Ce samedi marque la disparition de Lucien Degras, chercheur émérite et passionné du jardin créole. Il avait 90 ans.
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Lucien Degras, agronome, généticien, ethnobotaniste... La nature a été son terrain de jeu et de recherche durant toute sa carrière. Lucien Degras, est décédé.
Né en Martinique, en 1927, Lucien Degras a été l'un des co-fondateurs du centre INRA (Institut national de la recherche agronomique) des Antilles et de la Guyane.
Il obtient son Baccalauréat en 1947 et embarque à bord du premier bateau emmenant des étudiants dans l'Hexagone, après la Seconde Guerre mondiale.
La guerre de 14-18 qu'il a vécu à distance et son impact sur les Antilles. "Nous avons connu le manque de nourriture... Nous faisions la queue le matin à partir de 4 heures pour avoir droit à une tranche de peau de bœuf de 10 centimètres sur 20 qui tenait lieu de viande. Nous avons mangé durant tout un mois, matin, midi et quelquefois le soir, des bananes vertes, cuites dans de l’eau de mer. Il n’y avait pas de sel. Cette période a été physiquement et physiologiquement très dure et je ne pesais pas lourd" confiait-il en 2008 dans une interview réalisée pour l'INRA.
Lucien Degras, arrive donc à Montpellier où il suit des études de Sciences naturelles, des cours de génétique végétale et de cytologie (l'étude des cellules isolées).
En 1958, il est interdit de séjour en Afrique, l’époque "de l’effervescence pour l’indépendance africaine -le référendum franco-africain, la sécession de la Guinée" explique t-il. Son amitié avec un syndicaliste est vue d'un mauvais oeil.
Après une année sabbatique, il regagne son laboratoire, travaillant sur les plantes vivrières jusqu’à son départ à la retraite, en 1994.
Il est aussi le créateur en 1992 de l’association Archipel des sciences, dont il a été l'un des fers de lance jusqu’en 2007.
Les ouvrages du chercheur font autorité dans le milieu des spécialistes. Ils lui ont valu plusieurs distinctions venues du Japon à la Côte-d’Ivoire en passant par Trinidad ou Cuba.
"On trouve dans toute la Caraïbe, dans toutes les régions tropicales humides américaines, comme une révérence pour l’igname sans que l’on puisse bien dire pourquoi. En fait, c’est qu’elle correspond à tout un ensemble culturel et rituel très important... couvrant toute l’Afrique occidentale humide ou à peu près, région d’où l’Europe a prélevé la majorité des esclaves pour les Antilles. Il s’ensuit une résonance culturelle considérable. Travaillant sur cette plante qui m’avait paru très originale sur le plan biologique, j’avais l’impression de permettre vraiment une avancée considérable dans sa connaissance scientifique et agronomique, tout en épousant une valeur socio-culturelle" précise t-il.
"C’est assez significatif que mon nom Degras, qui provient du vieux créole où il se dit Dégras, signifie “défrichement pour la préparation des jardins traditionnels”. J’ai appris cela sur le tard lorsque je me suis intéressé aux jardins créoles. J’étais donc déjà “marqué” sans le savoir pour m’occuper de jardins créoles" disait-il avec humour.
A (re) voir le reportage de Lise Dolmare et Rodrigue Lami :
Né en Martinique, en 1927, Lucien Degras a été l'un des co-fondateurs du centre INRA (Institut national de la recherche agronomique) des Antilles et de la Guyane.
Une vocation d'enseignant, il devient chercheur
Une carrière qui a fait de lui une référence dans le milieu... Un chemin qui n'était pourtant pas tout tracé... Lors de ses études, au lycée Schoelcher, à Fort-de-France, il appréciait la poésie et la littérature. Ses professeurs le destinaient d'ailleurs à des études de philosophie. Lui, se voyait plutôt enseignant.Il obtient son Baccalauréat en 1947 et embarque à bord du premier bateau emmenant des étudiants dans l'Hexagone, après la Seconde Guerre mondiale.
