Cyril Delhay, professeur d'art oratoire qui a participé à l'élaboration de cette épreuve, livre quelques astuces aux candidats pour gérer au mieux cet examen intimidant.
1"En amont, vous pouvez appréhender cet oral mentalement"
"Certes, ce grand oral sert à valider votre compétence oratoire et vos connaissances. Mais c'est aussi une rencontre, un moment où vous partagez un peu de vous. Il faut que vous laissiez au vestiaire cette peur du jury, qui est dans un esprit bienveillant. C'est comme si, lors de la préparation de votre oral, vous aviez préparé un repas pour des amis. Une fois les préparatifs terminés, vous passez un moment agréable et profitez de vos convives. Ici, c'est votre sujet qui est le repas et vous le partager avec le jury.
En amont, vous pouvez appréhender cet oral mentalement, chez vous, comme un sportif qui visualise sa compétition. Vous vous imaginez faire le parcours jusqu'au lieu d'examen, entrer dans la salle."
2"Avec la cohérence cardiaque, vous pouvez retrouver votre calme"
"Avec le stress, nous nous retrouvons en apnée, la bouche sèche, la respiration saccadée et des sueurs. Nous cherchons nos mots, quand nous ne bégayons pas. Bien qu'une part de ce stress nous échappe complètement, car elle est organique, vous pouvez agir dessus si vous êtes à l'écoute de votre corps.
Grâce à la régulation de votre respiration, en faisant de la cohérence cardiaque, vous pouvez retrouver votre calme. Cette technique, éprouvée par des sportifs de haut niveau, consiste en un enchaînement d'inspirations et d'expirations, toutes d'une même durée de cinq secondes et répétées pendant trois minutes.
Plus vous vous entraînez en amont, mieux c'est. Donc n'hésitez pas à le faire deux à trois fois par jour, quelques jours avant l'examen et avant de rentrer dans la salle, le jour J, voire lors des 20 minutes de préparation qui précède le grand oral."
3"Evitez d'écrire tout votre exposé"
"Lors des 20 minutes de préparation, vous allez mettre en ordre vos idées. Ce qu'il faut éviter, c'est d'écrire tout votre exposé, car vous ne pourrez lire aucune note au moment de l'oral et surtout vous n'aurez pas le temps. En revanche, il est utile d'écrire votre première phrase et la dernière, afin de vous aider à visualiser d'où vous partez et où vous voulez arriver.
C'est comme un avion qui décolle et qui atterrit, ce sont les moments les plus délicats de votre exposé. Vous pouvez également glisser entre ces deux phrases des mots ou chiffres clés, cinq ou six maximum, qui vont vous servir d'aide-mémoire."
4"Faites des phrases courtes"
"Oubliez l'idée de vouloir tout dire, concentrez-vous sur l'essentiel. Pour cela, faites des phrases courtes : sujet, verbe, complément et avec une seule idée par phrase. Cela vous aidera à être clair et à parler de façon limpide de votre sujet.
Pensez aussi votre parole comme une musique rythmée par des temps de silence, soit environ un tiers de votre temps. Cela rendra votre propos vivant et vous permettra de ciseler votre pensée. En mettant un silence devant un mot, vous le mettez en valeur, et plus encore s'il est derrière."
5"Les tics de langage peuvent se chasser en quelques jours"
"Si vous craignez les tics de langage, qui n'épargnent personne, comme les "du coup", "en fait", "euh", "voilà", ils peuvent se chasser en quelques jours. Enregistrez-vous pendant une minute, puis écoutez-vous en comptant vos tics. Si vous le faites deux ou trois fois, c'est déjà la moitié du chemin parcouru, car le cerveau prend conscience de ces tics de langage.
Vous pouvez aussi vous entraîner à parler d'un sujet qui vous passionne, à vos amis, votre famille ou en classe. Vous remarquerez que si vous êtes engagé dans votre propos, avec une volonté de partage, il y a moins voire pas de parasites. Cela vous donne aussi une idée du rythme à avoir."
6"Quand le corps est bien positionné, la pensée devient plus claire"
"Dès l'entrée dans la salle d'examen, c'est comme si vous entriez sur un terrain de jeu où vous prenez conscience des autres joueurs. Ici, c'est avec le jury que vous entrez en interaction. Pour cela, il faut avoir conscience de votre corps, cet instrument qui va vous permettre de jouer l'art oratoire. Durant la première partie de l'épreuve, le candidat est debout. Ensuite, il peut s'asseoir.
