La justice haïtienne a inculpé une cinquantaine de personnes, dont l'ex-première dame Martine Moïse, un ancien premier ministre et un ex-chef de la police, pour leur implication présumée dans l'assassinat du président Jovenel Moïse, en 2021, a rapporté AyiboPost.
Ce média local a publié, en ligne, hier (lundi 19 février 2024), ce qu'il présente comme l'ordonnance du juge chargé de l'instruction du dossier, un document de 122 pages "résultant d'une dizaine d'auditions" qui ne permet toutefois pas "d'identifier clairement les auteurs intellectuels de l'assassinat, ni les bras financiers".
Des déclarations contradictoires
D'après ce document, le magistrat a demandé le renvoi de Martine Moïse et 50 autres personnes devant le tribunal criminel "pour y être jugés sur les faits d'association de malfaiteurs, de vol à mains armées, de terrorisme, d'assassinat et de complicité d'assassinat, crimes commis au préjudice" du président Moïse.
"Les charges concordantes et les indices d'implication de l'ex-première dame (Martine Moïse) dans l'assassinat du président Jovenel Moïse sont suffisants", note ce document, qui précise que "les déclarations de l'ex-Première dame (...) sont si entachées de contradictions qu'elles laissent à désirer et la discréditent".
Martine Moïse est aussi inculpée pour "refus de coopérer", dans l’enquête sur l’assassinat de son époux. C’est ce que révèle l’ordonnance du juge Walther Wesser Voltaire, chargé d’instruire cette affaire, précise Gotson Pierre, le rédacteur en chef du journal en ligne AlterPress ; ce document est daté du 25 janvier dernier et a été rendu public hier.
Martine Moïse laissait entendre que, pour se protéger des assaillants, elle se réfugiait sous le lit conjugal du couple présidentiel. Et pourtant, selon le document, la visite des lieux a permis à la chambre d’instruction criminelle de découvrir que, tel que ce meuble est fabriqué, même un rat géant de 35 à 45 cm ne peut accéder au-dessous de ce meuble, pour s’y cacher. Martine Moïse se trouvait avec son mari, à l’intérieur de leur résidence lorsque s’est produit le drame. Un mandat d’amené avait été produit à l’encontre de Martina Moïse et elle avait refusé de comparaître.
Gotson Pierre, rédacteur en chef du journal en ligne AlterPress
L'ancien premier ministre par intérim, Claude Joseph, ou encore l'ancien directeur général de la police nationale, Léon Charles, figurent parmi les individus inculpés, l'ordonnance faisant état d'"indices suffisants" de complicité dans l'assassinat du chef de l'Etat haïtien, pour tous deux.
Un assassinat, point de départ d'une grave crise sécuritaire et politique
Pour rappel, le 7 juillet 2021, Jovenel Moïse avait été tué par balle dans sa résidence privée, à l'âge de 53 ans, par un commando de plus de 20 personnes, principalement des mercenaires colombiens, sans que ses gardes du corps n'interviennent. Martine Moïse avait elle-même été blessée lors de l'attaque.
Le 9 février, Joseph Vincent, un Américano-Haïtien accusé d'avoir participé à son assassinat, a été condamné en Floride, aux Etats-Unis, à la réclusion criminelle à perpétuité.
La justice américaine avait lancé des poursuites visant 11 personnes accusées d'être mêlées à l'assassinat, au motif que le complot avait été ourdi en Floride. Quatre d'entre elles ont été condamnées à la prison à vie, dont Joseph Vincent qui avait plaidé coupable en décembre.
Depuis plusieurs mois, voire années, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire, des gangs armés ayant pris le contrôle de pans entiers du pays. Dans ce contexte, le nombre d'homicides a plus que doublé en 2023 ; l'assassinat de Jovenel Moise a plongé le pays le plus pauvre du continent américain encore davantage dans le chaos.