A Sainte-Anne, la plage du bourg, très appréciée par les familles guadeloupéennes comme par les touristes, se retrouve au cœur d’un bras de fer juridico-administratif sur fond de conflit d’usage.
D’un côté, un commerçant qui veut faire du bizness et de l’autre, la municipalité qui cherche à sauver ce qui peut encore l’être.
Le fait est qu'en 75 ans, le trait de côte, sur ce littoral, a reculé de près de 150 mètres.
Une zone naturelle à protéger
"Une atteinte grave à l’environnement".
C’est en ces termes que le maire de Sainte-Anne, Christian Baptiste, a dénoncé, le mois dernier, la construction, par des marchands ambulants, de plots en béton profondément enfoncés dans le sable de la plage du bourg. Chacun, de près de 70 centimètres de diamètre, est enfoncé dans le sable sur un mètre environ de profondeur.
Les commerçants en question s’estiment dans leur bon droit, car ils louent cet emplacement, à un propriétaire.
Il faut savoir que deux familles saintannaises se sont vues octroyer ces parcelles, au moment de la construction de la route littorale, il y a déjà plusieurs dizaines d’années, en compensation pour les terrains préemptés.
Des parcelles qu’elles louent, depuis, aux commerçants ambulants et aux restaurateurs... les uns et les autres se pensent libres de disposer, comme ils l’entendent, d’une propriété privée.
Sauf que ce site est particulier.
En effet, la plage du bourg est classée en zone naturelle, dans le Schéma d’aménagement régional (SAR) et dans le Plan local d’urbanisme (PLU) ; ce dernier document sera prochainement adopté par la ville.
Le littoral du bourg est également inscrit dans les espaces à protéger du Schéma de mise en valeur de la mer et figure en zone rouge de forts aléas, dans le Plan de prévention des risques naturels (PPRN).
En conséquence, aucune construction ou modification permanente n’y est aujourd’hui autorisée.
Le maire a saisi la justice et les autorités.
Face à ces infractions avérées, la ville de Sainte-Anne se constitue partie civile et une plainte est déposée, pour atteinte à l’environnement, avec une mise en demeure de remettre la plage dans son état initial, pour les contrevenants.
Par ailleurs, un signalement est effectué à la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), à l’Office national des forêts (ONF) et à l’Office français de la biodiversité (OFB).
Une urgence environnementale
Ce qui se joue, dans cette affaire, ce n’est pas qu’une simple infraction au code de l’environnement, mais c'est une question de préservation des espaces naturels, qui donne lieu à des conflits d’usage, dans cette zone si sensible du littoral.
Il y a donc urgence à agir, selon la municipalité, qui constate que si rien n’est fait, d’ici 10 ans et après quelques fortes houles, la plage du bourg aura totalement disparu. Des experts et des études l'attestent.
Sur cette partie du littoral, qui n’est pourtant pas la plus exposée, le recul du trait de côte est en effet dramatiquement spectaculaire : 150 mètres, depuis le milieu du siècle dernier.
Et le phénomène s’accélère et s’amplifie, avec l’intensification du dérèglement climatique.
La menace est donc sérieuse, pour la ville, de plus en plus exposée aux phénomènes d’inondation et de submersion.
Pour rappel aussi, la plage du bourg, mais pas seulement, est un poumon économique et touristique à préserver.
La municipalité, dans un plan global qui concerne le littoral, depuis les Galbas jusqu’au Helleux, en passant par Bois Jolan poursuit un double objectif.
Il s'agit de favoriser le réensablement et la revégétalisation des plages, en replantant des espèces locales adaptées, afin de lutter contre l’érosion et de reconstituer des espaces naturels préservés.
Et limiter l’impact écologique des activités humaines, en réaménageant et en rénovant ces sites, pour encadrer plus strictement les activités commerciales.
Valérie Hugues est l'élue déléguée en charge de l’aménagement du littoral.
Valérie Hugues : "Outre le changement climatique, l'érosion est aussi due aux activités humaines".