Haïti : "envol" des violences sexuelles contre les femmes déplacées, alerte l’ONU

Une femme tresse les cheveux d'une fille dans une école qui sert de refuge aux personnes déplacées par la violence des gangs, à Port-au-Prince (Haïti) - 13/08/2024.
Près de 4000 femmes ont été victimes de violences sexuelles entre janvier et mai 2024 en Haïti. Et ce phénomène va crescendo, à la faveur des déplacements de population, qui fuient leur foyer pour s’éloigner des sites où les gangs font la loi ; deux tiers des victimes sont des délacées, accueillies dans des camps vétustes, où leur sécurité n’est pas garantie. Une victime sur cinq est mineure. Fonds des Nations unies pour la population tire la sonnette d’alarme et appelle aux dons.

Des milliers de femmes et de filles déplacées par les violences des gangs qui gangrènent Haïti sont menacées par un "envol" des agressions sexuelles, a alerté l'ONU ce mardi (27 août 2024), dénonçant les conditions de vie déplorables dans les camps de fortune de la capitale.

Le risque de violences sexuelles pour les femmes et les filles qui vivent dans les sites de déplacés dans la capitale Port-au-Prince augmente rapidement, en partie en raison de leurs conditions de vie déplorables.

Communiqué du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA)

Parmi les quelque 185.000 personnes ayant dû fuir leur domicile à Port-au-Prince, beaucoup vivent dans des camps de fortune que l'agence onusienne a visités. Dans 14 de ces camps passés en revue, plus de la moitié des toilettes et beaucoup des douches ne sont pas séparées entre hommes et femmes, beaucoup des douches ne ferment pas à clé et beaucoup de sites n'ont pas de lumière la nuit.

Résultat, de nombreuses femmes et filles risquent d'être agressées sexuellement, à chaque fois qu'elles vont aux toilettes ou prendre une douche.

UNFPA

Près de 4000 victimes entre janvier et mai 2024

Le poignant témoignage d’une femme, mère de sept enfants et agressée sexuellement alors qu'elle dormait dans un parc, après avoir fui les gangs, complète le communiqué de l’UNFPA.

Avec ce que j'ai subi, j'aurais préféré mourir (...). Quand ils ont vu qu'il n'y avait pas d'homme avec moi, ils m'ont attaqué, alors que j'étais enceinte de quatre mois. Je vis dans la douleur, j'ai du mal à respirer, j'ai peur pour ma fille qui a 11 ans.

Haïtienne victime de violences sexuelles

Et ce type d'agressions s'envolent dans le pays.

Entre mars et mai 2024, le nombre de cas de violences sexuelles et liées au genre, enregistré par l'UNFPA et ses partenaires, a augmenté de plus de 40%. Mais ces cas déclarés sont seulement une petite partie du total.

UNFPA

Selon les chiffres de l'ONU, ces violences sont ainsi passées de 250 en janvier-février à plus de 1500 en mars, pour atteindre plus de 2000 en avril-mai.
Au total, de janvier à mai 2024, 3949 cas de violences basées sur le genre ont été rapportés, dont 65% de viols et 7% d'autres agressions sexuelles, principalement commis par des membres de gangs. Ces violences concernaient 75% de femmes adultes et 20% de filles mineures ; 61% sont des personnes déplacées.

Situation humanitaire et sécuritaire critique

Dans ce contexte, l'UNFPA appelle à répondre à son appel aux dons de 28 millions de dollars, pour renforcer la santé reproductive et les services aux victimes de violences sexuelles en 2024. Un appel seulement financé à 19%.

Haïti est, depuis longtemps, secoué par des crises politiques, humanitaires et sécuritaires, notamment la violence des gangs. Mais la situation s'est fortement détériorée fin février, lorsque des gangs ont lancé des attaques coordonnées à Port-au-Prince, poussant au départ le Premier ministre contesté Ariel Henry.
Depuis, des instances politiques provisoires ont été mises en place et une force multinationale de sécurité a été déployée dans le pays. Une force qui s’auto-satisfait des résultats obtenus, puisque ses dirigeants parlent de "progrès significatifs" du contingent de policiers kényans dépêché en Haïti.