Coronavirus et aides de l'Etat : employés et employeurs ne sont pas logés à la même enseigne

Dispositif de chômage partiel élargi et déblocage d'un fonds de solidarité ; les promesses du Gouvernement étaient belles, le 16 mars, pour empêcher l'effondrement du monde économique, durant la crise du coronavirus. Mais en Guadeloupe, où les TPE sont majoritaires, les options sont bien maigres.
"Aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite" a affirmé Emmanuel MACRON, dans son allocution adressée aux Français, le 16 mars 2020.
Dans le même discours, le Chef de l'Etat annonçait une série de mesures économiques "immédiates et concrètes", pour venir en aide aux entreprises, pour lesquelles le risque de faillite est une réalité. Un soutien qui doit prendre la forme d'une garantie des prêts bancaires, à hauteur de 300 milliards d'euros.
Pour les salariés, afin qu' "aucun Français ne soit laissé sans ressources", le dispositif de chômage partiel a été massivement élargi.

Maintenant que les demandes de chômage partiel affluent, certains constatent qu'ils n'y sont pas éligibles ; il y a des déconvenues.
 

La douche froide, côté employeurs

Je vais perdre ma société et je me retrouve sans revenu.

Ils sont plusieurs à tenir ce discours, en Guadeloupe, dont le tissu économique est majoritairement constitué de très petites entreprises (TPE).
Selon le témoignage d'un entrepreneur (qui a choisi de rester anonyme), les paroles sont belles, mais les options bien moins concrètes, dans les faits. Alors qu'il est salarié de la TPE qu'il a créée, il s'est vu refuser le chômage partiel. Voici ce qui lui a été indiqué :

Président de SAS* assimilé salarié, il n’y a pas de lien de subordination avec la société, donc vous ne pouvez pas prétendre à l’activité partielle.

*SAS : société par actions simplifiée.

Mais, par ailleurs, il a appris qu'il pouvait demander à bénéficier d'une aide dédiée aux indépendants, provenant du fonds de solidarité évoqué par le Président de la République. En tout et pour tout... 1 500 euros défiscalisés... s'il justifie une baisse conséquente de son chiffre d'affaire, par rapport à 2019, sur la même période.

A la question "pourquoi plafonner l’aide à 1 500 euros ?", le Gouvernement répond :

Le fonds a été paramétré de manière à soutenir un maximum d’entreprises et de commerce, en vue de couvrir leurs frais fixes, pour la période sur laquelle elles sont impactées. Pour rappel, l’aide mise en place par l’Etat ne se limite pas à ce seul fonds et de nombreuses mesures sont en place, telles que notamment l’indemnisation du chômage partiel des salariés, le report des échéances sociales et fiscales, ou encore la garantie des prêts de trésorerie.

Veuillez cliquer ici, pour consulter le document gouvernemental "CORONAVIRUS COVID-19 / Le fonds de solidarité : quelles démarches pour quelles entreprises ?".

Sauf que l'argent qui ne rentrera pas, durant la période de crise, sera définitivement perdu. Le report des échéances ne fait, donc, que retarder la difficulté de payer. Notre entrepreneur-témoin, qui travaille dans le secteur touristique, a déjà perdu 60% du chiffre d'affaire du mois de mars et il est fort à parier que 100% du CA d'avril n'entreront pas dans les caisses.
Les charges de crédits, de loyers, de factures de téléphone, d'électricité et d'eau sont, elles, incompressibles.
 

Une question, une réponse


Les revenus, pendant la crise, des chefs d'entreprise est l'objet d'une question posée par Willy de Capesterre-Belle-Eau, à Maître Jérôme NIBERON, avocat à la SCP Morton & associés et spécialiste du droit du travail : 

Les salariés protégés, y compris les employés à domicile


Maître Jérôme NIBERON, avocat à la SCP Morton & associés et spécialiste du droit du travail, tient à rappeler le caractère inédit de la crise du coronavirus. Selon lui, il est évident que employés et employeurs seront impactés par cette pandémie.

