartement voir ce qui s'y passe. Elle constate que son logement a été mis à sac. Ne trouvant pas Tevitau sur place, la décision est prise de partir avec la lycéenne, d’autant qu’elle ne veut pas abandonner son ordinateur.

Elle restera plusieurs heures dans une voiture avec les deux autres femmes et Joachim. Elle est en pleurs, ils tenteront de la rassurer en lui expliquant qu’il ne lui arrivera rien. Mais en même temps, elle entendra le jeune homme dire à son compagnon «  si tu ne rends pas l’argent, tu ne verras plus ta copine ». Un katana, un sabre japonais, était présent dans le véhicule, amenant la jeune fille à s'interroger sur l'usage qui en serait fait.

Pas d'enlèvement, ni de séquestration selon la défense

Pendant le procès qui s’est tenu, ce mardi, devant le tribunal correctionnel, les avocats des prévenus poursuivis pour arrestation, enlèvement et séquestration ont défendu la thèse selon laquelle c’est Charlotte qui a suivi de son plein gré les hommes qui recherchaient son compagnon. Maître Marie Eftimie Spitz, avocate d’Okalani et de Corine, estime qu’elle « n’a pas été privée de liberté de manière permanente, […] elle dit j’étais tétanisée, mais ça n’est pas imputable aux auteurs, c’est toute la difficulté de ce dossier, c’est extrêmement ambigu de reporter cette peur qu’elle a eu sans menaces physiques, sans coups, sans le moindre geste inconvenant à son égard, c'est elle-même qui ouvre la porte de la voiture et qui s’y installe, c’est compliqué de dire qu’elle a été arrêtée, c’est compliqué de dire qu’elle a été enlevée, et c’est compliqué de dire qu’elle a été séquestrée ».

C’est extrêmement ambigu de reporter cette peur qu’elle a eu sans menaces physiques, sans coups, sans le moindre geste à son égard inconvenant, c'est elle-même qui ouvre la porte de la voiture et qui s’y installe, c’est compliqué de dire qu’elle a été arrêtée, c’est compliqué de dire qu’elle a été enlevée, et c’est compliqué de dire qu’elle a été séquestrée

Maître Marie Eftimie Spitz

Maître Karina Chouini, l’avocate de Charlotte, considère que ce qui « est hallucinant dans cette affaire c’est d’entendre les avocats de la défense s’en prendre de façon assez importante à ma cliente, sur l’unique fait qu’elle serait partie avec ses kidnappeurs de façon volontaire, alors qu’en fait elle était dans un état de contrainte qui a été relevé par la procureure, qu’on voit très bien dans le dossier, qui avait également été relevé par le juge d’instruction. Ils essaient de faire porter sur le dos de cette petite victime de 20 ans à l’époque, la responsabilité des autres prévenus. Ce qu’il faut retenir dans cette histoire, c’est que chacun des prévenus dans l’affaire a reconnu durant les débats, qu’il avait pris la jeune fille comme gage pour récupérer leur argent ».

Ce qu’il faut retenir dans cette histoire c’est que chacun des prévenus dans l’affaire a reconnu durant les débats, qu’il avait pris la jeune fille comme gage pour récupérer leur argent.

Maître Karina Chouini

Dans sa plaidoirie, elle a aussi estimé qu’attendre une réaction de la part de Charlotte pendant sa séquestration équivalait à demander à « une victime d’agression sexuelle pourquoi elle n’a pas crié ». Dans son réquisitoire, la représentante du parquet a indiqué que la loi n’imposait pas la violence pour qu’il y ait séquestration.

Dans un second véhicule, se trouvaient les autres membres du groupe et Teihotu. Ce dernier culpabilisait, il ne voulait pas laisser Charlotte seule, en outre, son sac avait été saisi, il ne pouvait le récupérer et partir qu’une fois l’argent rendu. Alors que la justice estimait qu’il avait été retenu contre son gré, à la barre du tribunal correctionnel, le jeune homme a estimé qu’il n’a pas été séquestré et ne s’est pas constitué partie civile.

Cette folle journée du 30 janvier 2022 s'achèvera quand alertée par Tevitau, la police se rendra au point de rendez-vous d’échange, Charlotte contre l‘argent et arrêtera Wilfrid et Tamatea. Charlotte sera libérée après ces interpellations. Saine et sauve mais marquée à vie.

Le parquet a requis des peines allant d’un mois à trois ans de prison contre les 8 prévenus.

Le délibéré : de 10 mois avec sursis probatoire à un an de prison ferme

Le tribunal correctionnel a condamné, ce soir les arnaqueurs d’ice à 10 mois de prison avec sursis probatoire de 2 ans. Quant au groupe auquel il était reproché l'enlèvement et la séquestration, les prévenus ont écopé de peines allant d'un mois à un an de prison ferme.