Le nom originel de la Guadeloupe est Karukéra, soit "l’île aux belles eaux " selon les Amérindiens qui habitaient le territoire autrefois. Mais la qualité des eaux de baignade (eaux de mer et eaux douces confondues) fait mentir cette appellation ; elle continue de se dégrader.
Un séminaire sur la qualité des eaux côtières de Guadeloupe
L’Agence régionale de santé (ARS) a présenté, hier (mardi 14 novembre 2023), son bilan 2022 sur cette question. Il s’agit pour elle de classer 87 sites en eaux de mer et une quinzaine en eau douce, de "excellent" à "zone interdite". Dans ce document, deux chiffres interpellent : l’archipel est passé de 84 sites de baignade classés "excellents" en 2012, à 67 en 2022 ; par ailleurs de 2 sites classés en qualité "insuffisante", on est désormais à 11.
Ce bilan annuel a été présenté à l’occasion d’un séminaire sur les eaux côtières, dont les eaux de baignade.
Ce rendez-vous est une initiative de l’Office de l’eau. L’établissement public local à caractère administratif a ainsi rassemblé, dans un hôtel du Gosier, les acteurs du Parc National, des Affaires maritimes, du Grand Port Maritime, ou encore des chercheurs de l’Université des Antilles (UA). Tous ont présenté les résultats de leurs études et recherches.
C’est principalement sous l’effet des rejets non conformes, ou encore du dérèglement climatique, que la qualité des eaux côtières se dégrade, localement.
On a tous un intérêt à agir sur la préservation de la qualité de ces milieux, soit par des comportements individuels et collectifs, mais aussi par l’évolution de la réglementation. Parce que tout le monde se rend compte que le littoral est saturé par des activités multiples, par des rejets non conformes qui mettent en péril la qualité des milieux. Aujourd’hui, à l’Office de l’eau, on privilégie tous les sujets, tous les projets pour lesquels on trouve des solutions pour réduire ces rejets.
Dominique Laban, directeur l’Office de l’eau
Les pollutions liées aux rejets d’eaux usées non traitées, du fait d’un réseau d’assainissement déplorable, s’ajoutent aux autres pressions que nos activités font peser sur les milieux aquatiques, fragiles par nature.
Cette réalité n’est pas sans conséquences pour les écosystèmes marins, comme les coraux. 90% des récifs coralliens subissent actuellement un nouvel épisode de blanchiment, dû à la fois à la température anormalement élevé des eaux de surfaces, ainsi qu’à une nouvelle maladie qui les impactent depuis deux ans maintenant.
Il y a une pression constante anthropique, notamment climatique, sur les récifs coralliens. Et puis, il y a deux ou trois ans, est apparue une maladie corallienne nouvelle, qui a fait disparaître 30 à 40% des coraux des Antilles. Et, actuellement, on est en pleine période de réchauffement de la température de la mer qui, lorsqu’elle dépasse 29 degrés stresse les coraux. Ils blanchissent, rejettent les algues et cela provoque à terme une mortalité relativement importante.
Claude Bouchon, professeur honoraire de l’UA et biologistes marin spécialistes des coraux
Et ce constat n’est que parcellaire, puisqu'encore trop de communes n’ont pas mis à jour, ni même élaborer pour certaines, leur "profil de baignade" ; c’est pourtant une obligation imposée à ces collectivités depuis 2006.
L’importance des profils de baignade
Élaborer un profil de baignade consiste à faire un recensement de toutes les sources de pollution dans le bassin-versant, susceptibles d’avoir un impact sur la qualité des eaux de baignade et d’affecter la santé des baigneurs. Puis, il s’agit de voir ce qu’il y a lieu de faire pour y remédier.
Mais certaines communes sont réticentes à pointer du doigt leurs sites de baignades, atout attractif sur leur territoire.
Nous avons 29 sites qui sont valides, 41% qui sont révisés et le reste est à effectuer. On a donc un net retard sur les profils. L’année dernière, les villes du Moule et de Sainte-Anne ont révisé leurs profils et, cette année, on a les communes du Gosier et de Lamentin et le Parc national qui sont en train de les faire.
Marianne Pons, ingénieur d’étude sanitaire au service sécurité et santé de l’environnement de l’ARS
La commune du Gosier, par exemple, est l’une des stations balnéaires les plus prisées des touristes et des locaux. Depuis 2017, la municipalité se met à jour. À terme, elle a l’ambition de proposer un profil de baignade à jour, pour les sept sites répertoriés dans son périmètre.
Dans un premier temps, sur les sites déclarés, on veut être en conformité avec la réglementation, donc avoir nos profils à jour, régulièrement révisés, pas que sur les périodes régulières, mais également quand il y a une modification de l’activité autour des zones de baignade. Aujourd’hui, on s’appuie, de façon transversale, sur les services qui sont à proximité. Donc, c’est une surveillance autonome, quasiment quotidienne, de nos zones de baignade déclarées.
Cindy Valley, directrice de l’environnement de la ville du Gosier
Au Gosier, sept sites de baignade sont déclarés, plus un placé sous surveillance.
La commune a décidé de ne plus se cacher, dans la mesure où ses sites répertoriés sont parmi les plus fréquentés de l’archipel, comme la plage de la Datcha.
On a élaboré, en 2017 une première vague de profils, donc il y en a eu deux : Datcha et anse Dumont. En 2021, on a révisé cette première vague, élaboré le profil de l’anse Tabarin. Et, en 2023, on essaie de s’organiser pour mettre à jour tous nos profils sur les zones déclarées.
Cindy Valley, directrice de l’environnement de la ville du Gosier
Dans son dernier rapport, l’ARS classe quatre sites du Gosier en "excellent état", deux en "bonne qualité" et un en "qualité insuffisante" ; ce dernier est l’anse Tabarin.
À l’échelle du territoire, cinq sites sont interdits à la baignade, pour cause de pollutions permanentes ou récurrentes : Viard à Petit Bourg, l’Anse à Sable à Bouillante, Petite Anse à Vieux-Habitants, Les Basses à Grande-Bourg de Marie-Galante et le site en eau douce de Petit Pérou à Capesterre-Belle-Eau.