L'avantage est que le code du travail offre un certain nombre d'outils, qui assurent le maintien d'une partie des revenus des salariés et permet à l'employeur, lorsqu'il est confronté à des circonstances exceptionnelles de solliciter la prise ne charge, par l'Etat, à une certaine proportion, de la rémunération des salariés. C'est cela le chômage partiel.
Me Jérôme NIBERON

Le dispositif du chômage partiel existait bien avant le Covid-19. Il se justifie en cas de catastrophes naturelles par exemple, donc quand l'activité n'est plus possible, même s'il faut faire tourner le système. Il a été élargi à la crise du Covid-19, dans le décret du 25 mars 2020.

Ce décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, accélère les modalités de mise en place de l'activité partielle. Autre grande nouveauté : il va être aussi applicable aux salariés au forfait heure et aux gens de maison. C'est tout un pan de la population qui étaient exclus du dispositif auparavant.
Me Jérôme NIBERON

 
  • Comment ça marche ?
Selon les nouvelles dispositions, l'employeur verse au salarié une somme qui correspond à 100% de sa rémunération habituelle, dans la limite du SMIC et à environ 70% pour les paies supérieures au SMIC ; cela tout en dispensant l'employé d'exécuter son contrat de travail, qui est suspendu. Le chef d'entreprise pourra ensuite se faire indemniser, via une dotation versée par l'Etat.
 
  • Le terme "partiel", trompeur
"Absolument !", acquiesce Maître Jérôme NIBERON.

On dit activité partielle parce que, sur une durée annuelle du temps de travail, on va travailler moins longtemps.
Me Jérôme NIBERON

En réalité, l'activité partielle peut résulter de la fermeture totale de l'entreprise, ou de la fermeture partielle, si l'activité peut être adaptée aux circonstances.
En cas d'ouverture partielle, les salariés entreront dans le dispositif de chômage partiel, au prorata du temps non-travaillé.
 
  • Lorsque la fermeture a été imposée par le Gouvernement, ou non...
Dans l'arrêté du 15 mars 2020, le Gouvernement a ordonné la fermeture d'un certain nombre d'établissements accueillant du public. Pour eux, donc, il n'y a pas d'activité possible. Ils bénéficieront du dispositif de chômage partiel sans aucune difficulté.

En revanche, les autres entreprises, non visées par l'arrêté précité, ont pour obligation d'assurer la santé et la sécurité de leurs personnels, compte tenu de la pandémie, notamment en favorisant le confinement et le télétravail, tout en permettant la continuité de l'activité économique.
 

Gare à la précipitation des employeurs !

 
  • Les justifications pour bénéficier du chômage partiel
Selon Maître Jérôme NIBERON, beaucoup de demandes de chômage partiel vont, dans un premier temps, être rejetées.

Beaucoup d'employeurs se sont précipités pour solliciter le bénéfice du chômage partiel, souvent total, sans avoir mis en oeuvre, au préalable, les mesures qui leur auraient permis d'assurer la continuité de leur activité. Certains ont baissé le rideau, en pensant que tous les salariés seraient pris en charge, au titre du chômage partiel.
Me Jérôme NIBERON

L'administration doit vérifier un certain nombre de points :
- l'employeur avait-il la possibilité, ou pas, de mettre en place le télétravail ?
- subit-il vraiment des conséquences directes du confinement ? (absence de clients, fournisseurs non opérationnels...)
- l'activité aurait-elle pu être organisée différemment ?
- les employés ont-ils soldé leurs congés payés et leurs jours de récupérations ?

Après un refus et après avoir tout mis en ouevre pour répondre aux critères, une entreprise peut toujours renouveler sa demande de chômage partiel.
 
  • L'aide de l'Etat... cela se mérite !
Petit rappel de Me NIBERON, qui a toute son importance :

Le chômage partiel est une aide au titre de la solidarité nationale. L'Etat va être très regardant et très méticuleux. Premières questions qui vont être posées : "Etes-vous à jour de vos cotisations sociales ? de votre fiscalité ? du paiement de la TVA ?"
Me Jérôme NIBERON


A bon entendeur...