30 ans après, l'assassinat du maire de La Désirade, Mathias Mathurin, demeure un mystère

Mathias Mathurin, au centre.
Le 22 octobre 1991, en pleine nuit, le maire de La Désirade, Mathias Mathurin, est tué, tombé dans une embuscade, sur une route de l'île. Son corps est retrouvé, le lendemain, carbonisé. 30 ans après, l'enquête est toujours au point mort. Les archives judiciaires de cette affaire sont disponibles.

C'est un crime qui, 30 ans après, demeure impuni. Un meurtre qui avait profondément secoué l'île, mais également tout l'archipel guadeloupéen. Celui du maire de La Désirade et conseiller général socialiste, Mathias Mathurin, tué en pleine nuit du 22 octobre 1991. Ce n'est que le 23 octobre, au matin, que son corps calciné présentant deux impacts de balle sera retrouvé. 

Un véritable guet-apens

Malgré un important dispostif mis en place par la gendarmerie pour retrouver les auteurs des faits, aucune piste n'a permis d'élucider cet assassinat mystérieux, ni d'en déterminer le mobile.

Toutefois, selon les investigations, les enquêteurs ont pu retracer les dernières heures de l'homme politique. Vers 23 heures, Mathias Mathurin quitte le domicile de sa maîtresse et monte à bord de sa Peugeot 505 bleue. Il roule en direction de Beauséjour, quand il est stoppé par un barrage fait de pierres, sur une petite route à la pointe du Désert. C'est là que l'attendent ses meurtriers.
Le maire de La Désirade tombe dans une embuscade. Plusieurs hommes, armés de calibre 12, l'arrachent du véhicule avant de lui tirer deux balles, à bout portant, selon le médecin légiste. 

Son corps est ensuite aspergé d'essence et brûlé. 

Ce n'est qu'au petit matin que la nouvelle du meurtre du maire se répand comme une traînée de poudre sur toute l'île. Les habitants apprennent avec effroi le sort réservé à l'enfant du pays. 

De très nombreux mobiles envisagés par les enquêteurs

Choqués, les Désiradiens voient débarquer une trentaine de gendarmes et le procureur de l'époque, Jean-Marie Huet. Ce dernier, interrogé par le quotidien national Le Monde, parle d'un "acharnement inouï" des auteurs des faits. L'enquête patauge, le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, se dit "déconcerté par la diversité des mobiles possibles". Toutes les pistes sont suivies par les forces de l'ordre. 
S'agit-il d'une affaire personnelle, Mathias Mathurin ayant une "vie sentimentale très agitée" ou un meurtre en trait à la politique ? 

Droit de cuissage ?

Pendant plusieurs mois, les Désiradiens vivent dans la peur et la suspicion. 
D'autant plus que l'enquête, loin d'avancer, a tout de même permis de découvrir, au domicile de Mathias Mathurin à Pointe-à-Pitre, et chez sa maîtresse, plus de 600 photos pornographiques sur lesquelles il est présent ainsi que ses compagnes. 
Une découverte qui est venue confirmer les déclarations de certains témoins, selon Le Monde, qui parlaient de "droit de cuissage" qu'aurait exercé le maire sur le personnel communal féminin, mais également au sein de la compagnie aérienne, Air Guadeloupe, dont il était le président, à l'époque. 

Mathurin, un homme engagé

Né en 1945, diplômé de Sciences politiques, Mathias Mathurin est très tôt impliqué dans la vie politique de Guadeloupe. Il devient maire de La Désirade à l'âge de 32 ans, puis conseiller général, en 1981 et 2 ans plus tard, conseiller régional. 

Il développe alors plusieurs projets d'envergure, le chantier de la distribution en eau de l'île, par exemple, avec la canalisation sous-marine entre la Pointe des Châteaux et La Désirade pour apporter l'eau aux Désiradiens à un prix abordable.
Quelques jours avant sa mort, il avait, lors d'un conseil municipal, obtenu l'implantation d'éoliennes pour la production d'électricité. Un projet qui avait de nombreux détracteurs et qui avait fait grand bruit sur l'île. Une autre piste suivie par les enquêteurs. 

Président de la compagnie maritime SOMARADE, de 1983 à 1986, il est déclaré en faillite. Situation qui révèle des "comptes fiscaux non fidèles". Mathias Mathurin, dans le cadre de cette affaire, est condamné pour ingérence à un mois de prison avec sursis et 5 000 francs d'amende, indique Le Monde. Une affaire qui n'avait pas encore dévoilé toutes ses ramifications. 
Il est également le président de la compagnie aérienne Air Guadeloupe, depuis 1985. 

La Désirade n'a jamais oublié "Max", comme beaucoup l'appelaient. Une stèle, à l'endroit de son assassinat a été érigée, une bibliothèque porte également son nom. 

Les archives judiciaires de l'assassinat de Mathias Mathurin qui étaient jusqu'ici sous scellées, sont désormais disponibles, depuis ce vendredi 22 octobre 2021.