On tombe des nues en ouvrant le dossier de l'assainissement des eaux usées chez nous. La plupart des stations d'épuration sont non-opérationnelles. Moins de la moitié de la population est raccordée. Les poursuites par la police administrative se multiplient. Un scandale sanitaire et environnemental
Les fondamentaux
L'assainissement a pour objet la collecte, le traitement et l'évacuation des eaux usées. Il peut être collectif, ou non.
En cas d'impossibilité de raccordement à un réseau, les habitations doivent en effet disposer d’un système d’assainissement non collectif ; 56% de la population guadeloupéenne est soumises à cette obligation.
Cette étape clé vise à protéger la santé, la salubrité publique et l'environnement, contre les risques liés aux rejets des eaux souillées, notamment domestiques.
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont responsables de ce service public. Il leur incombe, donc, pour l'assainissement collectif, d’engager les actions et projets nécessaires afin d’assurer le contrôle des raccordements au réseau public, la collecte, le transport et l’épuration des eaux usées, ainsi que l’élimination des boues produites. Par ailleurs, dans les zones non raccordées au réseau collectif, les Communautés de communes et Communautés d'agglomération doivent contrôler la conformité des installations privées.
La directive européenne du 21 mai 1991 dite "eaux résiduaires urbaines" (ERU) a fixé des prescriptions minimales, pour l’assainissement collectif des eaux usées domestiques.
Mais, en Guadeloupe, nulle réglementation n'est respectée, en la matière. Les milieux naturels paient un lourd tribut à l'absence de conformité des installations.
Déplorable réalité
Il n'est pas rare que des scandales barrent la Une de l'actualité. Les riverains, ici et là, se plaignent régulièrement d'odeurs nauséabondes, qui émanent de tuyaux d'évacuation des eaux usées et incommodent. Des émanations olfactives qui vont de pair avec des nuisances qui impactent tant les personnes, que la nature. Quelques exemples ont été abordés, dans nos articles
Une scandaleuse réalité confirmée par la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (La DEAL). Dans une publication datée du 3 novembre 2020, elle signale que les systèmes de collecte des eaux usées étaient tous classés non-conformes, en 2018, à l'exception de l'agglomération de Morne-à-l'Eau... faute d'auto surveillance des réseaux.
Constat alarmant aussi pour ce qui est des systèmes de traitement.
Sur les 8 stations de grande capacité, 2 sont conformes (Le Moule et Saint-François) et 6 non conformes (Sainte-Anne, Le Gosier, Trioncelle/Baie-Mahault, Pointe-à-Pitre/Baie-Mahault, Capesterre-Belle-Eau et Baillif).
Sur les 9 stations de moyenne capacité, 3 sont conformes (Lamentin, Morne à l’Eau, Trois-Rivières) et 6 sont non conformes (Goyave, Saint-Louis/Grand Bourg de Marie Galante, Bouillante, Petit-Bourg, Sainte-Rose et Port-Louis).
Noter que 8 de ces systèmes de traitement sont sous le coup d’une procédure de police administrative (arrêté de mise en demeure ou de consignation) visant leur mise en conformité (Capesterre-Belle-Eau, Port-Louis, Baie-Mahault, Petit Bourg, Trois-Rivières, Grand Bourg, Bouillante et Sainte-Rose).
La faute aux ouvrages de traitement hors-service ou vétustes, aux incidents ponctuels, à l'exploitation défaillante, ou encore à l'absence de vérification.
Des obligations auxquelles la grande majorité des EPCI ne peuvent faire face, financièrement, à en croire les rapports successifs produits par la chambre régionale des comptes.
Indignation des usagers de l'eau
C'est un champ de mine ! Chaque fosse septique, en Guadeloupe, est une mine ! Chaque station d'épuration est une bombe à retardement !
Jacques Davila, le secrétaire général du Comité de l'eau et de l'environnement, était l'invité de "La Grande Interview", dans les matinales de Guadeloupe La 1ère, la radio, ce lundi 18 janvier 2021.
Interviewé par Olivier Lancien, il a crié son indignation, notamment face à l'ampleur de la calamité. Jacques Davila espère des sanctions, en attendant que les responsables locaux prennent leurs responsabilités.
Jacques Davila : "C'est un scandale inacceptable"