4 mars 2009 – 4 mars 2024. Il y a 15 ans, les accords signés entre l’Etat, les collectivités et les organisations syndicales et patronales mettaient fin à 44 jours de mobilisation du Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP).
Des changements profonds exigés
Le collectif pluriel baptisé LKP, composé d’une quarantaine d’associations, de syndicats de salariés, de partis politiques, d’organisations culturelles, ou encore d’artistes, entendait lutter contre la vie chère en Guadeloupe, dénoncer les situations de monopole et, comme son nom l’indique, la "Pwofitasyon" des acteurs économiques, au détriment des consommateurs. Il s’agissait aussi de porter des revendications en faveur de l’amélioration des conditions de vie des citoyens, sur ce territoire insulaire.
Ces accords interviennent après une lutte intense des travailleurs et du peuple de Guadeloupe pour un avenir meilleur, pour des changements profonds dans leur vie quotidienne, pour vivre dans une société juste et équitable.
Déclaration du LKP – 04/03/2024
Les accords prévoient notamment une revalorisation des bas salaires (accord "Jacques Bino" signé, lui, le 26 février 2009), ainsi qu’une augmentation du pouvoir d’achat des Guadeloupéens en passant par la réduction du prix de certains produits.
Une déception partagée
Aujourd’hui, que reste-t-il des accords pleins de promesses, obtenus de haute lutte lors de cette grève générale d’envergure, qui avait paralysé l’archipel ? Rien ou presque n’a changé, de l’avis général.
Le porte-parole du LKP est de cet avis. Pour Elie Domota on assiste à une inaction prolongée, ou plutôt à un "maintien du peuple de Guadeloupe dans l’asservissement".
À la signature de l’accord, l’Etat français a inventé les états généraux de l’Outre-mer et ils ont créé des ateliers. Ils ont donné aux Guadeloupéens membres des ateliers des légions d’honneur, en termes de compensation, pour qu’ils trahissent les accords LKP de 2009. Aujourd’hui, 15 après, tout est à faire, parce que rien n’a été fait !
Élie Domota, porte-parole du LKP
Le Liyannaj Kont Pwofitasyon dresse un bilan très amer du résultat des accords :
Tout ça pour ça... c’est aussi ce qu’en pensent les Guadeloupéens que nous avons rencontrés :
Rien n’a changé au niveau de l’économie du pays, de la manière de fonctionner. On nous avait dit que tout était acté et on se retrouve encore pire qu’en 2009. On se demande ce que véritablement ça a apporté à la Guadeloupe. C’est vrai que les gens se sont retrouvés, reconnus (culturellement, etc.), mais après tout est reparti : le pouvoir économique, c’est toujours les mêmes qui le détiennent ! (...)
Un Guadeloupéen
Tout est cher maintenant ! (...) Même dans les magasins, les prix ont augmenté, ça a doublé !
Une Guadeloupéenne
L’État devrait organiser le suivi de ces accords. Mais comme ce n’est pas leur objectif... C’était en fait pour tromper l’ennemi. C’était de la poudre aux yeux !
Un Guadeloupéen
Pour Patricia Braflan-Trobo, docteure en sciences sociales et autrice du livre "Conflits sociaux en Guadeloupe, Histoire Identité et Culture dans les grèves en Guadeloupe", dans le contexte actuel d’inflation, il est normal que la population ait l’impression que les choses ne s’arrangent pas. Elle nous livre son analyse sur les tenants et les aboutissants de la grève de 2009.
Il n’y a pas de politique gouvernementale suffisamment forte pour faire pression sur un certain nombre de lobbies, pour que les prix baissent. Je crois que l’Etat ne s’implique pas suffisamment pour garantir le pouvoir d’achat des citoyens, surtout les personnes aux revenus les plus faibles. Quand on voit comment les grandes entreprises ont des bénéfices et des dividendes qui ont explosé après le Covid, alors que tout le monde était en crise, il est évident que l’argent sort de quelque part et ce sont les plus faibles qui paient, qui paient tout !
Patricia Braflan-Trobo, docteure en sciences sociales
Après 44 jours de ferveur populaire, de solidarité et d’espoir, les Guadeloupéens peinent donc à voir ce que cette grève générale a positivement changé.
On peut au moins souligner le goût retrouvé, pour quelques-uns, pour les produits du pays et la conscience d’un nécessaire développement d'initiatives locales pour, individuellement et collectivement s'émanciper des importations, notamment.