Se rendre à l'école : le chemin de croix des enfants handicapés

Chaque jour, des centaines de jeunes Guadeloupéens dépendent des transports scolaires pour se rendre dans leurs établissements. Pour d'autres les choses sont plus compliquées. Les parents d'enfants souffrant de handicap, vivent une véritable galère. Témoignage. 
Chaque soir, Sonia* est rivée à son téléphone. Elle sait qu'il y a des chances pour que le lycée de son fils l'appelle pour lui signaler qu'il est encore dans l'enceinte de l'école, alors que les cours sont finis. Kévin* est un adolescent qui souffre d'un léger retard mental. C'est aussi un enfant qui a montré des signes d'instabilité, même si, ces derniers temps, il va mieux. Il est suivi par la Maison Départementale des Personnes Handicapées.

En général, Kévin boucle ses cours à 14H30. Le problème, c'est que son transport n'est pas disponible avant 16h30, voire 17h20. Du coup, l'adolescent traîne dans les environs du lycée, sans surveillance, en essayant, comme il peut, de tuer le temps.

Cette longue attente, il la droit aux lois du marché. Ses horaires étant adaptées, le transporter seul, pour les professionnels, n'est pas rentable. Il est alors obligé de se plier aux horaires des autres enfants pris en charge par l'entreprise. "S'il commence à 10h, il est obligé de se réveiller à 5h du matin pour attraper le même transport que les autres. Et c'est pareil l'après-midi" explique sa mère dépitée. Une situation que Sonia a déjà fait remonter à la MDPH. À la rentrée de septembre 2020, elle a tenté d'anticiper ce problème et de trouver un transporteur plus conciliant... sans succès.
 

Une prise en otage

Chaque jour, Sonia cherche des solutions pour tenter de ne plus être tributaire des transporteurs. "Je sais qu'il y a d'autres parents qui sont dans la même galère que moi, j'ai tenté de nous rassembler, mais il y a toujours le soucis des distances entre les établissements. J'ai été voir du côté des ambulances, mais elles ne sont pas disponibles pour le transport scolaire. J'ai réussi à avoir un accord avec un autre société d'ambulance, mais pas pour un seul enfant. Du coup, j'ai du revenir dans le giron de la MDPH"  Elle y trouvera l'oreille attentive d'une responsable qui réussira à lui trouver un nouveau transporteur. Mais très vite, les mêmes dérives ont repris. "On m'a appelé deux fois pour me dire que mon fils était une nouvelle fois seul dans les abords du lycée."

Cette situation est d'autant plus frustrante que Sonia n'a pas de véhicule personnel. Elle ne travaille plus et ironie, un transporteur lui a proposé de l'embaucher au poste de conductrice pour que son fils soit chez elle en temps et en heure. Elle a envisagé d'accepter avant de constater que la proposition ne menait à rien. Mais comment comprendre ce problème de rentabilité, quand, pour ce type de mission, les ambulances sont payées plus cher ?
 

Quelle responsabilité ?

Outre l'inquiétude et le stress que cette situation génère chez Sonia et son fils. Il y a une vraie question de responsabilité qui se pose. En cas de problème, la justice se tournera à la fois vers le lycée, le transporteur et la MDPH. "S'il se fait agresser ou pire qu'il a une crise et qu'il lui arrive quelque chose, rien ne me rendra mon enfant." 

Jamais tranquille, Sonia est nostalgique de l'époque du temps partagé à l'IME qui permettait à son fils plus d'autonomie. "Il pouvait prendre le bus et je n'avais que deux kilomètres à faire pour aller le chercher" se souvient-elle. A cette époque, elle travaillait encore. Aujourd'hui, Sonia est sur le sentier de guerre. Ses bonnes relations avec l'établissement lui permettent de localiser son fils à la fin des cours. Ensuite, elle reste au téléphone avec lui, une grande partie de son attente. 

Une chose est sûre, elle n'est pas le seul parent à souffrir de cette situation. Il y a dix jours, une élève de Goyave est resté jusqu'à 19heures aux abords de l'établissement. Les responsables pédagogiques ont contacté la police et la gendarmerie qui ont refusé de prendre l'enfant en charge. C'est un enseignant qui a été appelé pour déposer l'élève au domicile de sa famille.

*Les noms ont été changés.