Les détenus meurtriers de Matthieu Carty condamnés à des peines de 20 à 23 de prison

Les sept détenus de la cellule 84 de Baie- Mahaut ont été condamnés, par la Cour d’Assises de Basse-Terre, à des peines très lourdes, pour avoir tué Matthieu Carty : de 20 ans à 23 ans de prison. Certains d'entre eux comptent faire appel.

Après huit journées de procès, le verdict est tombé, hier, mercredi 28 avril 2021, dans le procès pour meurtre de Matthieu Carty, qui avait 21 ans.
Les sept co-détenus du jeune homme, au centre pénitentiaire de Fonds Sarail, à Baie-Mahault, ont été reconnus coupables, par la cour d'Assises de Basse-Terre, d'avoir tué la victime, "par des coups et des actes de tortures, sans intention de donner la mort".
Ils écopent de peines très lourdes, similaires à celles demandées par l'avocat général : de 20 ans à 23 ans de prison.
Ce dont se satisfait Maître Roland Ezelin, avocat de la famille de Matthieu Carty : 

Me Roland Ezelin : "La société guadeloupéenne est victorieuse, parce qu'elle a su dire qu'à aucun moment on n'a le droit d'atteindre à la dignité de l'homme".

Les avocats de la famille Carty ont demandé 835.000 euros de dommages et intérêts. La cour leur a accordé un peu plus de 150.000 euros.

Certains condamnés feront appel

Abrin Christian, Benjamin Thaice, Matthew Clifford, Flanders Horace, Lumen David, Blaise Emmanuel et Baker Delbert : ce sont les noms des bourreaux de Matthieu Carty.
Les détenus de la cellule 84 de la prison de Fonds Sarail, à Baie-Mahault, sont ceux qui ont torturé à mort, dans la nuit du 14 au 15 juillet 2016, le violeur et tueur présumé de Wendy Montulet, 22 ans, le 9 juillet 2016, alors qu'elle était en vacances en famille, à Saint-Martin.

"Présumé", parce que Matthieu Carty, même s'il est passé aux aveux, n'a pas eu le temps d'être jugé, pour les faits qui lui avaient valu d'être incarcéré, dans l'attente de son procès.
C'est sans doute le plus grand tort des 7 détenus : ils n'ont pas laissé la justice suivre son court dans l'affaire "Montulet" et ont privé la famille de la jeune touriste Belge du droit d'en savoir plus sur son assassinat. 

Les sept co-accusés de cette semaine n'étaient pas des enfants de coeur : ils étaient incarcérés diversement pour des faits de viol, de délinquance, de vol, de trafic de drogue. Avant Matthieu Carty, aucun n'avait été poursuivi pour avoir tué.
C'est pourquoi les avocats de la défense jugent trop sévères les vingtaines d'années de prison infligées, hier. Certains ont déjà évoqué leur intention de faire appel du jugement de la cour d'Assises de Basse-Terre. Ils ont dix jours pour le faire. Un nouveau procès pourrait donc avoir lieu, dans un an.

Maître Annick Martial, avocate de Flanders Horace, considère que les co-accusés ont été les petites mains d'une organisation qui les a dépassés. Elle fera appel :

Me Annick Martial : « A travers ce verdict, je ne suis pas sûre qu’on ait rendu justice à Wendy Montulet ».

Des voix s'élèvent pour affirmer qu'il y a encore des non-dits, dans le jugement, notamment au sujet de la responsabilité de l'administration pénitentiaire. Le rôle des surveillants qui incitent les détenus à frapper Carty, selon leurs dires, est-il réel ? Le rapport accablant de l'inspection générale n'a même pas été présenté.
Autre fait éludé par la cour : avant d'être torturé dans la cellule 84, Matthieu Carty l'a d'abord été, durant la journée du 14 juillet, dans la cellule 21, par d'autres prisonniers ; aucun de ceux-là n'a comparu.

Pour Maitres Catherine Villova et Lorenza Bourjac, justice n'a pas été rendue :

Me Catherine Villova / Me Lorenza Bourjac : "La peine est trop lourde à supporter qu’on a compris les circonstances des faits"

Le procès qui vient de s'achever offre peut-être l'opportunité à notre société, aux élus et aux autorités étatiques de s'interroger sur la fabrique de fauves que sont devenues les prisons françaises, dont celle surpeuplée et inhumaine de Baie-Mahault. Ce lieu a transformé des délinquants en assassins et a éliminé un possible meurtrier, dans des conditions atroces.

Les surveillants n'auraient rien vus, rien entendu

Les sévices subis par Matthieu Carty, la nuit de sa mort, ont provoqué ses hurlements. Le jeune adulte a été longuement battu et torturé. Une quinzaine de vidéos en témoigne, puisque la scène a été filmée, avec trois téléphones portables, par les bourreaux eux-mêmes, qui s'en prennent à sept à un homme seul, dans leur espace clos commun.
Matthieu Carty a été avalé par la cellule 84, comme une proie.

La partie civile et le Parquet ont utilisé le mot "barbarie", pour qualifier ce qu'il a subi : sauts à pied joints sur la tête, coups sur l'ensemble du corps, y compris sur les testicules, viol à l'aide d'une béquille et d'une brosse à dent notamment, etc.

Les gardiens pénitentiaires, pourtant, ont joué aux trois petits singes : ils n'ont rien vu, rien entendu, rien à dire, ont-ils affirmé à la barre. Et puis c'est tout.

Mais il faut savoir que la description du crime de Matthieu Carty venait d'être faite, au journal télévisé. Tout le monde, au centre pénitentiaire, savait qui il était et pourquoi il était là. 
Pourquoi n'a-t-il donc pas été isolé ? Pourquoi a-t-il été livré à une meute vengeresse ? La réponse satisfaisante reste attendue.

Le contexte est celui d'une prison surpeuplée et invivable, où la violence est permanente.
Au total, ils sont 800 détenus, pour 300 places, dans ce centre pénitentiaire. 15 agressions graves y sont à déplorer chaque jour.
Les hommes de la cellule 84 étaient incarcérés à huit dans 30 m2, soit 3,75 m2 par personnes, douche et toilette comprises, 22 heures par jour.

Le calvaire de Wendy, longuement évoqué par les avocats de la défense 

Comme si défendre les bourreaux de Matthieu Carty revenait à défendre sa victime présumée, les avocats des sept détenus ont tous rappelé le calvaire vécu par la jeune femme, avant d'être sauvagement tuée.
Le rapport d'autopsie du corps de Wendy Montulet démontre que la touriste belge a été agressée sexuellement et a reçu une quinzaine de coups, sur la face avant du corps. Des coups portés vraisemblablement avec un morceau de verre.

Ce rapport a été lu devant la cour d'Assises. Les photos de son corps ont été montrées. Cela, dans le but d'expliquer que les détenus de la cellule 84, tous des Saint-Martinois qui ont des soeurs, des fiancées et des mamans, à Saint-Martin, sont des hommes choqués, par les actes du nouveau venu, à leur côté.

Ces hommes ont donc voulu punir Matthieu Carty, ont concédé certains de leurs avocats, mais pas par des gestes de barbarie, a-t-il été dit.

Leur crime est à la hauteur du sien, pensent certains... mais pas la justice.