Le premier trimestre 2023 a été marqué par une extension et une intensification de la violence liée aux groupes armés. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Organisation des Nations Unies (BCAH ou OCHA - acronyme anglais pour Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) OCHA estime qu'environ 80% de la zone urbaine de Port-au-Prince est sous le contrôle ou l'influence des groupes armés.
Le département de l'Artibonite, le grenier à blé du pays, a également été le théâtre de violences.
195 homicides au mois de mars
L’impact de cette violence armée sur la population a atteint un niveau sans précédent, avec plus de 5,2 millions d’Haïtiens et d’Haïtiennes (près de la moitié de la population) ayant besoin d’une aide humanitaire.
Pour le seul mois de mars, 195 homicides ont été recensés dans le pays, selon l’Organisation de Citoyens pour une Nouvelle Haïti-OCNH.
Si le phénomène des groupes armés en Haïti n’est pas nouveau (apparu dans les années 1950 et s’est amplifié dans les années 1990), leur présence et influence se sont amplifiées de façon exponentielle depuis 2021, en particulier depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, le tremblement de terre du 14 août 2021 et les troubles sécuritaire, socioéconomiques et politiques qui s’en sont suivis.
De plus, depuis plusieurs mois, les groupes armés ont montré des niveaux d’organisation accrus, y compris avec le recours à des moyens technologiques avancés, tels que les drones.
Les enlèvements font désormais partie de la vie quotidienne des Haïtiens et Haïtiennes. Entre 2021 et 2022, le nombre de cas de kidnapping a plus que doublé et la tendance continue à la hausse. Entre le 1er janvier et le 15 mars 2023, au moins 277 personnes ont été enlevées.
La violence associée aux groupes armés a également entraîné la mort d'au moins 531 personnes et en a blessé 300 autres.
La population s'organise pour résister s'inquiètent les autorités
Un autre fait inquiétant est l'émergence de groupes d'autodéfense, la population se sentant peu ou pas protégée ni en sécurité. Ces groupes ont émergé dans plusieurs quartiers de la capitale ainsi que dans l'Artibonite.
Plusieurs incidents ont déjà été signalés où la population a mis en place des patrouilles d'autodéfense et/ou s'est livrée à des actes de violence pour se protéger.
Le 30 mars dernier, un homme, présumé kidnappeur, a été lynché et tué par des habitants du quartier de Fermathe, dans la commune de Kenscoff. Accompagné de plusieurs individus, il aurait tenté d'enlever une femme. Mais dans leur fuite, leur véhicule serait tombé en panne. Si les autres ravisseurs ont pu s'échapper, lui a reçu plusieurs coups de machette, selon des médias haïtiens.
De nombreuses organisations humanitaires, inquiètent, indiquent qu'il ne s'agit pas d'un fait isolé.
Depuis plusieurs mois, des voix s'élèvent pour inciter la population à s'armer face à "l'impossibilité de désarmer" les gangs.