Quand le corps est bien positionné, la pensée devient plus claire. Debout, avec de bons appuis dans le sol, les pieds écartés de la largeur du bassin, vous allez prendre conscience de votre environnement, des autres et de votre respiration. Afin d'être à l'aise dans cette posture, vous pouvez, chez vous, chercher votre position repère, qui vous permet d'avoir cette sensation d'enracinement et de stabilité."
7"Il est important de développer une gestuelle d'ouverture"
"Avec le stress, nous avons tendance à avoir les bras collés au tronc. Avec nos mains, nous faisons des gestes de réassurance, en les tripotant entre elles ou en les frottant sur les jambes. Il est donc important de développer une gestuelle d'ouverture, qui va vers l'autre et qui va enrichir votre propos. Pensez aussi à la posture de vos doigts.
Afin d'avoir une gestuelle d'ouverture fluide le jour J, vous pouvez répéter deux ou trois gestes chez vous pour que votre corps les apprenne. Vous pouvez également regarder des orateurs que vous aimez bien, en coupant le son et en regardant uniquement leur gestuelle pour vous en inspirer."
8"Vous devez regarder le jury"
"Le regard est très important. En situation de stress, nous avons tendance à ne pas regarder en face de soi, et à chercher l'inspiration en regardant le plafond. En faisant ça, vous êtes en deçà de l'art oratoire. Vous devez le jury, même quand vous cherchez vos mots. Il est essentiel d'avoir le regard droit devant vous, car cela vous aide à bien vous ancrer dans le sol et évite à votre corps de se balancer."
9"Ne faites pas du jury votre boussole dans le déroulement de votre oral"
"Le jury n'est pas là pour vous mettre sur le gril, ni vous déstabiliser en levant les yeux au ciel ou en soufflant par exemple. Il doit faire preuve d'une certaine neutralité, sans être pour autant comme un mur. Bien que les cinq premières minutes se déroulent sans question de la part du jury, vous êtes en interaction avec lui. Vous lui adressez une parole et vous écoutez la résonance de cette parole dans le cerveau de votre interlocuteur.
Engagez-vous physiquement dans ce que vous dites. Mais ne faites pas du jury votre boussole dans le déroulement de votre oral. Détachez-vous de l'angoisse de ce qu'il pense et avancez. S'il ne comprend pas votre propos, vous le verrez tout de suite, n'ayez crainte."
10"Vous n'aurez peut-être pas réponse à tout et ce n'est pas grave"
"La beauté de l'oral, c'est l'imperfection. Vous ne pouvez pas tout contrôler et vouloir faire quelque chose de parfait, car c'est le meilleur moyen de se planter. Si vous avez un trou, n'hésitez pas à l'assumer. Arrêtez-vous, respirez et reprenez. Si vous bégayez, pas besoin de vous excuser. Respirez et reprenez calmement, vous montrez ainsi que vous êtes capable de réguler les choses. N'oubliez pas : la respiration est fondamentale pour éviter le bégaiement.
Dans la dernière partie de votre oral, qui est un jeu de questions-réponses sur votre avenir, vous n'aurez peut-être pas réponse à tout et ce n'est pas grave. Savoir dire 'je ne sais pas", c'est faire preuve d'une honnêteté intellectuelle et personne ne pourra vous le reprocher. Vous pouvez même faire état de votre questionnement."
11"La veille, ne touchez plus à vos sujets"
"Plus tôt vous commencez à vous entraîner, mieux c'est. Car la prise de parole, plus vous la répétez plus cela crée des réflexes. Et les réflexes, c'est la liberté. N'hésitez pas à varier vos courts entraînements. Un jour vous travaillez les phrases courtes, un autre la respiration, le suivant vous jouez le jury, et ainsi de suite.
Mais la veille, ne touchez plus à vos sujets. A la rigueur, 'mentalisez' votre préparation de 20 minutes, mais pas plus. Aérez-vous l'esprit, faites autre chose. Allez vous promener, faites du sport, gardez l'esprit ouvert, cela va bien se passer."