Les organisations syndicales quittent le terrain social pour donner au conflit une configuration politique

Elie Domota lors de l'assemblée générale du Collectif, 13 janvier 2022
Les organisations syndicales qui luttent contre l’obligation vaccinale ont donné rendez-vous le 20 janvier pour une mobilisation de grande ampleur. Réunis la semaine dernière en assemblée générale, les responsables syndicaux ont annoncé un changement de stratégie pour leur mobilisation générale

Maïté Hubert M'Toumo, secrétaire générale de l'UGTG, 13 janvier 2022

©Guadeloupe

Par ces mots, Maïté Hubert M'Toumo exprime l'ancrage de la mobilisation lancée en juillet dernier par le Collectif des organisations en lutte contre l'obligation vaccinale et le pass sanitaire.
A vrai dire, un nom conjoncturel qui avait permis de lancer le mouvement sur une cause qui pouvait mobiliser. D'autant que, les thématiques défendues depuis 2009 par le LKP n'avaient jamais réussi à susciter une adhésion populaire.

Car en fait, comme un pass sanitaire qui se transforme en pass vaccinal, le Collectif lui s'apprête à redonner des couleurs à l'appellation LKP.
Il le fera d'ailleurs à une date symbolique, le 20 janvier, qui marquera vraiment la deuxième saison de la série LKP. La transformation n'est d'ailleurs pas due au hasard, puisque l'argument de base sur la vaccination est quasiment épuisé. De plus en plus de soignants et assimilés choisissent de régulariser leur situation au regard de la loi et le nouveau vaccin sans ARN pourrait dissuader les plus réticents. 

Les encore membres du LKP se devaient donc de réagir pour profiter entièrement de cette rampe de lancement. Elle les conduit sur le seul objectif qu'ils s'étaient vraiment fixés : le terrain politique.

C'est que le LKP, dès sa création, a toujours cherché à émanciper l'action syndicale de sa seule vocation sociale pour lui donner une légitimité politique.
Une légitimité que le Lyannaj a estimé avoir reçu directement de la population en 2009 et qu'il considère acquis en 2021 du fait d'une Guadeloupe vaccinée à seulement 48%, un an après le lancement de la campagne.
Même si, il est vrai, ces autres 52% ne peuvent être interprétés ni dans un sens ni dans l'autre, ils suffisent pour permettre à Maïté Hubert M'Toumo pour qualifier la mobilisation comme représentative de la population guadeloupéenne.

Maïté Hubert M'Toumo, secrétaire générale de l'UGTG, 08 janvier 2022

©Guadeloupe

Un virage qui n'en est pas un

De fait, lorsque le Collectif dit qu'il décide de changer de méthode pour agir désormais sur le terrain politique, il ne peut s'agir d'un virage puisqu'il a toujours été sur ce terrain.

Si la revendication contre l'obligation vaccinale portait directement sur la défense des intérêts de travailleurs, en l'occurrence ceux des hôpitaux et plus généralement, de la branche médicale ou paramédicale du secteur libéral, dès le début, la plateforme de revendications du 2 septembre a déjà une envergure plus large que ce simple spectre social.
On y aborde des questions relatives  au bâti scolaire, au plan d'urgence pour l'eau, au chlordécone ou encore au service public de transport.... 
C'est dire la volonté de ces organisations de peser, comme en 2009 sur les choix politiques de la Guadeloupe. Une demie surprise que certains, comme Henri Berthelot secrétaire général de la CFDT Guadeloupe, expliquent sans pour autant le justifier, par l'absence de dialogue social dans l'archipel, même s'il reconnaît que la tentation politique fait de plus en plus partie de l'ADN de l'UGTG.

Henri Berthelot secrétaire général de la CFDT Guadeloupe

Pour Fred Réno, professeur de sciences politiques à l’Université des Antilles, si cette évolution du conflit était prévisible, elle ne dit pas pour autant la forme que cette action politique pourrait prendre.

Fred Reno professeur de sciences politiques à l’université des Antilles.

En réalité, depuis l'ère Domota, l'UGTG ne s'est jamais privée d'interférer sur le plan politique. Fidèle à ses principes, la centrale syndicale n'a jamais adhéré au système des élections politiques mais a toujours interprété l'abstention comme la démonstration du désaveu des électeurs. 
Pas question donc pour Elie Domota d'agir dans le cadre d'une campagne électorale, beaucoup plus risquée en terme de confirmation de la légitimité d'agir alors que l'action syndicale qui conduit à la sphère politique comporte moins de risques. 
Mais s'ils ne veulent pas agir dans le cadre d'une campagne électorale, ils comptent bien dès maintenant prendre date le 20 janvier prochain pour agir sur le climat politique en Guadeloupe et sur les deux campagnes électorales qui se profilent à l'horizon, la présidentielle et les législatives.