Agression des dirigeants du CHU de la Guadeloupe : quelles suites ?

Les suites données à l'agression du directeur du CHUG et de son adjoint, sont nombreuses : enquête, réactions d'indignation ou compréhensives, initiative contre la violence, justification... Des explications s'imposent aussi, sur l'absence de protection d'un hôpital menacé de longue date.

Les faits, s'ils sont reconnus par l'enquête en cours, sont marquants : deux hauts fonctionnaires agressés alors qu'ils sont encadrés par la police, au sortir de leur lieu de travail.
Les violences commises contre Gérard Cotellon, directeur général du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe  (CHUG) et de son adjoint, Cédric Zolezzi, suscitent donc plusieurs réactions.
Des suites seront données à ces évènements du mardi 4 janvier 2022. Des questions se posent aussi.


Enquête judiciaire

Le parquet de Pointe-à-Pitre s'est saisi du dossier relatif à ces "violences présumées", contre la direction du CHU de la Guadeloupe. Le procureur de la République a ouvert, hier, une enquête de flagrance des chefs de "violences volontaires aggravées".
Un autre dossier a été ouvert, des faits de dégradations de véhicules des personnels et des bâtiments du Centre hospitalier universitaire.
L’enquête va aussi porter sur les "violences présumées", commises contre les forces de l’ordre.
Un dossier confié à la Direction territoriale de la Police Nationale (DTPN).

Comment cela a pu arriver ?

Depuis le début du conflit social, lié à la contestation anti-obligation vaccinale et anti pass sanitaire, Gérard Cotellon a déposé une dizaine de plaintes, pour "menaces de mort", "agressions", "dégradations", ou encore "entrave à la libre circulation".
Du procureur de la République au préfet de Guadeloupe, en passant par le directeur de la Sécurité publique, tous étaient informés des menaces qui pesaient sur ce fonctionnaire de la santé.
Les renseignements généraux, eux aussi, connaissaient les risques de débordement qui pouvaient survenir.

Quelques jours avant l'agression de mardi, la direction générale du CHUG avait été victime de vandalisme et de jets de pierres ; la voiture du directeur de la communication avait aussi été caillassée.

La question qui se pose aujourd'hui, pourquoi le Centre hospitalier Universitaire n'a-t-il pas été sécurisé ?

Le jour du siège de l'UTS-UGTG (Union des travailleurs de la santé), là aussi, le préfet et toute la chaîne sécuritaire de l'Etat étaient informés de la détermination des manifestants.

Alors on comprend mal la suite des évènements.
Les fonctionnaires de la BAC (brigades anti-criminalité) arrivés sur place semblent avoir été incapables de tenir à distance les militants. Au contraire, on les voit, sur les images largement partagées sur les réseaux sociaux, plus enclins à discuter avec les grévistes, qu'à maintenir l'ordre.
Le directeur de la sécurité publique, venu en personne diriger les opérations, a-t-il sous-estimé la situation ?
Comment a-t-il pu donner l'ordre d'exfiltrer deux cadres supérieurs, deux personnalités sensibles, dont la vie est menacée, au milieu d'une foule de manifestants hostiles, sans casque et sans gilet ?

Au final, Gérard Cotellon a été lourdement frappé à la tête et au dos ; Cédric Zolezzi s'est vu déchirer ses vêtements.

Pourquoi n'a t-on pas fait intervenir le RAID (Recherche assistance intervention dissuasion), ou le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale ?
Le préfet était-il informé de la gravité de la situation, au moment de l'exfiltration ?

Il y des réponses et des explications qui doivent être données, sur ce qui s'apparente aujourd'hui, à un dysfonctionnement de la chaine de commandement.

Mais la police nationale, que nous avons contactée, se refuse à tout commentaire, pour le moment.

A l'issue de sa conférence de presse, mercredi, le préfet Alexandre Rochatte a annoncé ne pas être contre une sanctuarisation du CHUG :

Alexandre Rochatte, préfet ©Priscilla Romain et Christian Danquin - Guadeloupe La 1ère


Réactions mitigées, au sein de l'hôpital

Nous sommes allés prendre le pouls de l'hôpital universitaire, au surlendemain des évènements de mardi.

