INTERVIEW EXCLUSIVE - Face aux menaces du volcan, les autorités ont un plan !

Dôme de la Soufrière, qui reçoit 300 000 visiteurs par an.
La Soufrière fascine par sa stature. Elle abreuve et nourrit la population aussi, car elle est gorgée d’eau et fertilise la terre. Mais elle a son côté obscur et, depuis plusieurs mois, elle inquiète. Un plan préfectoral est en cours de finalisation. (Vidéo en bas de page)

LA SOUFRIERE, VOLCAN VIVANT


La Soufrière de la Guadeloupe dans une phase éruptive, comme celle phréatique de 1976, peut expulser soudainement et violemment de l’eau, des blocs de pierres, de la cendre et provoquer des coulées de boue et des glissements de terrain. Ainsi vit le volcan qui, de loin en loin, a besoin de libérer de l’énergie.
Les conséquences de tels phénomènes sont nombreuses : au-delà de la population alentour qui doit être éloignée pour sa protection, la vie économique de toute une partie du territoire peut être stoppée durablement, sans compter les ravages sur l’environnement.
 

LA REPONSE DES AUTORITES


          Quelle forme ?
Une éventuelle éruption impacterait donc plusieurs composantes de la vie du territoire. Un simple « plan d’évacuation » ne suffirait donc pas.
C’est pourquoi les services de l’Etat ont élaboré un « plan ORSEC* volcan », en collaboration avec les scientifiques qui scrutent la « Vielle Dame »**, les service de sécurité de secours et de santé, les opérateurs de réseaux, ainsi que les municipalités concernées par le risque volcanique.
Un plan mis à jour courant 2018, mais qui reste à finaliser, avant communication au grand public. Car, le moment venu, il appartiendra à chaque Guadeloupéen exposé d’agir dans le respect des dispositions arrêtées.
Il s’articule autour de 4 scénarios.

          Les scénarios.
  • Le 14 janvier 2019, le scénario zéro a été enclenché. Aucune éruption n’a été observée. En revanche, des phénomènes sont à déplorer, comme l’augmentation des fumerolles, la projection de boue, ou encore l’émanation de gaz toxiques. C’est ainsi que, par arrêté préfectoral, le périmètre de sécurité sur le dôme de la Soufrière a été élargi. Objectif : protéger les randonneurs.
  • Le scénario 1 correspond à une éruption avec des pics d’activités et des périodes d’accalmie.
  • Le scénario 2 sera mis en œuvre en cas d’éruption avec un développement lent et progressif, dont le paroxysme a lieu en fin d’évènement.
  • Avec le scénario 3, les autorités comptent faire face à une éruption, avec un développement rapide, dont le paroxysme a lieu au début de l’évènement.

          Localisation des risques
Les communes susceptibles d’être évacuées sont Baillif, Basse-Terre, Bouillante, Capesterre-Belle-Eau, Gourbeyre, Saint-Claude, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants.
Chacune doit conclure un jumelage avec une commune d’accueil non exposée au risque volcanique. L’idée est de savoir si cette commune pourrait héberger de la population qui ne trouverait pas à se reloger par ses propres moyens d’une part, mais aussi si cette commune peut abriter une partie des services de la municipalité sinistrée. Parce hormis le problème du relogement de la population, se pose celui de la continuité de la vie économique, sociale et administrative.
Elles doivent également identifier des points de regroupement, pour la prise en charge des sinistrés.
C’est à ce stade que le « plan ORSEC volcan » attend d’être complété.
 

ENTRETIEN EXCLUSIF (voir la vidéo en bas de page)


Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Suzanne FOUCAN, chef du Service interministériel de défense et de protection civiles (SIDPC) à la Préfecture de Guadeloupe.

Alerte Guadeloupe : Vous concoctez un « plan ORSEC volcan ». De quoi s’agit-il ?

Suzanne FOUCAN :
Un plan ORSEC* répond à la question suivante : comment le préfet va-t-il organiser les moyens pour protéger la population, en cas de survenue de risque particulier ? En l’occurrence, la « plan ORSEC phénomène volcanique » reprend la structure classique d’un plan ORSEC : il présente le risque (c’est là que l’on prend les scénarios arrêtés et que l’on comprend les nuisances), il présente comment on passe l’alerte (qui signale le problème ? Et comment on diffuse l’information au sein de la population ?) il est ensuite question de la réaction à avoir (il existe des « fiches missions », pour chaque acteur). Et parmi tous ces éléments, il y a une philosophie générale de l’évacuation.

A.G. : Qu’est ce qui complique l’élaboration d’un tel plan, face à un risque pluriel ?

