La maison de luxe Louis Vuitton a dévoilé sa nouvelle collection, la semaine dernière, lors d'un défilé virtuel à Paris. Et parmi les accessoires, un sac a retenu l'attention d'internautes. Une création qui fait penser au tissu madras.
La célèbre marque de luxe Louis Vuitton a présenté sa nouvelle collection masculine, le 21 janvier dernier, dans le cadre de la Fashion week virtuelle à Paris. Un défilé clairement engagé. Des modèles dessinés par le directeur artistique, Virgil Abloh, qui a souhaité envoyer un message anti-raciste et anti-homophobe. Et parmi les accessoires, un sac fait d'un tissu que nous connaissons bien chez nous... Flanqué du logo LV...
Un sac qui fait débat
Un mannequin défilant avec un sac en tissu ressemblant au madras... Cela a été la surprise pour quelques internautes, qui oscillent entre fierté et interrogation.
Moi je trouve ça extraordinaire que vous vous indigner devant Virgil Abloh qui utilise le Madras, alors que vous mêmes vous passez votre temps à résumer le madras à nappe de Tatie.
— 𝙇'𝘼𝙢𝙞 𝙙𝙪 𝙈𝙤𝙣𝙙𝙚 𝙀𝙣𝙩𝙞𝙚𝙧 (@weeirdoboii) January 24, 2021
Soyez fiers qu'on utilise notre Madras. On inspire la mode https://t.co/UDenAZnFLV
Donc on a toujours été à la mode...... https://t.co/h5xRdBX9Gz
— baby boss 🌈 (@Bilkys8) January 25, 2021
Le dames du marché = des fashionista avant-gardistes https://t.co/pebOkFw7HK
— 𝓘𝓷𝓮𝓼 🌺 𝓸𝓯 𝓖𝓾𝓪𝓭𝓮𝓵𝓸𝓾𝓹𝓮 (@Iinessse) January 24, 2021
louis vuitton a fait un sac couleur madras, dites leur que l’idée vient de chez nous avant que les occidentaux ne se l’approprie
— glo (@Nicolvs22) January 24, 2021
D'autres ont crié à l'appropriation culturelle, c'est-à-dire "l'emprunt" ou l'utilisation d'éléments d'une culture par les membres d'une autre culture, dans un contexte d'exploitation et de domination.
Un tissu traditionnel guadeloupéen qui vient d'Inde
Si le tissu madras est une étoffe traditionnelle de la Guadeloupe, ou de la Martinique, il vient d'Inde. Il a été créé dans une ville proche de Madras (nom donné lors de l'occupation britannique), aujourd'hui appelée Chennai.
Jaune, vert, rouge ou bleu, on en trouve de différentes couleurs. Selon Judes Sahaï, spécialiste de l'Inde, contrairement à la croyance populaire, le madras n'a pas été introduit aux Antilles par les Indiens, mais plutôt par les "premiers colons". La France, puissance coloniale est présente en Inde, au XVIIe siècle, sous couvert de relations commerciales, avec notamment la Compagnie française des Indes orientales. Le madras apparaît donc aux Antilles au XVIIIe siècle.
Et à l'arrivée des premiers Indiens en Guadeloupe, en 1854, eux aussi ont transporté du tissu vers nos îles, mais il en existait déjà.
Par la suite, le madras devient une part des costumes traditionnels des Antilles.
Sauf qu'ici sur ce sac, Judes Sahaï n'y voit pas forcément du madras, mais plutôt une inspiration du madras. "Les couleurs nous rappellent le tissu que nous connaissons" explique t-il.
Alors madras ou pas, la question alimente de nombreuses discussions. Du côté de la marque de luxe, on parle plutôt de tartan, tissu écossais. Le madras, en fait, s'inspire du tartan.
Une collection engagée
Le créateur américain Virgil Abloh a voulu, dans cette collection, s'interroger sur comment les stéréotypes et les uniformes liés aux professions et aux modes de vie façonnent la personnalité, s’efforçant de changer ces idées préconçues. "La mode est un outil de la mise en forme de ces identités (…). De façon inconsciente, nous faisons confiance à une silhouette en costume et nous nous méfions en voyant le contour d’un sweatshirt à capuche", a t-il écrit dans les notes qui accompagnaient la collection.
"Un homme d'affaires est-il toujours blanc ? Un basketteur est-il toujours noir ? Sont-ils toujours des hommes hétérosexuels ?", s'interroge-t-il.
Le créateur américain d'origine ghanéenne utilise dans cette collection le kente, textile ghanéen fait de bandes de tissu tissées à la main de soie et de coton, rendu en tartan. "Est-ce que ça rend le kente moins ghanéen et le tartan moins écossais ? La provenance est la réalité, tandis que la propriété est un mythe", assure-t-il.