Deux compères sont venus nous rendre visite dans les locaux que Guadeloupe La 1ère (ex RFO) occupe depuis l’an 2000, au Morne Bernard de Baie-Mahault. Il s’agit de deux anciens de la maison, qui ont brillamment porté leur pierre à l’édifice : Elie Roumiguières et Gilles Mugerin, l’un était chef de centre et l’autre technicien son, notamment.
Sur place, ils ont redécouvert les installations, retrouvé d’anciens collègues et se sont remémoré leurs aventures professionnelles passées. "Vous êtes revenus sur les lieux du crime !" a ironisé Christelle Martial, journaliste de la rédaction radio croisée dans le couloir de la station.
En cette année où nous célébrons les 60 ans de la télévision en Guadeloupe, les deux retraités ont accepté de partager un bout de leur histoire au sein de l’entreprise... et pas des moindres !
Leur contribution au lancement de la télévision
Elie Roumiguières est un professionnel de l’audiovisuel depuis 1961 ; sa carrière a débuté dans l’Hexagone.
En 1962, il est venu une première fois en Guadeloupe, pour participer au démarrage de l’émetteur d’Arnouville, à Petit-Bourg. Un an après, il a demandé sa mutation au studio radio de Basse-Terre.
Et, en 1964, il a participé à l’installation de la régie TV, sur le morne Miquel, à Pointe-à-Pitre/Les Abymes. Cette mission n’était pas aisée, puisqu’il a fallu prévoir toutes les installations électriques du bâtiment.
La régie était au rez-de-chaussée mais le studio était à l’étage et, la veille, l’électricité dans l’escalier n’était pas encore terminée. On ne se connaissait pas encore, mais on était contents de participer à quelque chose d’important. Donc c’était toute de suite la bonne ambiance !
Elie Roumiguières, chef de centre de l’ORTF/RFO à la retraite depuis 1998
Dans sa jeunesse, Gilles Mugerin, comme quelques autres collègues, avait été pris en charge par l’institut Saint-Jean Bosco à Gourbeyre, un centre qui œuvrait auprès des jeunes en difficulté.
Avant d’intégrer RFO, il a travaillé durant 3 années comme agent de la Société de production et de distribution d'électricité de la Guadeloupe (SPEDEG).
Il était aussi là, pour finaliser l’installation des infrastructures du morne Miquel
Nous avons surtout participé à la fin de l’installation : tout ce qui est les soudures, électricité, brancher les lampes, etc. Parce qu’il fallait aller vite ! Dans les 10 jours il fallait finir, donc on n’avait pas d’heure pour commencer, on n’avait pas d’heure pour finir.
Gilles Mugerin, chef opérateur son à la retraite depuis 2002
Souvenirs du jour J du lancement de la Télévision
Elie Roumiguières et Gilles Mugerin étaient là, fiers d’avoir contribué, quand le ministre de l’Information Alain Peyrefitte a donné le feu vert pour le lancement de la télévision en Guadeloupe. C’était le 22 décembre 1964, à 15h00.
Elie était en régie, aux côtés du ministre. Pour lui, l’instant n’avait rien de solennelle ; il y avait tant à faire.
Ce n’était pas vraiment un évènement, on était tellement occupés ! On a travaillé jusqu’au dernier moment, à tout brancher, à tout raccorder, à tout essayer. Quand c’est arrivé, hé bien c’était terminé, c’était normal ! Après, on se rend compte qu’on a fait quelque-chose, mais au moment de le faire, non (...)
Elie Roumiguières, chef de centre de l’ORTF/RFO à la retraite depuis 1998
Gilles, lui, a davantage saisi la mesure de l’évènement ; une révolution à l’échelle locale !
Pour autant, concentré sur ses tâches, il n’a pas vu les programmes diffusés.
C’est dans la régie du studio radio que Gilles Mugerin s’est livré à nous, devant une console de son, dans son élément.
Ce fut un évènement rarissime, dans la mesure où il y avait quelques parlementaires. Il faut dire que c’était un cadeau du gouvernement, du général De Gaulle (...). Je ne me rappelle pas du programme, parce que j’étais très concentré sur ce que je devais faire. J’étais au studio, en haut et, comme je devais m’occuper du son pour la première fois, il y avait une sorte de pression. Mais ça s’est passé très bien ! (...)
Gilles Mugerin, chef opérateur son à la retraite depuis 2002
Ce jour-là, l’archipel comptait un peu plus d’une centaine de postes de télévision, principalement en région pointoise, autour de l’émetteur.
La première téléspeakerine était Mademoiselle Maguy Nithila.
La télévision est arrivée à Basse-Terre deux ans après.
La couleur est arrivée en 1974.
Les évolutions successives
Quelques heures par jour, de 15h00 à 21h00, les images diffusées à l’antenne envahissaient les quelques foyers et commerces équipés, devant lesquels s’amassaient des dizaines de parents, amis, voisins, passants, etc. Pour tous, le côté hypnotique de la télé a duré quelque temps ; ce premier public n’était pas regardant quant aux programmes proposés.
Tout ce qu’on pouvait voir, on était contents ! (...) Au début, quel que soit ce qu’on aurait diffusé, c’était un émerveillement ! C’était la première fois, qu’on pouvait voir, dans une lucarne, quelque chose comme ça !
Gilles Mugerin, chef opérateur son à la retraite depuis 2002
Ni Elie Roumiguière, ni Gilles Mugerin n’avaient de poste à domicile, au tout début.
Mais cette époque est mémorable pour eux, car l’entreprise comptait moins d’une cinquantaine de salariés ; "c’était une famille", racontent-ils.
Les années passant, pour les professionnels de l’audiovisuel, le changement est venu du matériel à utiliser. Pratiquement tous les 5 ans il fallait passer à une nouvelle technologie, pour être à la page, raconte Elie Roumiguières.
Pour les hommes et les femmes qui travaillaient dans le milieu, le matériel lourd et difficile à utiliser a laissé place à des équipements moins contraignants, au rendu plus performant.
Durant sa visite du Morne Bernard, en ce mois de décembre 2024, les deux amis, restés très proches, avaient un peu l’impression d’être dans un autre monde que celui qu’ils ont connu.