Esclavage : quels sont les enjeux des réparations pour lesquelles lutte le CIPN depuis 30 ans ?

1992-2022 : le Comité international des peuples noirs a 30 ans. Pour l’occasion, Covid oblige, un webinaire était organisé, dimanche, sur les enjeux des réparations, Ô combien toujours d'actualité. Les principaux membres du CIPN étaient eux présents à la Maison de la Mangrove, aux Abymes.

Le Comité international des Peuples Noirs (CIPN) a célébré, ce dimanche 6 février 2022, ses trente ans d'existence. Des années de lutte et de conscientisation, pour la dignité des Peuples Noirs.

Les membres de cette association, fondée en 1992, luttent pour la reconnaissance par l’Occident de la Traite et de l’Esclavage "qui ont déshumanisé et sacrifié des millions de Noirs" comme crime contre l’humanité, pour la réhabilitation de l’Homme Noir dans sa dignité, pour des réparations morales et matérielles aux Peuples Noirs d’Afrique et d’Amérique.

A l'occasion de son anniversaire, le CIPN a organisé une conférence, autour d'un thème qui lui est cher et toujours pleinement d'actualité : "Les enjeux des réparations, au XXIème Siècle, pour les Peuples Noirs".
Un rendez-vous proposé en webinaire, pour le public, dans l'actuel contexte de crise sanitaire. Les principaux acteurs du CIPN, anciens et nouveaux venus, étaient eux réunis sur le site de Taobana, à la Maison de la Mangrove, aux Abymes.

De nombreux intervenants se sont succédés à la tribune pour éclairer les internautes quant au chemin parcouru mais aussi quant à la légitimité de ce combat pour les réparations pour les peuples noirs.

Un combat de 30 ans

Il y a 30 ans, la question des réparations, pour les descendants des populations mises en esclavage, ne parcourait pas le monde comme elle le fait aujourd’hui. Quelques-uns en parlaient et y réfléchissaient, avec en miroir les dédommagements reçus par les propriétaires terriens, à la fin de l’esclavage.
Le message du Comité International des Peuples Noirs n’a quant à lui pas varié.
Et, aujourd’hui, on compte des mouvements pour les réparations un peu partout. Comme si ce travail de fond entrepris par quelques-uns portait enfin ses fruits. Le combat pour les réparations est désormais mondial. Il est porté par des Etats Caribéens, des pays d’Afrique et par les descendants de personnes mises en esclavage d'un peu partout sur le globe.

Si de nombreux militants se sont saisis de cette question des réparations, dès le début des années 90, il a fallu dans le même temps conscientiser les populations. Ce travail a été long et parfois fastidieux, mais il apparaît aujourd’hui légitime, selon Jacqueline Jacqueray :

Jacqueline Jacqueray : "C'est une injonction qu'on donne aux Peuples Noirs. On nous a dit qu'il faut arrêter avec ça et passer à autre chose...".

 

Un combat juridique jonché d'obstacles

La lutte pour la reconnaissance du préjudice subi va de pair avec un besoin de plus de justice, comme l'explique Jacqueline Jacqueray, la présidente du CIPN :

Jacqueline Jacqueray : "Toutes les lois internationales et françaises disent que lorsqu'il y a un crime, il faut qu'il y ait réparation".

Les réparations pour les Peuples Noirs sont revendiqués où qu’ils soient et où qu’ils vivent, car tous ont un destin commun.
D'où cette demande d'une reconnaissance, par les nations responsables, que le développement de ces Peuples a été empêché par la traite et les préjudices qui en découlent depuis des siècles.
Les Etats responsables, qui se sont enrichis sur la traite transatlantique, doivent assumer leurs responsabilités, pour les membres du CIPN.

La question des réparations est liée à l’histoire, mais est aussi éminemment politique, ce qui freine les démarches judiciaires, selon Luc Reinette, l’un des co-fondateurs du CIPN, il y a 30 ans :

Luc Reinette : "On a le sentiment que la France et donc la justice française a du mal à se condamner elle-même".

En trois décennies, le CIPN a mené des combats pour changer les mentalités, mais surtout un combat juridique, qui est loin d'être terminé.

 

A (re)voir aussi le reportage de Lise Dolmare et Daniel Querin :

©Lise Dolmare et Daniel Querin - Guadeloupe La 1ère