Dès l'ouverture du procès, la présidente procède à l’appel des 7 témoins cités par la défense. Ils sont tous présents.
En liminaire, le procureur soulève un problème de procédure relatif à un soi-transmis. Les avocats de la défense soulèvent des questions de nullité. La partie civile s’en remet à la sagesse du tribunal. La présidente suspend l’audience.
A la reprise de l’audience, le procureur explique avoir transmis la veille au soir des pièces importantes aux parties, dont la plainte d’Elie Domota pour violences à son encontre par autorités publiques le 30 décembre aux Abymes. Il y a donc effet miroir et connexité.
Pour le procureur, la plainte a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire sous l’autorité d’un juge d’instruction. Donc, on ne peut retenir l’affaire aujourd’hui. De plus, le tribunal n’est pas correctement saisi.
De son côté, Me Lanthiez, avocat des parties civiles, abonde dans le sens du procureur. La présidente propose une suspension d’audience à la défense. Suspension.
Dès la reprise de l’audience, Me Sarah Aristide s’étonne « du soutien soudain du procureur à Mr Domota. Le Parquet a peur, le Parquet est aux abois. Le dossier est vide ». Me Aristide poursuit :
« Grace à vous, Mr. le procureur, nous n’avons rien à consigner, rien à payer. C’est gratuit. Nous saurons nous en souvenir pour de prochaines affaires »
Et Me Aristide de conclure à la relaxe de son client.
A son tour, Me Gelabale, avocat de la défense dustige le Parquet en indiquant :
« le Parquet doit assumer le fait d’avoir monter ce dossier de toutes pièces. Mais l’issue devant un tribunal diligent et compétent, c’est la relaxe »
Me Germany, bâtonnier de la Martinique et avocat de la défense, demande au tribunal de rejeter le moyen soulevé oralement par le Parquet au motif qu’il ne vise aucun texte. Puis il soulève le moyen de la nullité sur l’interpellation. Interpellation qui « a soulevé l’indignation du monde entier ».
Me Germany soulève également la nullité de la garde à vue :
« Il y a une petite triche de 15 minutes sur les horaires pour avis à magistrat et avis à avocat. La garde à vue doit être annulée »
C'est ensuite au tour de Me Lanthiez pour les parties civiles, de rappeler que la manifestation du 30 décembre n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable.
Le Procureur demande alors le rejet de la nullité de l’interpellation et produit le procès-verbal afférent du 30 décembre 2021. Ce qui conduit au rejet de la nullité de la garde à vue. Une nouvelle suspension d’audience a lieu.
A la reprise de l’audience le tribunal décide de retenir l’affaire et de la juger au fond. Au lieu de résumer le dossier, à la surprise de l'auditoire, la présidente décide de lire les pièces
Le 30 décembre 2021, il est décidé de mettre en place un barrage au rond point Mandela aux Abymes afin de barrer aux manifestants l’accès au centre commercial Milenis et à l’aéroport Pôle Caraïbes.
Les manifestants viennent au contact des gendarmes mobiles, certains portant des barrières. Les gendarmes font usage de lacrymogènes et subissent un jet nourri de projectiles divers. 50 manifestants réussissent à traverser la ligne. Ils sont repoussés
Elie Domota a lui réussi à passer. Il est amené au sol par un gendarme puis menotté. Durant sa garde à vue, Elie Domota indique avoir été entièrement aspergé de gaz lacrymogène et avoir découvert être poursuivi pour rébellion. Charge non retenue.
Audition d'Elie Domota
Interrogé ensuite par la présidente, Elie Domota répond en créole qu’il n’a rien à ajouter. La présidente indique que ces réponses en créole ne pourront être retenues par la greffière. Incident dans la salle. Une personne qui « ricane » selon la présidente est expulsée.
Interrogé par Me Daninthe en créole, Elie Domota répond qu’il ne comprend pas pourquoi les forces de l’ordre ont décidé de les gazer ce jour-là, alors que les relations étaient correctes jusqu’à cette date.
Elie Domota refait l’historique du collectif et des négociations avec l’Etat et les collectivités majeures et les parlementaires et déplore que l’usage du créole ne soit pas autorisé dans le tribunal.
Interrogé par Me Chevry sur les conditions de son interpellation, Elie Domota indique qu’il ne voyait pas grand chose après avoir été aspergé de lacrymogènes.
« Je ne voyais que des ombres. Les menottes étaient trop serrées »
La présidente demande le visionnage des deux vidéos fournies par la défense ( diffusées sur les réseaux sociaux). La première d’une durée d’une minute environ montre l’interpellation d’Elie Domota. La seconde montre la meme scène sous un angle différent.
Audition des témoins
Le premier des sept témoins de la défense intervient à la barre. L’homme, la soixantaine, métro, se présente comme le secrétaire du comité contre la répression et intervient en tant que témoin de moralité.
Quant au troisième témoin, il évoque Charles Henri Salin, son frère âgé de 21 ans tué par un gendarme en 1985 à Pointe-à-Pitre. Ce dernier a été acquitté lors du procès plus tard à Paris.
Pour sa part, le quatrième témoin, lui aussi un témoin de moralité, évoque 5 autres affaires dans lesquelles des Guadeloupéens ont été tués par les forces de l’ordre. Il cite particulièrement le cas de Claude Jean Pierre, arrêté à Deshaies le 21.11.20 par des gendarmes. Et de fait, le procès d’Elie Domota devient celui des Forces de l'ordre.
À noter d'ailleurs qu'aucun n’était présent au moment des faits qui valent à Elie Domota de se retrouver devant la justice ce jeudi.
Le cinquième témoin cité n'est autre que Raymond Gama. Lui non plus n’a pas assisté aux faits, mais il se déclare bouleversé par ce qui est reproché à Elie Domota. Historien, Raymond Gama, revient lui sur les événements de 1967.
Et pour marquer le débat, Me Gélabale va jusqu'à définir Elie Domota comme le "Nègre Marron national"
L'examen de l'affaire se poursuivra le 19 mai prochain. Les deux derniers témoins cités par la défense seront entendus ce jour-là.
Au même moment, à l'extérieur du Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pître, les soutiens d'Elie Domota restent mobilisés.