La guerre de 14-18 qu'il a vécu à distance et son impact sur les Antilles. "Nous avons connu le manque de nourriture... Nous faisions la queue le matin à partir de 4 heures pour avoir droit à une tranche de peau de bœuf de 10 centimètres sur 20 qui tenait lieu de viande. Nous avons mangé durant tout un mois, matin, midi et quelquefois le soir, des bananes vertes, cuites dans de l’eau de mer. Il n’y avait pas de sel. Cette période a été physiquement et physiologiquement très dure et je ne pesais pas lourd" confiait-il en 2008 dans une interview réalisée pour l'INRA.
Lucien Degras, arrive donc à Montpellier où il suit des études de Sciences naturelles, des cours de génétique végétale et de cytologie (l'étude des cellules isolées).
Ses débuts en Afrique
A l'âge de 23 ans, jeune marié, il s'envole pour la Guinée. Durant 5 années, il est responsable du réseau de recherche en matière d'amélioration du riz en milieu inondé pour l'ensemble de l'Afrique occidentale française à l'ORSTOM, l'Office de la recherche scientifique et technique outre-mer.En 1958, il est interdit de séjour en Afrique, l’époque "de l’effervescence pour l’indépendance africaine -le référendum franco-africain, la sécession de la Guinée" explique t-il. Son amitié avec un syndicaliste est vue d'un mauvais oeil.
L'agriculture et la recherche étroitement liées
Il retourne donc à l'INRA, à Paris, jusqu'en 1964, où il obtient sa mutation aux Antilles. Lucien Degras est "bombardé" directeur de station d'amélioration des plantes, selon ses propres termes. Une fonction qu'il occupe durant 17 ans, de 1964 à 1981.Après une année sabbatique, il regagne son laboratoire, travaillant sur les plantes vivrières jusqu’à son départ à la retraite, en 1994.
Il est aussi le créateur en 1992 de l’association Archipel des sciences, dont il a été l'un des fers de lance jusqu’en 2007.
Les ouvrages du chercheur font autorité dans le milieu des spécialistes. Ils lui ont valu plusieurs distinctions venues du Japon à la Côte-d’Ivoire en passant par Trinidad ou Cuba.
L'igname, son cheval de bataille
En 1986, il écrit L’Igname, plante à tubercule tropicale, Techniques agricoles et productions tropicales. Un ouvrage référence dans le monde agricole, de 400 pages, traduit également en anglais. Pour Lucien Degras, l'igname doit être une plante de base de notre alimentation. Elle correspond à tout un ensemble culturel et rituel très important couvrant toute l’Afrique occidentale humide ou à peu près, région d’où l’Europe a prélevé la majorité des esclaves pour les Antilles."On trouve dans toute la Caraïbe, dans toutes les régions tropicales humides américaines, comme une révérence pour l’igname sans que l’on puisse bien dire pourquoi. En fait, c’est qu’elle correspond à tout un ensemble culturel et rituel très important... couvrant toute l’Afrique occidentale humide ou à peu près, région d’où l’Europe a prélevé la majorité des esclaves pour les Antilles. Il s’ensuit une résonance culturelle considérable. Travaillant sur cette plante qui m’avait paru très originale sur le plan biologique, j’avais l’impression de permettre vraiment une avancée considérable dans sa connaissance scientifique et agronomique, tout en épousant une valeur socio-culturelle" précise t-il.
Le jardin créole, pan de notre patrimoine
Dans son dernier ouvrage, Le jardin créole, il présente cet espace représentatif du mode de culture traditionnel des Antilles-Guyane comme un élément à part entière de notre patrimoine. Un patrimoine agricole et culturel dans lequel les plantes cultivées manuellement y sont associées."C’est assez significatif que mon nom Degras, qui provient du vieux créole où il se dit Dégras, signifie “défrichement pour la préparation des jardins traditionnels”. J’ai appris cela sur le tard lorsque je me suis intéressé aux jardins créoles. J’étais donc déjà “marqué” sans le savoir pour m’occuper de jardins créoles" disait-il avec humour.
A (re) voir le reportage de Lise Dolmare et Rodrigue Lami :