Festival des Marquises 2023 : Koika Kakiu, un héritage encore conservé

Les danseurs de Hiva Oa au Koika Kakiu
Le site de Koueva à Taiohae a été le théâtre des spectacles de danses offerts par cinq délégations. Les îles de Nuku Hiva, Tahuata, Hiva Oa et Fatu Hiva ont présenté leurs danses ancestrales.

Situé dans la vallée de Haavao, le séduisant Tohua Koueva est le lieu opportun. Ce site archéologique et communautaire a été restauré pour accueillir les festivités du Mata va’a a te henua Enana de 1999.

Une partie du site archéologique Koueva

L’esplanade entourée de banians, de purau, de manguiers ou encore de pandanus, est pris d’assaut. Des centaines de spectateurs s’attroupent pour admirer les prestations de danses ancestrales, les Koika Kakiu.

Koika Kakiu…

La troupe de Nuku Hiva est la première à se présenter au public et aux festivaliers. Elle est motivée. L’île accueille cette année les festivités, elle n’a presque pas droit à l’erreur. Les éléments interprètent tout d’abord un pōpe, un chant introducteur, il est succédé par un pūtu interprété par les hommes, des guerriers. C’est une danse dynamique qui permet aux danseurs de s’exprimer.

Les danseurs de Nuku Hiva

La prestation se termine par un pēhi, une cérémonie du kava. Une première pour de nombreux danseurs, "elle était puissante, parce que c’est une cérémonie ancestrale et elle très rare dans les festivals" confie Hetu, une danseuse de 24 ans, "c’est la première fois que je découvre ça" poursuit-elle.

Comme Hetu, Marie Yolinda découvre aussi cette danse ancestrale de son île natale grâce au festival des arts et de la culture des Îles Marquises.

Personnellement, je ne connaissais pas du tout. J’ai découvert cette danse grâce au festival et c’est magnifique. Quand tu t’investis vraiment, ça te prend les tripes. J’ai commencé à danser au festival depuis Hiva Oa, c’était l’an dernier, et depuis mes enfants me suivent. Ils apprennent aussi les traditions grâce au festival et ils aiment ça !

Marie Yolinda Banjelina, danseuse de la troupe de Nuku Hiva

Fatu Hiva a mis en valeur le rāri, elle se caractérise par des mouvements gracieux qui nous rappellent la danse de l’oiseau. Accompagnée de chants et de percussions, elle est considérée comme une expression de l’élégance, "c’est une danse que l’on réalise souvent, la différence avec ce que l’on peut voir aujourd’hui c’est qu’il n’y a pas ou peu d’instruments" explique Vaehina, une jeune danseuse de Fatu Hiva.

La danse de l'oiseau, Haka Manu, interprétée par des hommes

"Le pahu n’est pas nécessaire pour effectuer cette danse. Nos mains et nos bouches suffisent pour donner le rythme. C’est plus simple, mais je préfère mixer tradition et modernité" poursuit Jordy, un danseur de 29 ans.

…pour conserver les traditions

Le festival est un incontournable pour la transmission des savoirs hérités des ancêtres. À chaque édition, il incite les Marquisiens à puiser dans la tradition dont les derniers Tuhuka, encore vivants, restent les témoins pour transmettre la langue et la culture. Le thème retenu cette année est Auîî Tupuna, l’énergie ancestrale. Pour éviter toute polémique, le comité organisateur a fait le choix d’organiser des spectacles de danses traditionnels la journée. En soirée, les troupes sont libres de faire appel à leur créativité. 

Sur toutes les journées, nous avons demandé à toutes les délégations de préparer des danses anciennes, puisque le thème c’est Auîî Tupuna, l’énergie ancestrale, le courant ancestral, pour ne pas être dans la polémique entre qu’est ce qui est traditionnel et qu’est ce qui ne l’est pas. Cela fait 35 ans que le Mata Va’a existe et l’on voit bien que ça évolue à tous les niveaux. Pour éviter toute polémique, nous avons différencié les prestations pour que les gens voient et comprennent la différence entre le traditionnel, ce qui l’est du moins à nos yeux, et le moderne.

Déborah Kimitete, 2ème vice-présidente du COMOTHE

L'héritage sera t-il conservé ?

Beaucoup de jeunes gens et des enfants participent à ce festival. Il rassemble les habitants autour d’éléments unificateurs comme la langue, la culture, le chant, la cuisine ou les rites ancestraux. S’il vise à transmettre les traditions, cet événement innove, revisite et redynamise la culture. Nombreux sont les jeunes marquisiens qui ne s’y intéressent pas réellement.

Nos répétitions se déroulaient toujours en deux parties, la partie ancestrale et la partie moderne. Lorsque se déroulait la première partie, les jeunes fuyaient. On se retrouvait avec vingt personnes quand la troupe en comptait quarante ! Mais quand on répétait les danses pour la soirée de spectacle, tout le monde est présent. Je crains beaucoup pour l’avenir. Je ne parle pas au nom des Marquisiens, mais je partage mon expérience personnelle. Mes propres enfants ne sont pas intéressés par les traditions culturelles, qu’elles soient culinaires, médicinales ou les chants et danses.

Tefa Tehaamoana, danseur de Hiva Oa, interprète du Dieu de la danse de la troupe

 

Le festival est un moment d’échanges et de partage. Il est la sauvegarde d’une culture en voie d’effacement mais surtout la transmission aux générations futures est ses mots d’ordre. Aux jeunes désormais de s’approprier leurs rites et leur traditions.