Accès inégal à l'IVG : un rapport sénatorial dresse un constat préoccupant pour les femmes en Guadeloupe et en Guyane

L'accès à l’IVG est plus compliqué pour certains département de France, comme la Guadeloupe ou la Guyane, en raison de l’éloignement des centres ou de l’absence de professionnels, selon un rapport sénatorial.
Un rapport sénatorial met en lumière les inégalités d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, y compris en Guadeloupe ou en Guyane. Malgré l'inscription de ce droit dans la Constitution en mars 2024, l’accès à l’IVG reste très inégal selon les territoires.

Un rapport sénatorial met en lumière l'accès inégal à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, malgré son inscription dans la Constitution. La mission d’information du Sénat, rendue publique mercredi 16 octobre, souligne des disparités significatives selon les territoires, avec des difficultés d'accès particulièrement marquées dans certaines régions d’Outre-mer, en Guadeloupe ou en Guyane notamment.

Des disparités entre les territoires

Le rapport souligne que, bien que le nombre d’IVG soit en augmentation avec 243 600 interventions en 2023 (contre près de 234 000 en 2022 et 226 000 en 2019), les disparités régionales demeurent fortes.

En effet, si la loi de 2022 a allongé le délai légal d’IVG de 12 à 14 semaines d’aménorrhée (SA), cette extension n'a concerné qu'une petite proportion des interventions.

Ce sont les disparités géographiques dans l’offre de soins selon les départements qui suscitent l’inquiétude : seulement 44 % des établissements de santé de France (soit 232 établissements) sont en mesure de réaliser des IVG au-delà de 12 SA, ce qui limite le choix des patientes.

Les IVG médicamenteuses sont désormais la méthode la plus couramment utilisée, représentant 79 % de l'ensemble des IVG en 2023, contre 68 % en 2019 et seulement 31 % en 2000.

Une offre d’IVG limitée en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion

Le rapport révèle qu’en Guadeloupe, certaines zones sont éloignées de plus d'une heure d'une offre d’IVG, ce qui complique considérablement l'accès pour les femmes, en particulier les jeunes et les personnes en situation de précarité.

Cette situation se retrouve également en Guyane et à La Réunion mais également en Auvergne-Rhône-Alpes, en Corse, au Centre Val de Loire, dans le Grand Est.
Dans ces régions, l'offre hospitalière est souvent insuffisante, tandis que la médecine de ville, qui a pourtant vu sa part de l’activité d’IVG progresser ces dernières années, reste limitée à une poignée de professionnels de santé.

Les sénateurs soulignent qu'en 2023, moins de 10 % des IVG ont été réalisées en dehors d'un établissement de santé dans des départements comme l'Orne, la Creuse, la Sarthe ou la Haute-Vienne, tandis que dans les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, ainsi qu'en Guadeloupe et en Guyane, plus de 60 % des IVG se sont déroulées en ambulatoire. 

Ces écarts préoccupants ne s'expliquent pas par une répartition inégale des professionnels de santé libéraux, mais plutôt par une différence dans l'engagement des médecins de ville à proposer l'IVG et dans la propension des femmes à recourir à cette méthode.

Des obstacles propres aux territoires ultramarins

Selon la Direction générale de l'offre de soins et la Direction générale de la Santé, les territoires ultramarins, bien que caractérisés par des taux élevés de recours à l'IVG, sont confrontés à des problèmes d'accès spécifiques liés à leurs particularités géographiques, à une couverture insuffisante en établissements de santé, ainsi qu'à des difficultés de transport.

Ces obstacles sont particulièrement prononcés en Guyane, notamment dans les communes isolées de l’intérieur ou sur certaines zones du littoral comme Iracoubo, Mana, Sinnamary ou Régina.

En Guadeloupe, l'éloignement des îles du Sud (Marie-Galante, La Désirade, Les Saintes) complique également l'accès aux services. Depuis Marie-Galante, l’accès au plateau technique du CHU de la Guadeloupe n’est possible que par voie maritime ou aérienne. Actuellement, l’équipe du Centre Périnatal de Proximité (CPP) ne prend en charge que les IVG jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée (SA).

Quant à La Réunion, bien qu'il n'existe pas de zones particulièrement éloignées de l'offre d'IVG, l'accès à l’IVG instrumentale dans le sud de l'île demeure complexe. Le site sud du CHU, unique établissement de cette partie de l'île à proposer ce service, ne réalise pour l’instant que des IVG médicamenteuses en raison de l'absence d'accès régulier au bloc opératoire, du manque de matériel disponible ou d’une formation insuffisante des équipes à la méthode instrumentale.

Propositions pour améliorer l’accès à l’IVG

Pour remédier à ces inégalités, la mission sénatoriale propose une série de mesures, dont la mise en place d’indicateurs pour suivre l’accès à l’IVG, la distance entre le domicile et le lieu de réalisation de l’intervention, et le délai de prise en charge. L'objectif est de rendre le recours à l’IVG plus accessible, notamment dans les zones éloignées comme la Guadeloupe. Les sénateurs recommandent également la création de centres périnataux de proximité, capables de maintenir une offre hospitalière d’IVG, même en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique.

Un droit constitutionnel qui reste fragile

Malgré son inscription dans la Constitution le 8 mars 2024, le droit à l’IVG reste fragile. La mission sénatoriale insiste sur la nécessité de renforcer les campagnes d'information pour lutter contre la désinformation en ligne, qui peut décourager les femmes de recourir à une IVG. La situation en Guadeloupe, comme dans d’autres régions, illustre les défis persistants pour garantir un accès égal et sécurisé à ce droit fondamental.

Le rapport appelle enfin à la formation accrue des professionnels de santé et à l’implication des médecins en ville pour une prise en charge complète et de qualité, permettant à chaque femme, quel que soit son lieu de résidence, d’accéder à une IVG en toute sécurité.

Les 10 propositions : 

  1. Fixer aux Agences Régionales de Santé (ARS) des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville contribuant à l’offre d’IVG médicamenteuse, favoriser l’accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement
  2. Rendre systématique l’ouverture de centres périnataux de proximité susceptibles de maintenir localement une offre hospitalière d’IVG en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique
  3. Soutenir au niveau régional la formation des sages-femmes et, plus largement, des équipes hospitalières à la technique instrumentale
  4. Renforcer le suivi de l’accès à l’IVG, par la mise en place d’indicateurs (distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, délai de réalisation, libre choix de la méthode retenue) supervisés par les ARS
  5. Améliorer le recensement des évènements indésirables graves et analyser les difficultés d’accès qu’ils révèlent
  6. Exiger des ARS l’identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d’IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l’équipement des établissements dans les territoires en étant dépourvus
  7. Demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques relatives à l’IVG pour tenir compte de la dernière extension du délai légal
  8. Faciliter la réalisation d’IVG médicamenteuse en téléconsultation dans le cadre de la prise en charge hospitalière
  9. Finaliser la mise en place des répertoires régionaux et favoriser leur actualisation en permettant aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels exerçant en ville
  10. Conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d’accès à l’IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne