Exclusif. Entretien avec le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls

Manuel Valls, au ministère des Outre-mer, le 26 décembre 2024.
Reconstruction de Mayotte, crise en Nouvelle-Calédonie, vie chère... Trois jours après avoir pris ses fonctions, Manuel Valls s'explique sur ses priorités et sa méthode auprès d'Outre-mer la 1ère.

Le 23 décembre dernier, Manuel Valls devenait ministre des Outre-mer au sein du gouvernement Bayrou. L’ancien Premier ministre de François Hollande hérite d’un portefeuille difficile alors que les crises se multiplient dans les territoires ultramarins. Il a confié ses priorités dans un entretien exclusif accordé à Outre-mer la 1ère jeudi 26 décembre.

Entretien Manuel Valls ©Outre-mer la 1ère

Une visite à Mayotte dès ce week-end

Manuel Valls se rendra à Mayotte à partir du dimanche 29 décembre, en compagnie du Premier ministre, François Bayrou, et d’autres membres du gouvernement. L’objectif affiché est de "rencontrer les élus, les forces économiques et sociales, l’administration, la population" pour "continuer à répondre à l’urgence et entamer la reconstruction".

Je sais les attentes, la peur, les angoisses, la colère après ce désastre.

Manuel Valls, ministre des Outre-mer.

Si le Premier ministre doit repartir dès le lundi 30 décembre, Manuel Valls restera plus longtemps sur place. Il mènera notamment des consultations afin d'amender la loi spéciale sur Mayotte, "pour que ce texte soit le plus utile possible". La loi spéciale doit permettre de déroger à certaines règles (en matière d’urbanisme ou de recueil de dons par exemple) pour reconstruire au plus vite le territoire, ravagé par le cyclone Chido. Elle sera "normalement" présentée en conseil des ministres le 3 janvier.

"Il faut être maintenant dans ce processus de reconstruction. (…) Il faut utiliser ce drame en tirant les leçons du passé" même si "c'est difficile", estime l’ancien Premier ministre de François Hollande qui prévient : "Il faut éviter la démagogie: ce sera long et difficile".

Reconstruire l'économie, la priorité en Nouvelle-Calédonie 

Alors que la Nouvelle-Calédonie traverse depuis de longs mois une crise économique, sociale et politique, le nouveau ministre des Outre-mer place le redressement de l’économie du territoire au sommet de ses priorités. "La France n’a pas de budget, ce qui pose un certain nombre de problèmes par rapport aux engagements qui ont été pris il y a quelques semaines par Michel Barnier", note-t-il. Le précédent gouvernement s’était engagé à fournir des aides au territoire pour aider l’économie calédonienne, à genoux depuis les émeutes de mai dernier, à se relever.

Pour moi, c’est ça l’urgence : aider les collectivités, les entreprises, au redressement du territoire.

Manuel Valls, ministre des Outre-mer

Manuel Valls mise sur "le dialogue" pour sortir de la crise politique, alors que le gouvernement calédonien vient de tomber et que les discussions entre indépendantistes et non-indépendantistes sont au point mort depuis de nombreux mois. "Les évènements de ce printemps dernier ont rendu les choses plus difficiles, il y a des fractures, des césures. (…) Ma méthode, c’est le dialogue, mais c’est aussi d’avancer", explique Manuel Valls. "Nous n’avons pas beaucoup de temps", alerte-t-il. Il faut "dessiner un chemin commun (…) en appelant à la responsabilité des uns et des autres", selon le ministre des Outre-mer, qui affirme qu’il appliquera "la méthode Rocard", du nom de son mentor, Michel Rocard, qui fut l’instigateur des accords de Matignon, en 1988.

 

Vie chère : Manuel Valls "s’engage" à ce que l’accord soit respecté

"Il y a des engagements qui ont été pris, il faut qu’ils soient mis en œuvre, notamment dans la lutte contre la vie chère", explique Manuel Valls, en référence au protocole négocié en octobre en Martinique pour faire baisser les prix. Le protocole devait entrer en vigueur le 1er janvier prochain, mais la chute du gouvernement Barnier l’a rendu caduque. "Il faudra sans doute aller plus loin", poursuit-il, alors que le protocole prévoyait une baisse des prix de 20% sur 6 000 références. En Outre-mer, les produits alimentaires coûtent jusqu’à 40% plus cher que dans l’Hexagone.

L’urgence pour l’ensemble des Outre-mer c’est la lutte contre l’inflation, la vie chère, et redonner de l’espoir à travers l’économique, mais aussi la lutte contre les inégalités et la précarité.

Manuel Valls, ministre des Outre-mer

 

Sortir de "l’infantilisation" des territoires ultramarins

"On parle beaucoup des Outre-mer quand il y a une catastrophe naturelle, des émeutes, ou quand un grand athlète originaire de ces territoires remporte une médaille d’or aux Jeux olympiques, après on n’en parle plus", constate Manuel Valls.

"[Les Outre-mer sont] un atout pour la France dans bien des domaines, il faut sortir d’une sorte d’infantilisation vis-à-vis des territoires ultramarins, estime-t-il. Il faut redéfinir ce lien. Ce n’est pas seulement une question institutionnelle, c’est une manière de faire. Je souhaite que (…) nous fassions la démonstration d’un changement de méthode."