Faut-il autoriser les animaux de compagnie dans les Ehpad ?

Animaux de compagnie en Ehpad
C'est en tout cas ce qu'un député des Haut de Seine a défendu à l'Assemblée qui l'a suivi. Pour Philippe Juvin, il y a des bienfaits non négligeables à en tirer. La présence de leurs animaux domestiques pourrait selon lui jouer un rôle très positif sur la santé physique et mentale des résidents en Ehpad. Mais le Sénat pour sa part préfère laisser aux Ehpad l'entière liberté de leur politique quant à l'accueil de ces animaux dans leurs locaux.

A 81 ans, Lucia a rejoint récemment l'Ehpad choisi par ses enfants pour s'assurer qu'elle serait toujours accompagnée. Eux-mêmes ne pouvaient pas toujours le faire.
La vieille dame avait ses habitudes dans sa petite maison à Petit-Bourg mais après une chute qui aurait pu être très grave, ils se sont inquiétés pour elle.

Une chute parce qu'elle essayait de rattraper "Poussy". Poussy, c'est son chat. La vieille dame ne se sentait d'ailleurs jamais seule puisqu'il y avait Poussy avec elle. Poussy, c'est huit années de complicité entre Lucia et son chat, un compagnon fidèle qui dormait même avec elle.

Pourtant, c'est aussi à cause de Poussy qu'elle est tombée. Une fois de trop pour ses enfants et ses petits enfants.

Alors, ils ont décidé de lui donner la sécurité d'un Ehapd.

Problème : Lucia vit très mal cette séparation avec son chat. Poussy ne pouvait pas venir en Ehpad. Chaque jour, elle se demande ce qu'il devient. Et puis, il y avait ces longs monologues, comme les autres les qualifiaient, des conversations entre Lucia et Poussy où les ronronnements du chat assuraient Lucia de son écoute attentive. Et à l'Ehpad, cela lui manque terriblement.

Chate an mwen té konêt tout lè an mwen. I té sav avan mwen menm ka an té ni a fè. (Mon chat connaissait parfaitement mon emploi de temps. Bien avant moi, il savait ce que j'avais à faire)

Lucia

Cette proximité entre le chat et particulièrement la personne âgée, des scientifiques l'ont étudiée. Ils lui ont même donné un nom : la zoothérapie. C’est en quelque sorte une forme de médecine douce pratiquée le plus souvent dans les maisons de retraite ou établissements spécialisés pour les personnes âgées.
C’est une méthode thérapeutique pratiquée par un professionnel en santé ou social qui se sert des animaux de compagnies pour établir un lien, améliorer le bien-être des personnes âgées fragiles et seules, mais aussi des personnes âgées atteintes de maladie (d’Alzheimer…)

La Zoothérapie utilise le plus souvent les chiens qui sont les meilleurs médiateurs.

Chat en Ehpad

Passer d'une pratique spontanée à un mode d'action encadré par la loi

Ce concept de Zoothérapie, Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine le connaît. Lui-même médecin, il en a vu les effets et, comme député, il n'a pas hésité à rédiger un amendement autorisant les animaux de compagnie dans les Ehpad.
Selon lui, deux raisons essentielles prévalent dans ce choix : 

"La première, c'est que quand vous entrez en Ehpad, qu'on le veuille ou non, c'est une rupture dans votre quotidien. Et je ne veux pas qu'on ajoute à cette première rupture une seconde, quand il faut abandonner son chat ou son chien". La deuxième raison, "c'est qu'avoir un chat ou un chien, C'est bon pour la santé physique parce que ça fait marcher, et puis c'est bon pour la santé mentale", parce que "c'est une compagnie"

Philippe Juvin, Député des Hauts-de-Seine et médecin

Concernant la mise en place de cette mesure, soit le résident en Ehpad est capable lui-même de s'en occuper, un cas de figure qui concerne "un résident sur deux", affirme Philippe Juvin, soit il n'en est pas capable, et dans ce cas "on trouvera des solutions d'organisation", assure-t-il, imaginant qu'un proche ou une aide à domicile pourra alors venir régulièrement à l'Ehpad pour s'occuper de l'animal.

Philippe Juvin insiste : il faut que pouvoir garder son animal de compagnie "soit plutôt la règle, et que de temps en temps cela ne soit pas possible, mais que ce soit l'exception", conclut-il.

L'amendement a été adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale en novembre dernier lors du vote de la loi dite "Bien vieillir", menée par le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Philippe Juvin, député Les Républicains, n'était d'ailleurs pas le seul à défendre cette position, Jérôme Guedj, député de l’Essone (PS-Nupes) a lui aussi soutenu l’amendement. Pour lui,

"La présence d'animaux de compagnie en Ehpad existe déjà souvent, mais c’est mieux d’en faire un droit"

Jérome Guedj, député de l'Essonne

L'amendement prévoit en effet l’obligation pour les Ehpad de garantir "le droit de leurs résidents d’accueillir leur animal domestique", et de "prendre les dispositions nécessaires à cet accueil". Autrement dit, le règlement intérieur des établissements ne devrait plus, en théorie, pouvoir refuser la présence d’un animal de compagnie.

Le 6 février dernier, le Sénat a adopté à son tour en première lecture, avec modifications, la proposition de loi. L'amendement devant permettre aux résidents des Ehpad d’accueillir leur animal domestique a été supprimé par les sénateurs. Les établissements devront définir, dans leur règlement, sous quelles conditions l'accueil d'un animal est possible.

Autant dire que, pour l'heure, les portes de l'Ehpad de Lucia ne sont pas encore prêtes à s'ouvrir pour que Poussy puisse y entrer. À moins que...