Bodan, jeune Haïtien installé depuis 13 ans en Guadeloupe, menacé d’expulsion

La sous-préfecture de Pointe-à-Pitre accueille le "pôle départemental d'immigration et d'intégration".
Le moment est-il indiqué pour reconduire à la frontière des personnes originaires d’Haïti ? Non, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, au regard de la crise sécuritaire et politique, source d’un total chaos dans le pays d’Hispaniola. Pour autant, ces procédures ne semblent pas stoppées, depuis la Guadeloupe. Zoom sur le cas d’un jeune homme parti du pays il y a 13 ans, à l’âge de 9 ans.

Bodan est un jeune Haïtien qui vit en Guadeloupe depuis l’âge de 9 ans. Aujourd’hui, après 13 années passées dans l’archipel, il est menacé d’une mesure de reconduite à la frontière, en ces temps où l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés demande de ne plus renvoyer les immigrés clandestins Haïtiens dans leur pays d’origine, en raison du contexte de violence et de misère, sur place.

En effet, des milliers d'Haïtiens se sauvent actuellement de l'île d'Hispaniola, alors que leur territoire national est en proie à la plus totale déliquescence. La guerre des gangs armés, les violences que ceux-ci commettent, la corruption politique, le Choléra, ou encore la faim, font de la première République Noire, un des pays les plus dangereux au monde, depuis plusieurs mois.

Mais la demande du HCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) n'a pas été entendue par l'administration française, localement ; celle-ci persiste, en effet, à délivrer des demandes de quitter le territoire, y compris à de jeunes, comme Bodan, dont la mère est en situation régulière en France, de même que sa sœur, née en Guadeloupe.

Son avocat défend actuellement son dossier devant le tribunal administratif. Pour lui, on ne peut pas demander à un jeune de retourner dans un pays en proie à une crise plurielle sans égal, après tant d’années d’éloignement.

Bodan vit avec sa mère ici. Ça fait 13 ans qu’il vit ici. Il a eu son Bac avec mention "assez bien". Lui, tout ce qu’il demande, c’est de pouvoir être régularisé et la loi lui permet d’être régularisé. Haïti, aujourd’hui, ce n’est plus un Etat. C’est le règne des gangs, c’est une insécurité totale, on ne peut plus rien y faire... Alors quand un enfant l’a quitté à l’âge de 9 ans et que, 13 années après, on lui demande d’y retourner, sans père, ni mère, ni aucune autre attache, je me demande bien dans quelles conditions il pourrait y vivre. C’est certainement lui dire tout simplement d’aller se suicider.

Maître Babacar Diallo, avocat de Bodan, jeune Haïtien menacé d’expulsion (ITW : Ronan Ponnet)

L’avocat estime que le cas du jeune Bodan mérite une attention particulière, de la part des autorités françaises.

La loi française est exceptionnelle, en matière de respect des droits des d’étrangers. Ce qu’il faut, maintenant, c’est que, dans les administrations, la loi soit appliquée, que les dossiers de demande de régularisation soient étudiés au cas-par-cas, qu’ils ne soient pas systématiquement dérogés, sans qu’on se donne la peine d’étudier au fond la situation de la personne.  

Maître Babacar Diallo, avocat de Bodan, jeune Haïtien menacé d’expulsion (ITW : Ronan Ponnet) 

Le défenseur de Bodan pointe aussi du doigt la complexité des procédures, au service de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, en charge de l’accueil des personnes étrangères. Obtenir un rendez-vous n’est pas aisé et, après le dépôt de demande de régularisation, cela peut encore prendre des mois pour obtenir un titre de séjour... quand la réponse ne se résume pas à un refus.

Même en cas de recours devant le tribunal administratif, si celui-ci n’est pas suspensif, à tout moment les personnes peuvent être interpellées et être reconduites à la frontière. C’est le cas du jeune Bodan.