Le leader du Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), Elie Domota aura été maintenu en garde-à-vue durant quatre heures, hier (jeudi 30 décembre 2021). L'emblématique personnalité syndicale guadeloupéenne avait été arrêtée, sur le rond-point de Petit-Pérou, aux Abymes, durant une marche militante contre l'obligation vaccinale et contre le pass sanitaire.
A ce moment-là, les manifestants tentaient de passer au-travers des barrières installées par les forces de l'ordre, visant à empêcher la progression du cortège. Dès lors, l'affrontement semblait inévitable.
Pour rappel, après le siège et la nuit passée à l’hôtel de Région, il y a une semaine, le collectif avait prévenu qu’il préparait une action d’envergure, avant le 31 décembre, date d’application effective de l’obligation vaccinale pour les personnels de santé et les pompiers aux Antilles.
L'occasion d'appeler au renforcement du mouvement
Comme tout le monde a pu le voir sur les images qui ont largement circulé sur les réseaux sociaux, les policiers ont fait usage de bombes lacrymogènes, y compris en plein dans le visage d'Elie Domota, hier.
De son côté, la gendarmerie affirme que les gaz ont été tirés en réaction à des jets de pierres, par des manifestants.
Il n'en fallait pas davantage pour soulever de nombreux Guadeloupéens qui, d'un seul homme, sont allés soutenir le syndicaliste, devant le commissariat de police de Pointe-à-Pitre.
Au final, l'ancien secrétaire général de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) est convoqué devant le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, le 7 avril prochain, pour "violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique, refus de se soumettre aux prélèvements obligatoires sans ITT (incapacité temporaire de travail)".
Des chefs d'inculpation dont s'est moqué l'intéressé, au sortir du commissariat. Elie Domota a saisi l'occasion, devant une foule compacte et face à de nombreuses caméras, d'appeler au renforcement du mouvement de grève générale :
Les avocats du leader syndical, dont Maître Sarah Aristide, parlent de "provocation" et de "procès politique" (interview réalisée par Gessy Blanquet) :
Me Sarah Aristide : "(...) un martyre que l'on attrape, que l'on frappe, que l'on frappe à coup de gel lacrymogène et que l'on menotte comme un rien du tout (...) et c'est lui qui est poursuivi pour des faits de violence (...)".
Pour enfoncer le clou, hier soir, devant le Palais de la mutualité de Pointe-à-Pitre, les leaders du Collectif d'organisations en lutte contre l'obligation vaccinale et le pass sanitaire ont appelé à un grand rassemblement dès "lundi matin, à 9h00". Ils n'entendent ne "rien lâcher", parce qu'ils sont "au combat". Ils qualifient l'interpellation d'Elie Domota d'"atteinte grave à une liberté fondamentale qu'est le droit de faire grève".
Ils invitent les militants à bien se reposer durant le week-end prochain, afin de redémarrer en force dès le 3 janvier 2022.
Une arrestation dénoncée plusieurs personnalités politiques
L'arrestation d'Elie Domota a fait réagir plusieurs personnalités politiques, parmi lesquelles les Insoumis, Jean-Luc Mélenchon et Mathilde Panot qui, en pleine campagne électorale en vue de la Présidentielle 2022, ont dit leur solidarité avec le leader du LKP : "Elie Domota est libéré ! La Guadeloupe sait se faire respecter ! Bonne année Elie ! Dechoukons la profitation !!!", a tweeté Jean-Luc Mélenchon.
Idem de la part de Fabien Roussel, candidat du Parti communiste français à la présidentielle 2022 qui, lui aussi, a rencontré le Collectif mobilisé en Guadeloupe, lors de son déplacement sur place : "Elie libéré ! Au lieu de mobiliser des moyens pour organiser l'arrestation violente d'Elie Domota et des militants du LKP, l'Etat doit ouvrir ses oreilles et apporter des réponses à la crise sanitaire et sociale. Respectez l’île et ses habitants!"
On a pu voir aussi un mot d'Olivier Besancenot (extrême gauche), sur Twitter : "La répression, toujours la répression, encore la répression, en Guadeloupe. Libérez Elie Domota !!!"
Le député de Martinique, Jean-Philippe Nilor (PCF), quant à lui, "dénonce avec la plus grande fermeté l'arrestation arbitraire" d'Elie Domota.
Une fois de plus, une fois de trop, ce gouvernement fait preuve de surdité et de cécité face à nos réalités.
Une fois de plus, une fois de trop, ce gouvernement démontre clairement son incapacité à répondre autrement que par la violence à un peuple qui défend ses droits les plus légitimes.
Pour le député guadeloupéen Olivier Serva, l’interpellation du porte-parole du LKP n’est pas de nature à apaiser le climat de tension actuelle (interview réalisée par Colette Borda) :
Olivier Serva : "La violence ajoute de la douleur à la douleur et, moi, j'invite chacun à l'apaisement".
Par ailleurs, les élus guadeloupéens se disent toujours prêts à négocier avec le Collectif... mais pas sans l’Etat, pour ce qui est de l’obligation vaccinale. C'est ce que confirme le député de la 1ère circonscription de la Guadeloupe :
Olivier Serva : "Les élus guadeloupéens mobilisés et responsables ne peuvent pas se laver les mains de la situation de la Guadeloupe !".
C'est donc lundi 3 janvier 2022 qu'on saura si effectivement, le feu a été remis aux poudres.
Autre interrogation : quelles seront les conséquences de ce conflit social, en Guadeloupe, notamment pour l'économie locale et la santé publique, alors que les négociations sont au point mort, en l'absence de l'Etat ?