Haïti : La directrice de l’UNICEF décrit une situation apocalyptique

Illustration : un bébé souffrant de malnutrition est mesuré dans un centre spécialisé, à Port-au-Prince (Haïti) - 21/11/2022.
En Haïti, alors que la famine guette, en particulier au détriment des enfants, l’aide humanitaire peine à parvenir à la population. La directrice de l’UNICEF plaide pour une intervention urgente, décrivant une situation catastrophique. Pendant ce temps, Les Etats-Unis évacuent leurs ressortissants du pays, en proie à une grave crise sécuritaire et politique.

La situation en Haïti est "horrible" et "presque sortie d'une scène de Mad Max", film qui dépeint un futur post-apocalyptique, a affirmé hier (dimanche 17 mars 2024) la directrice exécutive de l'Unicef, au moment où ce pays pauvre des Caraïbes est confronté à la violence des gangs et est privé de gouvernance.

Beaucoup, beaucoup de personnes souffrent gravement de la faim et de la malnutrition. Et nous ne parvenons pas à leur apporter suffisamment d'aide.

Catherine Russell, directrice exécutive du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) - interview accordée à la chaîne américaine CBS

 

Un pays paralysé

Haïti, notamment sa capitale Port-au-Prince, est le théâtre d'une flambée de violences des gangs, ces dernières semaines, alors que les Haïtiens attendent l'instauration d'un conseil présidentiel de transition, après l'annonce de la démission du Premier ministre contesté Ariel Henry, qui expédie désormais les affaires courantes.

Dimanche, le couvre-feu a été prolongé jusqu'à mercredi, dans le département de l'Ouest, qui comprend Port-au-Prince. L'état d'urgence doit prendre fin le 3 avril.

Le Kenya, qui doit déployer un millier de policiers dans le cadre d'une mission multinationale de sécurité, a annoncé suspendre l'envoi de ses hommes, mais a assuré qu'il interviendrait une fois un conseil présidentiel installé. Mais nul ne sait combien de temps cela prendra.

Une situation toujours explosive

Pendant ce temps, les gangs contrôlent des pans entiers du pays, notamment 80% de la capitale et sont accusés de nombreuses exactions, en particulier meurtres, viols et enlèvements contre rançon.
Du fait de leurs exactions, l'aéroport de Port-au-Prince reste fermé. On reste dans l’attente de la mise en place d'un "pont aérien" annoncé par l’ONU, entre Haïti et la République dominicaine, notamment pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire.
Le port principal de la capitale est également à l'arrêt, depuis le 7 mars, face à des actes "de sabotage et de vandalisme" selon son opérateur, compliquant l'acheminement d'aide internationale.

Un conteneur de l'Unicef "comprenant des fournitures cruciales de santé maternelle, néonatale et infantile", a été pillé, samedi dernier, dans ce port, a annoncé l'agence de l'ONU dans un communiqué.

Cet incident intervient à un moment critique, quand les enfants en ont le plus besoin.

Catherine Russell, directrice exécutive d’Unicef

Dans ce contexte, Catherine Russell plaide pour une intervention urgente, listant les catastrophes qui ont touché le pays depuis près de 15 ans : "tremblements de terre, choléra, Covid...".

D'une façon ou d'une autre, nous devons prendre davantage le contrôle de la situation, de manière à faire entrer l'aide en Haïti (...). La situation actuelle est la pire que quiconque ait vu depuis des décennies.

Catherine Russell, directrice exécutive d’Unicef

 

Une trentaine de ressortissants américains évacués

Plus de 30 ressortissants américains ont été évacués d'Haïti, à bord d'un vol charter affrété par le gouvernement. Tous ont atterri en Floride, dimanche, a annoncé le Département d'Etat. L'avion a décollé de la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, où l'aéroport est ouvert "périodiquement", selon l'ambassade américaine.

Le Département d'Etat a facilité le départ en toute sécurité depuis Cap-Haïtien de plus de 30 citoyens américains à bord d'un vol charter du gouvernement américain (...). Les passagers sont désormais en sécurité à Miami, en Floride, où des représentants du gouvernement américain les assistent pour les prochaines étapes.

Porte-parole du Département d'Etat américain - Interview accordée à l'AFP

Plusieurs autres pays et l'Union européenne ont aussi évacué leur personnel diplomatique, du fait de l'instabilité sur l'île, l'ONU ayant pour sa part évacué son personnel non essentiel.
Pour les Américains restant à Haïti, le Département d'Etat "étudie les possibilités de départ hors de (la capitale) Port-au-Prince et en informera les ressortissants américains dès que nous serons en mesure de les organiser de manière sécurisée", a précisé le porte-parole.