À l’occasion du premier Séminaire interrégional de l’accès aux origines personnelles, une cinquantaine de parents adoptants se sont exprimés librement, ont échangé sur leurs ressentis et ont partagé leurs réussites, au Centre culturel Rémy Nainsouta de Pointe-à-Pitre, jeudi dernier (30 mai 2024). Ce rendez-vous, à l’initiative du Département de la Guadeloupe et du Centre national d’accès aux origines personnelles (CNAOP), s’inscrivait dans la cadre du suivi post-adoption des enfants, mais aussi des familles qui les ont accueillis en leur sein. Les participants étaient invités à se positionner dans une démarche d’amélioration du processus d‘adoption.
Familles adoptantes, enfants et adultes adoptés ont pu se rencontrer et échanger au sujet de leurs expériences respectives.
Le besoin de savoir qui on est
Les enfants qui ont grandi loin de leurs parents biologiques, même devenus grands, veulent savoir qui ils sont et de connaître leur histoire, pour la plupart.
Que s’est-il passé à leur naissance ? Pourquoi ont-ils été "confiés aux fins d’une adoption" (c’est la terminologie utilisée par les services spécialisés) ? Ce sont les questions qui reviennent le plus régulièrement.
Les familles sont invitées à y répondre au fur et à mesure, lorsque les questionnements surviennent, sans les provoquer, ni les devancer. C’est le rythme de la personne adoptée qui prime, son choix aussi. Savoir est une chose. L’envie de rencontrer ses proches en est une autre.
Fabienne Phémius, psychologue au service de l’Adoption et de l’Accès aux Origines Personnelles, a organisé ce séminaire. Elle s’occupe de tous les enfants qui sont à la recherche de leurs parents, en Guadeloupe. La démarche a changé, ces dernières années.
Avant, il y avait beaucoup de secrets autour de cette question. Même les administrations (les mairies, les hôpitaux...) étaient extrêmement frileuses de donner les informations recherchées par les enfants de façon désespérée. La loi de 2002 dit qu’il est important que l’enfant puisse avoir accès à ses origines. En même temps, la femme a le droit d’accoucher sous le sceau du secret. Donc la loi de 2002 est une loi d’équilibre : on jongle entre les droits de la femme et les droits de l’enfant.
Fabienne Phémius, psychologue au service de l’Adoption et de l’Accès aux Origines Personnelles
D’où la nécessité d’accompagner les enfants dans la bienveillance et d’approcher les mères de naissance avec psychologie. Les professionnels doivent user de délicatesse et de douceur, pour faire comprendre à chacun les problématiques de l’autre, dans le but d’une rencontre ou, a minima, de la communication d’informations.
Si j’arrive à toucher cette femme, je sais qu’elle pourra éventuellement venir. Il y a des femmes qui me disent : "Ce n’est pas moi, du tout !" mais, à 100%, je sais que c’est elle. Hé bien je laisse le temps. Je laisse le temps de maturation, je leur explique le dispositif, dans la bienveillance. Et, dans ce cas, elles peuvent accepter la levée du secret et l’éventuelle rencontre avec leur enfant. Mais ça met du temps ; ça peut durer 7 à 8 mois, mais je n’ai pas de temporalité.
Fabienne Phémius, psychologue au service de l’Adoption et de l’Accès aux Origines Personnelles
Quand tout le monde est prêt, la démarche suit son cours.
Ménager les parents adoptifs
Bien sûr, les parents adoptifs restent pleinement concernés. Certains craignent même la rencontre entre l’enfant et sa famille biologique. Il s’agit donc aussi de ménager la sensibilité des uns et des autres.
Quand vous adoptez un enfant qui vous dit qu’il veut connaître ses origines, vous pouvez avoir peur de la place qui sera donnée à ses parents.
Nadia Négrit, présidente de la commission "Enfance, Jeunesse et Famille" au Conseil Départemental.
D’où la nécessité de ce temps d’échange et de libération de la parole, en présence de psychologues notamment, dans le cadre de ce séminaire.
Si on veut adopter un enfant, c’est qu’on a un manque quelque-part, on a aussi de l’amour à donner. Et, quelques-fois, si on n’arrive pas à adopter un enfant, c’est comme s’il y a quelque-chose qu’on n’a pas accompli.
Négrit, présidente de la commission "Enfance, Jeunesse et Famille" au Conseil Départemental.
Des associations de défense des intérêts des familles adoptives étaient présentes.
"Enfance et Famille d’Adoption Guadeloupe" (EFAG) appartient à une fédération nationale regroupant 92 associations départementales et qui compte 6000 membres. Quels sont les enjeux pour les adhérents à cette structure ?
On est une nouvelle génération de familles. C’est un schéma qui n’est plus tabou. Donc, il faut qu’on soit nous-mêmes prêts à aborder le sujet avec les enfants. Donc, la première étape, en tant que famille adoptive, c’est d’accepter le processus. En travaillant avec des professionnels on va savoir comment aborder le sujet et comment, parce qu’il n’y a pas de moment clé. Il y a le questionnement des enfants, leur situation psychologique et le manque qu’il peut y avoir à un moment donné.
Membre anonyme de EFAG, père de deux enfants adoptés
Les familles adoptives admettent avoir besoin de l’expertise de professionnels, afin d’appréhender le sujet avec sérénité.
Aborder le sujet de l’adoption est une étape nécessaire et importante pour l’enfant, qui ne met pas nécessairement en question la relation installée entre lui et sa famille adoptive.
Peu d’adoptions dans l’archipel
86 enfants guadeloupéens ont été adoptés depuis 1989, localement. C’est très peu.
La Commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSER) a été mise en place l’an dernier, en Guadeloupe, conformément à une loi de 2016. Celle-ci devrait permettre à davantage d’enfants d’obtenir le statut d’enfants placés en vue de l’adoption, dans les années à venir et augmenter ainsi le nombre d’enfants adoptés dans l’archipel.