S.F. :
La difficulté a été de bien comprendre les nuisances. Le travail a débuté en 2016. On voulait simplifier la compréhension du risque, pour la population, mais aussi pour les décideurs. Ce qui a pris du temps c’est de passer de 9 (plan de 1999), à 4 scénarios types (plan en cours de finalisation). Par contre, sur les missions et l’alerte, on est sur des dispositions ORSEC classiques, pour lesquelles il y a un peu moins de difficultés.

A.G. : Quoiqu’il en soit, le risque volcanique est tel, dans l’archipel, que ce projet était une obligation.

S.F. :
Ce n’est pas une obligation réglementaire, ou légale. C’est du bon sens, pour un préfet d’adopter les dispositions spécifiques, contre les risques qui peuvent survenir sur son territoire. C’est une question de logique de protection des populations.
 
A.G. : La responsabilité de l’Etat est engagée, même si l’élaboration d’un tel plan est un travail collégial.

S.F. :
Tout travail, sur les dispositions ORSEC, donc sur la réponse de la sécurité civile, implique tous les acteurs concernés. Le premier acteur est le citoyen. Le préfet est coordonnateur et facilitateur sur ces questions. Mais il a aussi bien sûr l’implication de tous les autres acteurs, notamment les municipalités, les services de l’Etat et les opérateurs publics et privés (de réseaux d’eau, d’électricité, de télécommunication) et les associations agrées de sécurité civile.

« Ce qu’il pourrait y avoir comme conséquence la pus lourde, c’est une évacuation importante et massive de la population, qui dure plusieurs mois, ou plusieurs années »


A.G. : Quelle est la teneur du plan ORSEC volcan ?

S.F. :
Il nous donne, par type de nuisance et par scénario, ce à quoi on peut s’attendre comme phénomène(s), comme évolution dans le temps et quels moyens de réponse on doit mettre en face. Bien entendu, dans la plupart des cas, les nuisances justifieront une évacuation… mais même sur cette logique d’évacuation, il y a toute une procédure à prendre en compte. Elle sera phasée, elle peut ne pas respecter les limites administratives d’une commune, elle peut être étalée dans le temps. L’idée de ce plan est l’adaptabilité. C’est cela le plan ORSEC : c’est d’être opérationnels et adaptables.

A.G. : Qu’est ce qui pourrait arriver de pire ?

S.F. :
On ne pense pas en ces termes là. Ce qu’il pourrait y avoir comme conséquence la pus lourde, c’est une évacuation importante et massive de la population, qui dure plusieurs mois, ou plusieurs années. Nous regardons aussi la vie économique et sociale qui suit l’évènement. Mais je ne peux pas dire quels risques nécessiteraient une telle évacuation.

A.G. : Sachant que la population doit être partie prenante de la réponse, face à un évènement volcanique majeur, pourquoi n’y a-t-il pas eu, jusqu’ici, de communication plus large sur ce plan ORSEC volcan ?

S.F. :
Très honnêtement, la mise à jour du plan a débuté en 2016. Le plan était sur le point d’être achevé en juillet-août 2017. Mais les ouragans de 2017 et l’incendie du CHU ont retardé la signature définitive du plan, qui n’a été actée que début 2018. Après c’est tout le cycle de débats publics et de réunions dans les quartiers que l’on devait lancer, qui a été décalé sur le calendrier. En tout cas, l’implication de la population est prévue et nécessaire.
Par ailleurs, nous continuons de travailler avec les acteurs du plan, sur sa mise en œuvre concrète. Maintenant que nous avons expliqué comment fonctionne une évacuation, qu’on connait les réseaux routiers, qu’on a une idée des moyens à notre disposition, des points sensibles et des enjeux stratégiques, il faut travailler très concrètement, avec les communes, sur les lieux de regroupement, les lieux d’accueil, les moyens pour véhiculer les personnes vulnérables.
Les communes identifiées comme les plus exposées sont, à minima, Saint-Claude, Basse-Terre, Gourbeyre et Baillif. Nous attendons d’elles qu’elles établissent un jumelage avec une commune d’accueil qui n’est pas dans la zone de risque du volcan, pour l’hébergement des personnes qui n’auront pas trouvé à se reloger, mais aussi pour abriter une partie des services municipaux, car en plus de la problématique du relogement de la population, il ne faut pas oublier la continuité de la vie économique, sociale et administrative.

A.G. : Pour quelle période prévoyez-vous une totale finalisation du plan ORSEC volcan ?

S.F. :
S’il n’y a pas d’évènement particulier courant 2019, nous prévoyons une finalisation d’ici la fin d’année. C’est un sujet ample !
©Préfecture de la Guadeloupe - Guadeloupe la 1ère
POUR ALLER PLUS LOIN /
*ORSEC : Organisation de la réponse de sécurité civile
** « Vielle Dame » : surnom donné localement à la Soufrière

Plus d'informations sur le site de la Préfecture : cliquer ici

A lire aussi, sur Alerte Guadeloupe « Témoignages : avoir la Soufrière pour voisine »