Chez les usagers (visiteurs, patients et personnels) du site, c'est la stupeur qui prédomine, alors que l'agression des dirigeants occupe les esprits. 

Nous en parlons beaucoup, entre collègues. Et nous sommes choqués de l'attitude de certains, envers notre directeur, puisqu'il reste humain, malgré ses responsabilités. Oui, ça fait quelque-chose de voir cette agression, au sein même de notre institution.

 

Moi, je trouve ça déplorable. Mais je l'ai senti venir, quand même. Parce que je pense que certains ont peut-être eu un trop-plein.

 

On ne peut pas rester trois mois sans paie. C'est pour ça que c'est arrivé à un tel point. Vous n'allez pas trouver ici 10% de gens qui sont pour la vaccination. Mais 95% effectivement se sont faits vacciner, par nécessité, pour payer leur maison, pour faire vivre leur famille !

Trois usagers du CHU de la Guadeloupe

Le professeur Pascal Blanchet était l'invité du journal de 19h30 de Guadeloupe La 1ère, hier (mercredi 5 janvier).
En plus de dire son indignation, le président de la Commission médicale d'établissement du CHU de la Guadeloupe est revenu sur l'impact de tels évènements, particulièrement dans le contexte de cinquième vague d'épidémie de Covid-19, même si l'expérience de la quatrième vague est utile, pour l'organisation des services.
Par ailleurs, il a dit son incompréhension, quant au manque de protection du site.

On ne peut plus travailler dans ces conditions. Il nous faut la paix, l'arrêt de la violence et protéger le CHU.

Pascal Blanchet, président de la Commission médicale d'établissement du CHUG

Pascal Blanchet, président de la CME-CHUG, interviewé par Christelle Théophile ©Guadeloupe La 1ère


Rassemblement citoyen contre la violence

Par ailleurs, l'escalade de la violence, dans le contexte de crise sociale et de contestation de l'obligation vaccinale et du pass sanitaire, a motivé un groupe de citoyens à faire entendre leur voix.

Un "appel solennel", synonyme d'appel au calme, a été lancé, par des signataires qui se réclament de la société civile. Pour eux, les violences du début de semaine sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Donc ils disent non, parce qu'ils veulent éviter le "suicide collectif" et prône l'apaisement.

Ils sont 83 premiers signataires, qui couvrent une grande partie des secteurs d’activités de la Guadeloupe : il y a des enseignants, des architectes, des personnes des médias, des médecins, des chercheurs, des artistes, des chefs d'entreprises, des syndicalistes, etc.
Tous disent respecter le droit constitutionnel de grève, mais ils disent non "à l’hystérie" et à la "haine".

Ils craignent que la situation actuelle conduise à l’irréparable. Il faut donc retrouver la raison, affirme-t-ils. 
Un grand rassemblement pacifique est prévu, samedi 8 janvier, au Mémorial Acte, à Pointe-à-Pitre, à partir de 10h.

A LIRE/ L'appel solennel des membres de la société civile

Ce n’est pas la première fois que des "citoyens" veulent s’insurger contre la mobilisation du collectif. Rappelons ce rassemblement, devant la sous-préfecture, en novembre dernier, lancée par l’association "cohésions sociale et libertés Républicaines", d’Amédée Adélaïde.
Cette fois, rien à voir : la stratégie a d’abord commencé par une pétition en ligne suite aux violences au CHU". 

L'UTS-UGTG se défend

L’UTS-UGTG, qui mène la grève contre l'obligation vaccinale au sein du CHU, depuis le mois de septembre, réagit aussi.
Dans un communiqué, il estime que "le bourreau tente de se faire passer pour une victime".
L’Union des travailleurs de la santé, par la voix du Gaby Clavier, secrétaire général du syndicat au sein du CHUG, affirme que ce sont toutes les actions préalables, contre l’hôpital public et l’obligation vaccinale des soignants, refusée par une partie des personnels, qui est à l’origine de la situation actuelle, tendue, au CHU de la Guadeloupe, mais aussi dans les autres établissements hospitalier de l’archipel.

Gaby Clavier, secrétaire général de l'UTS-UGTG-CHUG ©Lise Dolmare et Rodrigue Lami - Guadeloupe La 1ère