Le directeur de l’époque du laboratoire Ceregmia, Fred Célimène, et deux autres enseignants-chercheurs, Kinvi Longossah et Éric Carpin, sont soupçonnés d’avoir détourné des fonds publics, en l’occurrence des fonds FEDER.
Ces trois personnes ont été mises en examen dans ce dossier, désormais instruit par le Parquet National Financier (PNF).
Le volet administratif et un rebondissement surprenant
La radiation des cadres de l’enseignement supérieur de Fred Célimène, définitivement prononcée par décret présidentiel en août 2020, a depuis fait l’objet d’une annulation partielle. Cette décision, rendue par la section du contentieux du Conseil d’État en juillet 2023, estime que la procédure disciplinaire a été entachée d’un "excès de pouvoir". Ce qualificatif juridique ronflant pointe en réalité les approximations qui ont émaillé cette longue instruction, entamée en 2015 sous la présidence de Corinne Mencé-Caster.
Cette année-là, le CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) avait infligé une interdiction de cinq ans à Fred Célimène d'exercer des fonctions de direction de laboratoire de recherche à l’Université des Antilles.
La présidente avait fait appel de cette sanction, qu’elle jugeait trop clémente. Le CNESER avait alors prononcé la révocation de l’enseignant en juin 2016.
En novembre 2017, le Conseil d’État avait annulé ce jugement pour des erreurs de droit commises par le CNESER. Ce dernier avait corrigé le tir et, en septembre 2018, révoqué à nouveau Fred Célimène. Ce dernier s’était pourvu en cassation, mais son recours avait été rejeté par le Conseil d’État en novembre 2019.
Le décret présidentiel notifiant sa radiation des cadres avait donc été publié en 2020.
C’est précisément sur ce dernier point que la section du contentieux a motivé son annulation. Elle estime que la décision d’octobre 2018, "n'ayant pas été assortie de mentions relatives à sa période d'exécution", le décret de 2020 ne pouvait légalement prononcer la radiation des cadres de Fred Célimène à une date antérieure à octobre 2018.
Le Conseil d’État a donc annulé les sanctions infligées entre juin 2015 et octobre 2018 et a sommé l’État de régulariser la situation administrative de Fred Célimène pour cette période. Cela implique notamment le paiement de ses salaires non versés.
Le volet judiciaire
L’instruction a également été marquée par de nombreux rebondissements.
Trois juges de Fort-de-France ont instruit l’affaire avant que, en mai 2019, le procureur demande le transfert au Parquet National Financier à Paris. Interrogé, le PNF indique que le dossier a fait l’objet d’un réquisitoire définitif en février 2024. Toutefois, le contenu de ce réquisitoire n’est pas connu.
La balle est désormais dans le camp du juge d’instruction, qui doit rendre son ordonnance de clôture de l’information judiciaire. Deux options s’offrent à lui :
- Prononcer un non-lieu, auquel cas les trois mis en cause seraient blanchis.
- Prononcer une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement, sur la base des éléments de l’enquête.
Pour mémoire, les inculpés avaient été mis en examen pour "détournement de fonds publics, atteinte à la liberté d’accès des candidats dans les marchés publics, recel d’un bien provenant d’un délit, escroquerie en bande organisée et faux en écritures publiques".
La peine encourue pour le premier chef d’accusation est de dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.
Difficile d’avoir une estimation exacte du préjudice. L’OLAF (Office Européen de Lutte Antifraude) a clôturé son enquête en recommandant un recouvrement de 4,6 millions d’euros. La présidence de l’Université des Antilles a, pour sa part, fait savoir que les fonds avaient été remboursés à l’Union européenne, sans préciser le montant exact. Avant la fin de son mandat, Eustase JANKY avait estimé que cette affaire avait coûté 800 000 euros à l’Université des Antilles.