112 ans après le naufrage, l'histoire de Joseph Laroche, seul passager noir du Titanic

La famille Laroche, Joseph en compagnie de sa femme Juliette et de leurs filles Simone et Louise
Le 10 avril 1912, Joseph Laroche sa femme et leurs deux filles embarquaient à bord du Titanic, avec l'espoir de rejoindre Haïti, en passant par les Etats-Unis. L'ingénieur était le seul passager noir. Il fait partie des disparus du naufrage du légendaire paquebot.

Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le paquebot transatlantique, le Titanic, sombre dans l'océan Atlantique, après avoir heurté un iceberg. En moins de trois heures, le navire entraîne avec lui 1 496 personnes. Parmi elles, Joseph Laroche, jeune ingénieur haïtien, sur le chemin du retour. Il était le seul passager noir de "L'insubmersible". 

Son nom aurait pu tomber dans l'oubli...

Interpellé par l'un de ses lecteurs, le journaliste et écrivain Serge Bilé découvre Joseph Laroche. Son histoire au destin tragique... Une histoire hors du commun. 

Les travaux de recherches le mèneront en Haïti, aux Etats-Unis, et en France. Et en 2016 paraît le livre Le seul passager noir du Titanic. 

Un jeune homme ambitieux

La mémoire de Joseph Laroche revit alors. Son enfance à Cap Haïtien auprès d'une mère issue d'une famille aisée qui l'élève seule, et est prête à tous les sacrifices pour lui offrir une bonne éducation. Son départ pour la France...

Joseph Laroche est issu d'une famille bourgeoise du Cap Haïtien, où il est né en 1886. Son grand-père était le bottier du roi Christophe, auquel Aimé Césaire a consacré sa fameuse pièce de théâtre. La mère de Joseph Laroche, qui l'a élevé seule, faisait du négoce de café, de cacao, de canne, et de coton. Elle achetait la production des paysans haïtiens, la conditionnait, et la revendait avec sa marge notamment à des exportateurs français et allemands. C'était une femme riche. Elle avait de l'ambition pour son fils unique. Elle voulait qu'il fasse de grandes études en France et l'a donc envoyé, à 15 ans, dans une école religieuse à Beauvais.

Serge Bilé

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Le jeune Joseph Laroche est lui aussi guidé par un objectif, celui de devenir ingénieur. Le bac en poche, en 1904, il se lance dans des études d'ingénieur agronome, toujours à Beauvais. Diplôme qu'il décroche trois années plus tard.

C'est aussi durant cette période qu'il s'éprend d'une jeune femme, Juliette Lafargue, fille d'un négociant en vins, lors d'un passage à Villejuif, avec son mentor Monseigneur Kersuzan, évêque d’Haïti, indique le site "L'Observateur de Beavais". Ils tombent éperdument amoureux, faisant fi des conventions de l'époque. La relation entre une femme blanche et un homme noir est peu commune. Malgré les discriminations, les deux amoureux se marient en 1908. Un an plus tard, leur fille Simone vient au monde, suivie, l'année suivante, de sa sœur, Louise.

Joseph Laroche face au racisme

La famille s'installe à Villejuif. Joseph est embauché par la compagnie Nord Sud, en charge de la construction de plusieurs lignes du métro parisien. Il réalise le tracé de la ligne 12, qui allait de la Porte de la Chapelle à la Porte de Versailles.
Son contrat terminé, il se heurte de plein fouet au racisme en France. Le jeune ingénieur peine à trouver du travail. Il fait des petits boulots. Mais Joseph Laroche garde en tête un rêve, celui de retourner chez lui, en Haïti. D'autant plus que l'époux de sa cousine, Cincinnatus Leconte est à la tête du pays. 

Des billets changés au dernier moment pour embarquer à bord du Titanic

Juliette, enceinte de leur troisième enfant, il prend alors une décision qui changera le cours de sa vie. Ne pouvant voyager sur "Le France", la salle à manger étant interdite aux enfants, la famille embarque donc à bord du Titanic, le 10 avril 1912 à Cherbourg. Ils espèrent rejoindre New-York avant de prendre un autre bateau, direction Haïti.

Le RMS Titanic, à Southampton, ville du Sud de l'Angleterre, le 10 avril 1912.

La première partie du voyage est un ravissement pour la famille.

La suite a d'abord été magique avant d'être tragique. Je reproduis dans le livre une lettre, écrite sur le Titanic par la femme de Joseph Laroche. On découvre le luxe de la vie à bord. Toute la famille est émerveillée. La petite Simone n'arrête pas de courir partout , sans se douter un seul instant du drame qui se profile à l'horizon.

Serge Bilé

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L'Histoire retiendra la suite... Dans la nuit du 14 avril au 15 avril 1912, le paquebot heurte un iceberg et prend l'eau, s'enfonçant dans les eaux glacées au large de Terre-Neuve.
La panique règne à bord. La famille est séparée. Juliette et Simone embarquent à bord d'un canot de sauvetage. Joseph avec Louise les retrouve et leur confie la petite dernière. Ce sera leur dernier moment ensemble. Il ne peut embarquer avec elles car seuls les femmes et les enfants sont alors autorisés.

Il tente d'apaiser son épouse et lui assure qu'il prendra un autre canot. Il ne sera pas sauvé. Joseph Laroche périra dans le naufrage avec 1500 autres passagers. Son corps ne fut jamais retrouvé.

Sa femme et ses filles sauvées, avec plus de 700 rescapés par un autre paquebot, le Carpathia ont finalement rejoint New-York. L'espoir de revoir le père de famille disparaît trois jours plus tard.
Juliette décide de retourner en France, auprès de sa famille.
C'est là qu'elle donne naissance à son troisième enfant, en décembre 1912. Un garçon baptisé Joseph en mémoire de son père décédé lors du drame du Titanic.

Le destin tragique de Joseph Laroche, qui aurait eu 26 ans, deux mois après, fait partie de l'Histoire.

Au-delà de ce drame, c'est la vie même de cet homme qui m'a passionnée. Elle méritait d'être racontée.

Serge Bilé

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Serge Bilé sur les traces de Joseph Laroche :